Une saison parfaite ?

Ironi Kiryat Shmona qui a vu le jour en 2000 est en passe de devenir le premier vrai petit club à remporter le Championnat de Première Ligue, depuis 1990

foot (photo credit: Adi Avishai)
foot
(photo credit: Adi Avishai)
Toute tentative pour expliquer le succès de Ran Ben-Shimon, au sein d’Ironi Kiryat Shmona, semble vouée à l’échec. Ce n’est pas tant ce que son équipe est sur le point d’accomplir cette saison, qui impressionne, mais la manière dont elle s’y prend.
Depuis 1990, un seul titre de Championnat de Première Ligue a été attribué à un club, hors des traditionnels quatre grands. Maccabi Haïfa (neuf titres), Beitar Jérusalem (cinq titres), Maccabi Tel-Aviv (quatre titres) et Hapoël Tel-Aviv (deux titres), ont dominé le football israélien ces deux dernières décennies. Et si Hapoël Haïfa s’est incrusté dans la partie en 1998/1999, c’est seulement parce qu’il était l’un des plus gros flambeurs de cette époque, grâce à la générosité de feu Robi Shapira.
Kiryat Shmona, de son côté, n’a vu le jour qu’en 2000. Il est toutefois en passe de devenir le véritable premier petit club à remporter le championnat, depuis l’exploit de Bnei Yehouda, du quartier Hatikva de Tel-Aviv, en 1989/1990.
A l’époque, il fallait se rendre en personne au stade pour admirer son équipe en action. A moins d’être assez chanceux pour voir son club fétiche diffusé lors du seul et unique direct de la semaine.
Quasiment la moitié des titres de la ligue des vingt années précédant l’exploit de Bnei Yehouda ont été remportés par des clubs comme Maccabi Netanya, Hapoël Beersheva, Hapoël Kfar Saba et Hakoah Ramat Gan. Mais la révolution de la communication de la fin du XXe siècle a vu les plus aisés s’enrichir encore. Et les équipes périphériques, géographiquement et d’un point de vue footballistique, renvoyées au placard.
Kiryat Shmona : petite équipe, grand jeu
 Kiryat Shmona a changé tout cela cette saison. Son budget représente moins d’un cinquième de celui du Maccabi Tel- Aviv, il est inférieur également à celui de Hapoël Beersheva qui est en deuxième division.
Une des surprises de cette saison : l’importante préoccupation de Kiryat Shmona au début de la saison, pour éviter le syndrome de la deuxième division. Après avoir terminé leur toute première saison en première division à la troisième place en 2007/2008, les habitants du Nord ont été déclassés, l’année suivante. Ils ont aussitôt réagi, ont fini la saison en cinquième position, et remporté la Coupe Toto, leur tout premier titre.
Kiryat Shmona aurait été plus qu’heureux de réitérer l’exploit en 2011/2012. Mais il a, au contraire, dépassé toute attente. Le club détient 12 bons points d’avance, avec 11 matchs à jouer, non battus lors de leurs derniers 24 jeux, et gagnants de 12 des 15 dernières rencontres.
Kiryat Shmona n’est pas seulement sur le point de remporter un championnat historique. Il domine aussi complètement le reste de la ligue, qui comprend pourtant des rivaux bien plus riches et respectés.
Deux hommes méritent d’être salués pour la saison remarquable de Kiryat Shmona : Ben-Shimon, précédemment cité, et le propriétaire du club Izzy Sheratzky. C’est ce dernier, fondateur d’Ituran, qui a pris la décision de contrôler les deux équipes de la ville (Hapoël et Maccabi) et de former des joueurs inexpérimentés pour en faire des étoiles du stade.
Il y a treize ans, les roquettes Katioucha tombent sur la ville. Il a dès lors décidé de mettre en place un projet pour la cité en souffrance. Et de fonder le club sportif. Son but : atteindre le haut du tableau, un jour.
Kiryat Shmona a été promu en Première Ligue pour la première fois de son histoire, en 2007. Puis Ben-Shimon l’a guidé au championnat de Ligue nationale, lors de sa première saison, à la tête du club.
L’équipe est alors arrivée en troisième position et s’est qualifiée pour la Coupe de l’UEFA, lors d’une sensationnelle première saison, avant que Ben-Shimon ne la quitte pour entraîner Maccabi Tel-Aviv. Et de se faire licencié à peine huit matchs plus tard, pendant la saison 2008/2009.
Malgré la déception du départ de Ben-Shimon, Sheratzky l’a rappelé en avril. S’il n’a pas évité le déclassement de l’équipe, en deuxième division, il lui a néanmoins permis de retourner en Première Ligue, lors de la saison suivante.
Et il est maintenant en route pour établir l’un des plus grands accomplissements de l’histoire du football israélien.
Miser sur les prochaines rencontres
C’est à Ben-Shimon, 41 ans, que l’on doit le jeu de l’équipe. Tous les doutes concernant la puissance des joueurs se sont dissipés, samedi 18 février, lorsque ses hommes ont fait l’impasse sur toute distraction à l’extérieur du terrain et remporté une autre victoire impressionnante.
Le tableau idyllique a toutefois volé en éclats suite au refus de Ben-Shimon de signer un contrat d’extension, offert par Sheratzky. Malgré l’entrevue entre les deux hommes pour clarifier la situation, l’inquiétude grandissait concernant un probable échec des joueurs inexpérimentés au sein du club.
Les habitants du Nord ont toutefois battu Maccabi Petah Tikva, 2 à 1, faisant taire les derniers sceptiques une fois pour toutes. “Ma relation avec Izzy connaît des hauts et des bas. Nous avons passé une semaine désagréable, mais tout va bien à présent”, a confié Ben-Shimon après la victoire. “Nous devons nous assurer que l’équipe garde le cap pour réussir de grandes choses.”
L’attaquant Barak Badash a assuré quant à lui que le remue-ménage avait boosté Kiryat Shmona. “Ce qu’il s’est passé entre Ben-Shimon et Sheratzky nous a donné encore plus envie de gagner. Ce serait une farce si nous ne gagnions pas le championnat.”
Il n’y a pas si longtemps, les joueurs de Kiryat Shmona n’osaient pas prononcer le mot “championnat”, de peur de porter la poisse à l’incroyable saison de l’équipe. Mais tellement de choses ont changé ces derniers mois que les compagnons de Badash sont désormais confiants, à trois mois de la fin de la saison.
Étonnamment, un triplé local sans précédent semble être à portée de main de Kiryat Shmona. La Coupe Toto est déjà en sécurité dans leur armoire à trophées et donne envie d’y croire. Mais le trac reste présent, et Ben-Shimon aussi a du mal à miser sur l’avenir : une saison pareille n’arrive qu’une fois dans la vie.