Pour en être arrivé là, le projet annuel Live Hatikva, qui célèbre son cinquième anniversaire en ce Yom Haatsmaout, doit sûrement marquer la bonne mesure. L’initiative - née de la femme d’affaires et philanthrope israélienne Galia Albin -, encourage les membres des communautés juives à travers le monde à chanter simultanément l’hymne national israélien, “Hatikva” (L’Espoir), le jour de Yom Haatsmaout et de télécharger le clip de leur prestation sur un câble YouTube commun, sous l’égide de www.livehatikva.org.Chaque année, une communauté différente est à l’honneur : les Etats-Unis en 2009, l’Amérique du Sud en 2010, l’Australie l’an dernier et l’Afrique du Sud pour 2012.“A notre premier Live Hatikva en 2008, nous avons battu le record du monde Guinness du plus grand nombre de personnes interprétant un hymne national en même temps”, explique Albin. “Et l’événement a continué de croître chaque année, doublant presque aujourd’hui.”Un hymne pour tous ? L’idée du projet découle en réalité d’une tentative d’anathème de l’hymne : un débat d’une commission de la Knesset en 2007 déclenché par le député arabe Ahmed Tibi, qui demandait que l’Hatikva soit détrônée. Albin, qui assistait à la réunion, se souvient : “Je me suis dit, ce sera mon objectif : que chaque année, qu’il vente ou qu’il pleuve, aussi longtemps que je vivrai - et bien sûr aussi longtemps que l’Etat juif vivra, c’est-à-dire à jamais - je diffuserai des images de communautés juives mobilisées pour chanter en choeur l’Hatikva”.Albin est fière que les écoles juives à travers le monde enseignent les paroles et l’histoire de l’hymne. “Enfin, les gens commencent à comprendre : ce n’est pas juste une chanson de barmitsva. C’est toute l’histoire juive.”A point nommé, la conversation glisse sur le dernier “scandale”, dans lequel le juge de la Cour suprême Salim Joubran a été critiqué par certains pour ne pas avoir chanté l’Hatikva avec l’assemblée lors de l’intronisation du nouveau président de l’institution, Grunis Asher. Albin comprend bien que les citoyens arabes puissent ne pas s’identifier avec les mots “Tant qu’au fond du coeur, l’âme juive vibre”, “mais selon moi, même si vous ne chantez pas, vous devez rester debout dans une posture respectueuse.”Elle souligne : “Cet Etat est né en tant que foyer du peuple juif. Je comprends que pour un non-Juif, c’est délicat, mais ils ne vivent pas à Homs, en Syrie, ils vivent dans un pays démocratique, et ils devraient en être reconnaissants.” Albin avoue être “très sensible sur la question.” Quand je lui demande ce qu’elle pense de l’ajout d’un verset qui rendrait l’hymne plus adapté à tous les citoyens, elle répond : “Si les citoyens non juifs veulent ajouter un verset qu’ils aimeraient chanter lors de leurs événements, Ahalan wasahalan [en arabe “bienvenus” (grand bien leur fasse)], mais pour tous les événements officiels, l’Hatikva sera chantée telle quelle.” Et, espère bien Albin, lors de toutes les manifestations officielles.L’essence du peuple juif En entendant l’Hatikva, “je me sens connectée - pas seulement aux six millions de Juifs qui vivent en Israël, mais aux 14 millions du monde... C’est un sentiment de responsabilité mutuelle,” dit-elle, en utilisant les mots “arevout hadadit”. Pour elle, l’expression “tous les Juifs sont responsables l’un de l’autre” n’est pas vaine, c’est une douce musique à ses oreilles.“Chaque fois que cela s’avère nécessaire, nous sommes là les uns pour les autres. Je suis tellement fière d’appartenir à cette nation”, affirme l’entrepreneuse née à Haïfa, mère et grand-mère.