Visite en eau profonde

Faire venir la mer à Jérusalem. Une idée folle, mais qui pourrait bien devenir réalité le 19 juin prochain, avec l’ouverture de l’aquarium Gottesman au Zoo biblique

Un des futurs bassins de l'aquarium de Jérusalem (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Un des futurs bassins de l'aquarium de Jérusalem
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Le Zoo biblique de Jérusalem est l’attraction payante la plus visitée de la capitale. En 2002, ce parc animalier a reçu l’autorisation d’ajouter à ses 26 hectares de superficie, 14 hectares supplémentaires. A l’époque, plusieurs options ont été envisagées pour occuper cette surface nouvelle. Parmi elles, la construction d’un aquarium.
Au nom de la biodiversité
Quelques années plus tard, en 2008, un plan de biodiversité nationale a été approuvé par le gouvernement. Il s’agit d’un document de 600 pages, rédigé par des professeurs d’université, des écologistes et des zoologistes, soucieux de proposer des solutions pour aider Israël à préserver son habitat marin. « Nous avons encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine », explique Shai Doron, directeur du Zoo biblique de Jérusalem. « Personne ne considère la mer comme un habitat. Nous la sollicitons pourtant largement, que ce soit à des fins récréatives ou touristiques, pour le transport de marchandises et ses ports commerciaux. Mais personne n’en prend soin. L’une des priorités de ce plan national de biodiversité est de s’intéresser à la préservation de l’espace marin. »
Le résultat : un projet d’aquarium, premier du genre en Israël, en gestation depuis trois ans et demi. Outre les questions de biodiversité et d’habitat marin, il vise également à encourager l’éducation et la recherche. S’il existe déjà l’observatoire sous-marin d’Eilat, un zoo sous-marin rattaché à un centre commercial à Dubaï, l’aquarium Gottesman de Jérusalem sera le seul établissement autonome consacré à la vie aquatique au Moyen-Orient.
Une autre de ses particularités sera de présenter exclusivement des espèces maritimes locales. « L’habitat marin qui entoure Israël est si riche et varié. Dommage qu’il soit méconnu de la plupart des habitants de la région », précise Doron. « Peut-être qu’à Eilat, certains ont plus conscience de la faune et de la flore marines, de la beauté de nos récifs de coraux et de la diversité de nos poissons, mais la plupart d’entre nous n’ont aucune idée de ce qui se passe en Méditerranée. Je pense donc que les visiteurs seront très surpris de ce qu’ils vont découvrir. »
La promesse de nous étonner avec ce qui se trame sous nos étendues maritimes est un atout majeur de l’aquarium, censé attirer les visiteurs locaux et internationaux. L’ouverture d’une attraction en intérieur, capable d’accueillir le public de nuit ou en cas de conditions météorologiques extrêmes quand le zoo est au repos, est aussi un avantage non négligeable. Les abonnés au zoo – environ 52 000 personnes – bénéficieront d’une réduction sur le prix d’entrée à l’aquarium ; quant au ticket combiné, il donnera accès aux deux attractions et sera valide plusieurs jours, car il sera difficile pour les visiteurs de profiter pleinement du zoo et de l’aquarium en une seule journée.
Au total, le projet s’élève à quelque 100 millions de shekels. 18 millions proviennent de subventions de la municipalité de Jérusalem et du ministère du Tourisme, tandis que les 82 millions restants proviennent de collectes en Israël et à l’étranger, ainsi que du fonds de dotation du zoo. Le don le plus généreux est venu de David et Ruth Gottesman, bien connus dans la capitale pour être également impliqués dans de nombreux projets, comme la Bibliothèque nationale ou la piste cyclable au départ de la Tahana Rishona (Première Station).
Une première
Première du genre en Israël, la construction de l’aquarium était entourée de plusieurs inconnues. « Cela a constitué un réel défi, car personne n’avait jamais construit une telle installation. Nous avons donc dû faire appel à des consultants venus des Etats-Unis, experts dans les systèmes vivants et la préservation zoologique, questions centrales pour l’édification d’un aquarium couvert », pointe Doron.
Aux commandes du projet : l’architecte Lenny Raviv, à qui l’on doit déjà le zoo de Jérusalem, ce qui crée une synergie et une continuité conceptuelle entre les deux sites. Le bassin central de l’aquarium s’étend sur 7 000 m2, dont 3 000 réservés aux systèmes de maintenance, indispensables pour produire une eau pure de qualité, et assurer des conditions de vie saine à toutes les espèces exposées. L’aquarium produira sa propre eau salée in situ et toute l’eau utilisée sera recyclée. « Ce projet a été conçu pour être écologique, nos installations ne doivent en aucun cas perturber la topographie », explique le directeur du zoo. « Nous avons conçu un toit vert, constitué en partie d’un jardin, mais aussi d’un panneau solaire qui créera de l’énergie verte pour les besoins de l’aquarium. Quant à la façade du bâtiment, avec son mélange de pierres de Jérusalem et d’autres roches généralement mises au rebut, elle possède un aspect unique. »
Les quatre mers
Le premier espace dans lequel pénètre le visiteur s’intitule « la galerie des quatre mers ». Il s’agit d’une sorte de microcosme qui donne le ton, avec un bassin pour chacune des étendues maritimes qui bordent Israël : Méditerranée, mer Rouge, lac de Tibériade et mer Morte. Certes, la mer Morte, de par sa salinité excessive, n’abrite aucun organisme vivant, mais des poissons évoluent en bassin à proximité.
