L’incendiaire de la mosquée al-Aqsa

Il y a 45 ans, un tondeur de moutons australien malade mental mettait le feu à la mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam.1/3

Une fumée s’élève de la mosquée al-Aqsa après l’incendie criminel déclenché par Denis Michael Rohan en août 1969. (Archives du Jerusalem Post) (photo credit: ARCHIVE)
Une fumée s’élève de la mosquée al-Aqsa après l’incendie criminel déclenché par Denis Michael Rohan en août 1969. (Archives du Jerusalem Post)
(photo credit: ARCHIVE)
Il est 5 heures en cet après-midi d’août 1969. Denis Rohan, 28 ans, attend l’obscurité, dissimulé dans le feuillage d’un arbre sur l’esplanade des mosquées. Il doit prendre son mal en patience, car, à cette époque de l’année, le soleil se couche bien après 7 heures du soir. A travers les branches, il regarde les fidèles sortir de la mosquée après la dernière prière du jour. Son poste d’observation se trouve à l’écart des chemins que l’on emprunte pour quitter l’esplanade. A l’heure où le soleil baigne le mont des Oliviers, au-delà de l’étroite vallée du Cédron, l’Australien saisit l’appareil qu’il porte en bandoulière et prend une photo. Celle-ci servira de preuve, si besoin en est, que Rohan s’est bien trouvé à cet endroit à cette heure du jour. Une fois la nuit tombée, il descend de l’arbre et étire ses membres endoloris…
On ne voit plus personne sur l’esplanade, mais il patiente encore trois bonnes heures avant de s’approcher de la grande porte de la mosquée.
De son sac noir, il tire un tuyau dont il introduit une extrémité dans le large trou de la serrure. A l’autre extrémité, il adapte un entonnoir pour verser quatre litres de kérosène. Il entend le liquide se déverser derrière la porte, dans la mosquée. Puis il retire le tube et le remplace par une corde imbibée elle aussi de kérosène, qu’il fait passer à l’intérieur du lieu de culte par la même serrure. Il sent bien le mou de la corde qui retombe sur le sol. Il ne lui reste plus qu’à craquer une allumette et à l’approcher de la mèche improvisée, avant de ramasser son sac et de s’enfuir à toutes jambes.
Les grilles de l’esplanade sont fermées à cette heure, aussi gravit-il l’escalier qui monte aux remparts jusqu’à la porte des Lions, l’une des sept portes de la Vieille Ville, qu’il escaladera pour sortir. Il est presque minuit lorsqu’il parvient devant son hôtel, situé en dehors des murailles dans la partie arabe de la ville. Les rues lui semblent vides, mais soudain, deux policiers surgissent de l’ombre.
Faire place nette pour le Temple
Tout cela se passe deux ans après la guerre des Six Jours et à Jérusalem-Est, les forces de sécurité restent très attentives au moindre mouvement suspect. Les policiers rencontrés par Rohan font partie des équipes composées d’Arabes et de Juifs qui patrouillent dans le secteur.
L’Australien leur présente son passeport et peut-être remarquent-ils que son prénom s’écrit avec un seul « n », conformément à l’orthographe française. Jetant un coup d’œil derrière lui, Rohan ne voit aucune lueur du côté du mont du Temple. Le policier juif entreprend de fouiller le sac à dos et y découvre un fouet enroulé. Il tire ce qui ressemble à un manche et extrait un poignard du sac. Au moment où il pose sur Rohan un regard suspicieux, son collègue arabe lui explique que ce genre d’objets est vendu aux touristes dans la Vieille Ville, c’est une réplique du « korbouche » utilisé pour faire avancer les ânes récalcitrants.
Le policier rend donc à Rohan son passeport et son korbouche en lui souhaitant une bonne nuit.
Le poignard est une surprise pour l’Australien : la seule arme qu’il avait voulu acheter, pour sa part, était le fouet. Il pensait en avoir besoin pour faire sortir les « méchants » du mont du Temple, tout comme Jésus en a expulsé les marchands.
La Jérusalem d’après-guerre des Six Jours grouille de fondamentalistes chrétiens et juifs ; pour eux, la victoire d’Israël annonce l’arrivée imminente du Messie. Une interprétation somme toute inévitable… Barbus fanatiques revêtus de longues toges déambulant dans les rues de la ville comme pour une procession de Pâques se rencontrent à tous les coins de rue. Rohan, lui, n’attend pas la venue du Messie. Cet Australien de 28 ans a délaissé la tonte des moutons qui faisait son quotidien pour venir jouer un rôle central dans l’édification du nouveau Temple. Celui-là même où pénétrera le Messie en question.