“Je pourrais prendre mon israélité et ma judéité pour acquises, étant née ici, mais je ne le fais jamais. Je suis toujours reconnaissante. Je pourrais être née dix ans plus tôt, au coeur de la Shoah, avec mes parents à Vienne, en Autriche. Le fait d’être ici et d’avoir un Etat juif n’est pas à prendre à la légère.”“C’est aussi un message pour la prochaine génération. Ils pourraient dire : ‘qu’est-ce que signifie [dans les paroles de l’Hatikva] être un peuple libre ? Nous sommes un peuple libre depuis belle lurette’. Mais le sommes-nous vraiment ? Pourquoi alors endurons-nous encore de tant de haine, attaques de missiles et menaces ?” Quand Israël est accusé d’être un Etat d’apartheid, elle bouillonne : “C’est un peu comme une allégation de sacrifices humains”.Elle aimerait que tous les Israéliens qui se rendent à l’étranger (à leurs propres frais) rencontrent les Juifs de la communauté locale et parlent de la vie en Israël.Lorsqu’on lui demande quelle est sa propre “Tikva”, son “espoir” personnel, elle répond : “Qu’à chaque génération, ceux qui se lèvent pour nous détruire, échouent”, s’inspirant d’une citation de la Haggada.“Nous ne pouvons pas survivre sans préserver le caractère juif de l’Etat,” dit-elle, ajoutant : “Le message de l’Hatikva, c’est ce lien et cette connexion particulière entre les membres du peuple juif en Israël et en Diaspora - nous oublions parfois que nous sommes un même peuple.”Les communautés qui ont participé à Live Hatikva sont imposantes et bien établies en Europe et Amérique du Nord ou minuscules telles que Aruba dans les Caraïbes. Certaines ne fêtaient pas Yom Haatsmaout avant d’être touchées par le projet, dit-elle. “Si vous me demandez quel est le secret du peuple juif, c’est l’Hatikva”, explique Albin, Juive fière, mais laïque.Ces huit vers racontent toute l’histoire”, poursuit-elle. “Le regard tourné vers Sion, l’âme juive qui se languit, et ne pas perdre l’espoir d’être un peuple libre. Etre libre, vivre en paix et être reconnus comme ayant le droit de vivre à Sion. Nous avons subi assez de haine.”Et sur cette juste - sinon joyeuse - note...Heureux Yom Haatsmaout !
Quelque 52 000 personnes auraient participé à la première édition. Mais plus que battre un record du monde - “ce qui fait un peu gimmick” - Albin veut tendre la main aux Juifs où qu’ils se trouvent, via les mots de Naphtali Herz Imber.“L’Hatikva comble les lacunes linguistiques et culturelles entre les Juifs du monde entier, et en créant cet événement, nous relions les gens et les communautés qui, autrement, ne se seraient jamais rencontrées”, pointe-t-elle, faisant l’éloge du projet.Comme toute Israélienne qui se respecte, je surprends Albin au téléphone, au supermarché, en train d’acheter de la nourriture pour la fin de Pessah, au lendemain de son retour d’un voyage en Afrique du Sud.“Mon réfrigérateur est absolument vide et je suis une mère juive,” dit-elle avant de se lancer dans l’une des louanges les plus passionnées de l’hymne national israélien - en fait, de tout hymne national - que j’ai jamais entendues. L’Hatikva ne se contente pas de faire vibrer le coeur d’Albin, elle tire sur ses cordes sensibles. Diffuser le message de l’Hatikva dans les communautés de diaspora fait, pour elle, partie du Tikkoun Olam, la réparation du monde.“Live Hatikva a aujourd’hui cinq ans - c’est devenu officiellement une tradition. Notre objectif est d’atteindre les 14 millions de Juifs”, souhaite-t-elle.Cette année, Beit Hatfoutsot, le Musée du peuple juif, a également accordé au projet un mur (au sens non- Facebookien du terme) pour afficher les photos de l’événement, transformant ce qu’Albin appelle “la chanson du peuple juif” en toile artistique animée. Près d’un demimillion de photos des cinq dernières années sont d’ores et déjà dans la course pour figurer sur le prestigieux édifice.