La Méditerranée est la première mer à se dévoiler au visiteur. « Une flore et une faune saisissantes jouxtent les plages de Tel-Aviv, Herzliya, Natanya ou encore Nahariya », note Doron. « Pour mieux les faire découvrir aux visiteurs, nous avons pris le parti de débuter l’exposition par le bord de mer, avant une immersion sous les eaux en profondeur. » A découvrir en particulier : un bassin de raies manta, que les visiteurs pourront nourrir et avec lesquelles ils pourront interagir. Mais également de petits aquariums, habités par des hippocampes ou des poissons pierre adeptes du camouflage, qu’il serait impossible de déceler dans un espace plus grand.
A mesure que l’immersion s’intensifie, l’exposition aborde également les questions de la pêche et les dangers de la surpêche. « C’est un problème préoccupant sur lequel nous voulons attirer l’attention », indique Shai Doron. « Notre but consiste à sensibiliser et éduquer, face aux excès de la pêche. Nous permettrons au visiteur de mieux comprendre les différentes techniques de pêche : quelles sont les moins nocives pour la conservation des espèces, les nuisances qu’elles peuvent causer lorsqu’elles sont pratiquées pendant la saison de reproduction des poissons, et quelles sont les espèces qu’il ne faut pas pêcher. » Se révèlent ensuite profonds de la méditerranéens. Une des principales attractions de l’aquarium sera incontestablement cet immense bassin pour requins constitué de 1500 m3 d’eau de mer. Sans oublier les tortues de mer, les bancs de thon, ou autres poissons des abysses qui évoluent à quelque 100 mètres de profondeur.
Après la Méditerranée, le visiteur se laissera voguer vers la mer Rouge, via un couloir dédié au canal de Suez. « Pour comprendre ce qui s’est passé entre ces deux étendues maritimes, vous devez impérativement connaître l’histoire du canal de Suez », précise Shai Doron. La galerie consacrée à la mer Rouge accueillera ses invités par une exposition de plus de 600 poissons-clowns. Des souterrains et des parcours aménagés seront proposés aux enfants ou aux adultes désireux d’embarquer pour une expérience unique, et d’expérimenter la sensation d’immersion dans un bassin.
L’écologie au premier plan
Les huit bassins consacrés aux méduses sous toutes leurs formes sont une autre attraction incontournable. « Pour bien appréhender l’écologie et la chaîne alimentaire de la mer Rouge, vous devez comprendre le phénomène des méduses. Par exemple, on dénombre beaucoup d’accidents au cours desquels des requins ou des tortues de mer ont avalé des sacs plastiques. Nous allons donc exposer des méduses et des sacs plastiques dans un même bassin, pour montrer qu’ils peuvent facilement se confondre. Les méduses sont des créatures anciennes, et elles jouent un rôle important dans les mers. Les Israéliens n’en sont absolument pas conscients. Ils ne voient en elles qu’un obstacle à la baignade. Nous voulons insister sur les nuisances des sacs plastiques dans les océans. C’est une des questions clé autour de la préservation de l’habitat marin. » Les homards aussi auront le droit de montrer leurs pinces en public, pour une démonstration assortie d’explications sur les espèces maritimes cachères et non cachères.
L’activité centrale du nouvel aquarium se trouve dans les coulisses de l’installation, là où toutes les espèces arrivent et sont traitées avant d’être exposées, explique Shai Doron. Une zone qui fait également office de centre de préservation pour les animaux en danger, d’études et de recherches. Au cœur de l’aquarium, un laboratoire où les chimistes testeront la qualité de l’eau, matin et soir. « Il ne s’agit pas d’un système high-tech », précise Doron. « Nous avons appris d’autres aquariums qu’il est préférable de faire appel à des ressources humaines. Des chimistes en auront la charge, car il est important de délivrer des données précises aux biologistes marins. C’est l’élément clé pour assurer la qualité de l’eau. Le système reposera donc sur des hommes, et non sur des ordinateurs. Ces derniers peuvent parfois se montrer trop sensibles, et en général, les aquariums s’équipent de deux systèmes, l’un informatisé et l’autre humain. Nous n’en aurons qu’un, ce qui nous permet de faire des économies de plusieurs millions de shekels. »
S’il n’est pas high-tech pour le traitement des eaux, l’aquarium le sera en termes d’inter­activité avec les visiteurs. Au menu : des écrans tactiles compatibles avec des applications pour smartphones, délivrant des données sur toutes les espèces animales exposées ; des panneaux éducatifs, pour présenter les mammifères qu’il n’aura pas été possible d’accueillir dans les différents bassins et autres galeries ; sans oublier, juste avant de partir, une exposition éducative interactive, afin d’encourager les visiteurs à respecter l’environnement. De quoi éveiller les consciences et rendre le grand public plus eco-friendly. A noter que tous les panneaux sont rédigés en hébreu, arabe et anglais.
Reste maintenant à voir si l’aquarium aura le pied marin. Pour son ouverture, prévue le 19 juin prochain, son cap est clair : redonner à la mer toutes ses lettres de noblesse, et surfer sur la vague du développement durable. Ceux qui ont envie d’un bol d’air iodé et de prendre le large le temps de quelques heures, sans quitter Jérusalem, y trouveront leur bonheur.
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