Mais il faut d’abord faire place nette pour le Temple en détruisant la mosquée al-Aqsa, édifice qui, croit-il, occupe actuellement le site historique.
L’incendie qu’il croit avoir allumé cette nuit s’est éteint alors même qu’il n’avait pas encore quitté les lieux. Seule trace : une tache sur le sol que le gardien de la mosquée examinera avec perplexité en faisant sa tournée le lendemain matin. Qu’à cela ne tienne : Rohan recommencera.
Une voix venue du ciel
Rarement, dans l’histoire mouvementée de la ville, les agissements d’un déséquilibré isolé n’auront ébranlé Jérusalem comme allait le faire Rohan.
La première fois que ce dernier a entendu une voix venue du ciel, racontera-t-il plus tard, c’était en mars 1964, dans sa ville australienne de Grenfell. Deux mois plus tôt, son épouse, Gloria, rencontrée dans une soirée de danses folkloriques, l’a quitté en emmenant avec elle sa petite fille. Allongé dans son lit, en proie au désespoir, Rohan entend une voix lui dire : « Gloria aurait dû épouser le père de Sandra ». Sandra est l’enfant que sa femme a eue avec un précédent compagnon. « Demain, tu seras honoré et respecté », poursuit la voix.
La « révélation » finale, comme la qualifiera Rohan dans son récit ultérieur, concerne un « augure », outil de levage de 10 mètres de long qu’il doit transporter le lendemain du silo où il travaille à une autre ville, distante de 50 km. « Ne prends pas l’augure demain ! », lui commande la voix.
Rohan s’agenouille aussitôt au pied du lit, les mains sur la tête, dans une posture d’extase. Des sortes d’ondes électriques se répercutent de son crâne à la pointe de ses doigts et jusqu’au bout des pieds. « Merci, mon Père », sanglote-t-il. « Merci ! »
Le lendemain, il fait tout pour éviter de transporter l’augure comme convenu. Toutefois, ne trouvant pas de raison valable à ce revirement soudain, il doit obéir aux ordres et se résout à fixer l’appareil au camion. Ses collègues le prennent pour un fou et se moquent de lui derrière son dos, il le sait. En outre, il commence à se demander si la voix qu’il a entendue n’est pas, en fait, celle de Satan.
Deux ouvriers voyagent avec lui dans le camion. Tenaillé par une intense agitation, il peine à garder le pied sur l’accélérateur et à tenir fermement le volant.
Satan, c’est lui
Arrivé à mi-chemin, il n’en peut plus ; il freine brutalement et fait demi-tour. Il s’était déjà arrêté une fois sur la route, mais ses deux compagnons l’avaient poussé à continuer. Là, tandis qu’ils reviennent vers Grenfell, l’augure se détache du camion et tombe avec un terrible fracas. Rohan réussit à le remettre en place. Mais à 5 km de Grenfell, il ne peut plus se maîtriser davantage : il s’arrête, descend comme une furie sur la route et hurle : « Que Dieu ait pitié de moi ! » Une force invisible le frappe et l’aveugle et il tombe à genoux, en extase. Les deux hommes le font remonter de force dans le camion, et l’un d’eux prend le volant pour regagner le silo.
Quand son responsable le convoque dans son bureau, Rohan a recouvré ses esprits. Son patron le fait asseoir et lui parle gentiment : « Denis, tu as le cerveau dérangé », lui dit-il. « Je viens d’appeler ta femme et ton père et ni l’un ni l’autre ne veut entendre parler de toi. J’ai l’impression qu’il ne reste plus que moi pour t’aider. J’ai pris rendez-vous pour toi chez un médecin. Je voudrais que tu m’y accompagnes. »
« Non ! », hurle Rohan en se levant d’un bond. Il s’enfuit et retourne dans sa petite chambre de location. Allongé sur son lit, il pense aux feux de brousse qui, à cette époque, ravagent son pays et il s’en accuse. Il croit à présent que Satan, c’est lui. Il est persuadé que Dieu cherche à le supprimer et que, n’y parvenant pas, il va détruire toute l’Australie, sauf s’il se donne la mort. Il a tenté de le faire le mois précédent en avalant des cachets, mais sans succès. Il n’a pas le temps de recommencer : soudain, un agent de police frappe à la porte et entre. Il l’entraîne vers une voiture de patrouille stationnée devant la maison et le conduit au service psychiatrique de l’hôpital Bloomfield.
En route pour le kibboutz
Rohan restera enfermé dans cette institution quatre mois durant, puis il repartira avec un traitement à poursuivre en externe. Dès lors, il se comporte de nouveau comme un homme normal et parvient à gagner sa vie en travaillant comme tondeur de moutons ou en rendant de menus services dans des hôpitaux.
Cherchant alors à comprendre ce qu’il lui est arrivé, il se plonge dans des ouvrages de psychologie. Il devient par ailleurs membre de l’Eglise de Dieu, secte basée en Californie dont il a découvert la brochure par hasard et à laquelle il se met à envoyer une partie de son salaire par courrier. Cette religion par correspondance, qui ne réclame pas de contacts en face à face, constitue le terreau idéal pour sa démence, et il lit avec avidité les visions prophétiques décrites dans les brochures.
Cette secte prospère, qui a créé l’Ambassador College de Pasadena, en Californie, possède également un campus en Angleterre. Quatre ans après sa dépression nerveuse, Rohan s’embarque pour ce pays avec l’intention de s’y enrôler. Au lieu de cela, il décroche un emploi dans un hôpital du Middlesex et se contente d’écouter à la radio les émissions de la secte, « World Tomorrow », émises depuis Radio Amman en Jordanie. Il a prévu de partir au Canada, mais la perspective de l’océan démonté et de la neige l’incite à opter plutôt pour Israël. Cela lui semble le lieu idéal pour étudier la Bible et, en plus, il captera bien les émissions de Radio Amman. Un employé de l’office du tourisme israélien lui suggère le kibboutz, où il pourra travailler le matin et étudier l’hébreu l’après-midi.
« Je suis juif, je suis juif »
Rohan débarque en Israël en mars 1969 et s’installe au kibboutz Mishmar Hasharon, entre Haïfa et Tel-Aviv. Parmi les 40 autres bénévoles, se trouve un étudiant américain en théologie du nom d’Arthur Jones, avec qui Rohan a de longues discussions sur la Bible. Mais tandis que Jones insiste sur les notions chrétiennes d’amour et de pardon, Rohan, lui, parle de loi et de commandements. Il essaie sans succès de convaincre Jones de respecter le Shabbat juif avec lui.
Leur professeur d’hébreu, une ravissante brune, s’appelle Tsipora. Pendant les cours, Rohan la dévore des yeux, mais ne retient pas grand-chose de son enseignement.
Un jour, après le cours, il monte dans le bus qu’elle emprunte pour rentrer chez elle, à Natanya et s’assoit à côté d’elle. Il ne trouve rien à répondre quand elle lui demande où il va.
Une nuit, alors qu’il est couché, la voix se fait de nouveau entendre. « Tsipora va devenir ta femme », dit-elle. A sa mère, qu’il a un jour frappée et n’a pas revue depuis des années, il écrira alors : « Chère maman. Enfin je l’ai trouvée ! J’espère qu’elle sera une aussi bonne épouse et une aussi bonne mère que toi. »
Les autres volontaires du kibboutz trouvent Rohan un peu bizarre, mais le traitent avec bienveillance. Il a su gagner leur respect parce qu’il travaille bien et ne cherche pas à se dérober aux corvées. Pour la plupart d’entre eux, la vie au kibboutz fait figure de retour à l’enfance, avec la camaraderie et l’absence de responsabilités associées. Cette ambiance, Rohan ne l’a jamais connue. Au milieu de toute cette chaleur humaine, l’équilibre mental précaire qu’il a maintenu ces dernières années commence à se fissurer.
Un jour de juin, alors que la classe chante en hébreu, accompagnée par un accordéoniste, Rohan est ébranlé par l’une des chansons : Hiné ma tov (Comme il est merveilleux de résider ensemble, mes frères).
Ce soir-là, seul dans son lit, il se met à rechanter la chanson pour lui-même et éclate en sanglots, puis finit par délirer. Ses cris réveillent ses voisins de chambre et l’une des bénévoles, Mary Ann, arrive pour le calmer : elle le trouve en sueur, en train de se frotter le visage. Elle lui demande ce qui ne va pas et s’assied près du lit. « Je suis juif, je suis juif ! », crie-t-il.
« Comment le sais-tu ? Ce sont tes parents qui te l’ont dit ? »
« Non, ils ne me l’ont jamais dit. Mais depuis deux semaines, je n’arrête pas de penser à ça et je me dis que je suis peut-être juif. »
La clé de David
Il ne le sait pas encore, mais une idée a commencé à germer dans son esprit. Il parle à Arthur Jones de l’imminence de l’arrivée du Messie et de la construction d’un nouveau Temple.
« Et que fais-tu du Dôme du Rocher ? », lui rétorque Jones. Le sanctuaire au dôme doré, dit-on, occupe le site du Temple israélite détruit par les Romains en l’an 70 de notre ère. Tant qu’un autre bâtiment s’élèvera là, lui explique Jones, le Temple ne pourra pas être reconstruit.
« Qui sait ? », répond Rohan. « Peut-être qu’il sera détruit par un acte de sabotage, peut-être même que ce sont les Arabes qui le feront pour des motifs politiques, ou peut-être qu’il y aura un tremblement de terre… »
Le 1er juillet, jour de ses 28 ans, Rohan se rend pour la première fois à Jérusalem. C’est aussi, il l’a appris par la presse, le jour de l’investiture du prince Charles, qui devient prince de Galles. Or, d’après l’Eglise de Dieu, la famille royale britannique descend de la Maison de David. Rohan est désormais convaincu qu’il vient aussi de cette Maison. Au kibboutz, il a écrit à une société anglaise qui s’occupe de retracer les lignées, mais n’a pas posté la lettre. La coïncidence entre l’investiture royale et son propre anniversaire lui paraît un signe flagrant. Ce ne sera pas le dernier…
Rohan reste une semaine à Jérusalem. La veille de son départ, il déménage à l’Imperial Hotel, à proximité des murailles. Au moment de donner sa clé à Rohan, l’employé de la réception se trompe et détache une grosse clé rouillée qu’il lui tend. Rohan la saisit et va s’asseoir dans le lobby pour réfléchir. Cette clé, conclut-il, est celle de David et la main de l’employé a été guidée par Dieu.
Le roi Rohan guidé par le prophète
Revenu au kibboutz, Rohan est certain que sa destinée passera par Jérusalem, mais il ignore encore de quelle façon. Deux semaines plus tard, il quitte le kibboutz pour la Ville Sainte avec tous ses bagages. Cette fois, il ne vient pas en pèlerinage, mais en tant que membre de famille royale, et il parcourt en taxi les 80 km depuis Natanya. Il choisit un hôtel en fonction de son nom, le King David, qui se révèle être le plus luxueux de la ville. Apprenant que l’hôtel est plein, il se fait conduire au Kings, plus modeste, où il trouve une chambre pour quelques jours. C’est avec réticence qu’il passera ensuite au Rivoli Hotel, à Jérusalem-Est. Un nom dénué de tout symbolisme, mais un lieu où Rohan découvrira finalement qui il est et quelle est sa mission.
Feuilletant la Bible catholique qu’il trouve sur la table de nuit, il tombe sur un passage de Zacharie qu’il n’avait jamais remarqué : « Voici, un homme, dont le nom est germe, germera dans son lieu, et bâtira le Temple de l’Eternel. C’est lui qui bâtira le Temple de l’Eternel et il portera les insignes de la majesté et il s’assiéra et dominera sur son trône. »
Rohan repose la Bible. Il a trouvé le sens de sa vie. En une vision étincelante, tout se met en place. Le germe, c’est lui ; il va bâtir le Temple. « J’ai fini par comprendre », racontera-t-il par la suite, « que ma vie n’aurait aucun sens si je n’étais pas ce germe. » Toutes les souffrances endurées depuis son enfance n’étaient là que pour le renforcer, comme l’acier que l’on passe dans le feu ou l’or que l’on affine. Il comprend pourquoi on l’a élevé dans une discipline extrême, pourquoi les autres l’ont toujours rejeté et méprisé. Ce passé avait un but et sa destinée est brillante. Il reconstruira le Temple et régnera sur Jérusalem et sur le royaume de Judée. La belle Tsipora sera sa reine. Gloria, son épouse, était catholique et ils n’ont donc pas pu divorcer, mais la voix, au kibboutz, était formelle : Tsipora allait devenir sa femme, ce qui signifiait clairement que Gloria ne l’était plus.
Un habitué de la mosquée
Cette nouvelle certitude fait revenir le calme en lui et il commence à réfléchir à son action. Pour construire le Temple, il faut d’abord libérer l’emplacement où il doit s’élever. Le mont du Temple, qui occupe un sixième de la superficie de la Vieille Ville, est situé au sommet d’une aire de battage cananéenne achetée par le roi David quelque 3 000 ans plus tôt. David, raconte la Bible, comptait y construire un sanctuaire pour y placer l’Arche sainte qui avait accompagné les Israélites durant leurs pérégrinations dans le désert. Toutefois, les guerres qu’il avait menées avaient laissé trop de sang sur ses mains pour pouvoir accomplir cette tâche, aussi est-ce Salomon, son fils, qui a aplani le sommet de la colline pour y bâtir le Temple.
Près de mille ans plus tard, le roi Hérode doublera la taille du site et reconstruira le Temple et ses abords, faisant de ce lieu l’un des complexes architecturaux les plus somptueux de l’Antiquité. Un siècle plus tard, les Romains le détruisent et chassent les Juifs de Jérusalem. Le mont du Temple restera ensuite un lieu désolé jusqu’à la conquête arabe, au VIIe siècle. Les Arabes déblaient alors la vaste esplanade, l’aspergent d’eau de rose et la consacrent pour en faire le troisième lieu saint de l’islam. Ils construisent à l’emplacement présumé du site du Temple, c’est-à-dire au centre du mont, le Dôme du Rocher, un bijou architectural auquel on ajoutera, au fil des ans, des mosaïques qui en sublimeront encore la beauté.
Au début du VIIIe siècle, on construit une deuxième mosquée à l’extrémité sud de l’esplanade. La mosquée al-Aqsa, d’une capacité d’accueil de 5 000 fidèles, devient le principal lieu de prière des musulmans de Jérusalem.
Rohan décide de la détruire, croyant à tort que c’est elle, et non le Dôme du Rocher, qui s’élève à l’emplacement exact du Temple. Deux semaines durant, il se rend tous les jours sur le site ; s’y promène pendant des heures en marmonnant dans sa barbe.
Par moments, il s’assied à l’ombre et lit le journal.
Plusieurs fois, il pénètre dans la mosquée. Il connaît les gardiens arabes et met un point d’honneur à leur glisser des pourboires royaux. Dès qu’ils voient approcher ce touriste bizarre aux cheveux en brosse, ceux-ci le gratifient d’un « ahalan » [bienvenue, en arabe] enjoué. Parfois, il s’allonge sur les tapis de prière qui recouvrent le sol et les gardiens s’abstiennent de le déranger, sauf si leurs supérieurs se trouvent dans les parages. Il arrive même que Rohan s’endorme sur ces tapis.
La phrase que Rohan attendait
En fait, il attend encore un dernier signe qui lui confirmera sa mission. Il le trouvera en la personne de Mounir, un jeune Arabe de 18 ans, qui lui propose un jour de lui faire visiter le site. Rohan lui donne 50 livres israéliennes, soit 10 fois plus que le tarif habituel, pour des services de guide très limités. Dès lors, Mounir rejoint Rohan dès qu’il l’aperçoit et il est à chaque fois récompensé par des pourboires de plus en plus généreux. Rohan parle plus qu’il n’écoute. Plusieurs amis de Mounir se mettent à les suivre lors de ces promenades et s’amusent à faire parler le touriste fou.
Cela ne semble pas déranger Rohan, qui raconte sa vie et lance des allusions assez vagues et énigmatiques, à son identité et à sa mission. Un jour, il dit à Mounir : « Si tu arrives à me dire pourquoi je suis à Jérusalem en ce moment, je te donnerai 1 000 livres [250 euros]. »
Mounir copie alors des phrases qu’il se souvient avoir entendues de la bouche de Rohan et y ajoute des passages de la Bible cités par ce dernier. Il inclut également des extraits d’une lettre que lui a envoyée un chrétien évangéliste américain qu’il a guidé un jour et qui voulait le convertir au christianisme.
Le lendemain, Mounir se rend ainsi à l’hôtel de Rohan et lui tend son papier. Le texte est quasiment illisible, mais Rohan lui donne tout de même 500 livres et lui promet qu’il en aura davantage s’il améliore son écriture. Quelques jours plus tard, Mounir revient avec une version bien rédigée, qui contient la phrase que Rohan attendait. Une phrase que Mounir a recopiée sur la lettre de l’Américain : « La profonde connaissance que tu as du site du Temple fait de toi un bon candidat pour apprendre et pour être protégé par le Dieu véritable lors de la destruction à venir. »
Pour Rohan, il s’agit là de la confirmation définitive : un musulman lui dit que lui, Rohan, est destiné à détruire le lieu saint de l’islam. Après tout, Mounir connaît l’emplacement du Temple et, s’il fait le lien avec une destruction à venir, il ne peut parler que de celle de la mosquée qui occupe le site du temple. Mounir ne comprend pas l’excitation de Rohan, mais il empoche les 500 livres que lui tend ce dernier. A suivre… 
abra@netvision.net.il
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite