L’homme grâce à qui les Etats-Unis ont financé le Dôme de fer

Eric Lynn a réussi à sauver le système anti-roquettes et des milliers de vies humaines

Barack Obama en visite de soutien à Sdérot lors de la campagne présidentielle américaine de 2008 (photo credit: REUTERS)
Barack Obama en visite de soutien à Sdérot lors de la campagne présidentielle américaine de 2008
(photo credit: REUTERS)
Ce 23 juillet 2008, toutes les caméras de télévision étaient tournées vers Barack Obama, alors jeune sénateur de l’Illinois et candidat à l’investiture du Parti démocrate pour la présidence des Etats-Unis. Il se trouvait alors dans la ville de Sdérot, après une période pendant laquelle une centaine de roquettes du Hamas s’étaient abattues sur la localité limitrophe à la bande de Gaza. D’une voie émue, il a prononcé cette phrase mémorable : « Si quelqu’un envoyait des roquettes sur ma maison, où mes filles dorment la nuit, je ferais tout mon possible pour que cela cesse. » Obama a ensuite promis que s’il était élu, il agirait pour protéger Israël des attaques des roquettes du Hamas.
A 10 mètres de lui, se tenait un homme qui sans nul doute a été l’un des principaux facteurs à faire en sorte que la promesse soit tenue. Du printemps 2009, date à laquelle il est devenu un des principaux responsables du ministère américain de la Défense jusqu’à 2014, Eric Lynn n’a cessé de batailler dans les tranchées du Pentagone pour obtenir le financement du Dôme de fer.
Refus après les premiers tests
Dans une interview au Jerusalem Post, Lynn se souvient qu’à son arrivée au ministère de la Défense il a trouvé « un dossier classifié sur le Dôme de fer, système sur lequel Israël travaillait depuis quelque temps et pour lequel il avait demandé une aide financière des Etats-Unis. Mais le dossier avait été tamponné en 2008 avec la mention “refusé” ».
« J’ai étudié le dossier et pensé qu’il s’agissait d’un système vraiment important pour la protection d’Israël et d’autres pays à travers le monde, y compris éventuellement des militaires et des civils américains. Il n’existait pas sur le marché de système de défense contre des engins à courte portée qui soit efficace. »
« J’ai commencé à en parler à des gens au Pentagone. Mais les responsables militaires sont peu enclins à changer leurs recommandations, d’autant que la moindre modification entraîne beaucoup de bureaucratie. Ils étaient parvenus à la conclusion que le système ne marcherait pas et qu’il serait trop cher. Bref ils avaient rejeté le projet une fois et n’avaient pas l’intention de revenir sur cette décision. » Une équipe de la base Redstone Arsenal dans l’Alabama avait étudié le Dôme de fer et l’avait brièvement testé en 2008, mais avait jugé qu’il n’était pas assez précis. Malgré le rejet, plusieurs généraux ont confié à Lynn avoir estimé qu’il aurait mieux valu poursuivre encore un peu les tests.
Le général Benny Gantz, alors attaché militaire israélien à Washington avant de devenir chef d’état-major, rencontrait Lynn toutes les deux semaines pour discuter de différents sujets. Gantz, qui n’avait pas perdu l’espoir de voir les Etats-Unis reprendre une série de tests, a dit à Lynn que la technologie et les performances du système s’étaient sensiblement améliorées. Lynn est donc retourné auprès des généraux qui campaient sur leur position : pour eux, le système israélien ne fonctionnait pas et il y avait une meilleure alternative. « A ce moment-là, j’ai ressenti de la frustration, mais j’étais persuadé que si nous faisions un second test, les choses
pourraient changer. »
Les responsables de la Défense Michèle Flournoy, Colin Kahl et l’adjoint de Lynn, Bo Dennis ont joint leurs forces pour que l’on effectue un nouvel essai sur la base Redstone Arsenal. Finalement ils ont réussi à soumettre l’idée au secrétaire à la Défense Bob Gates. « Il ne connaissait pas grand-chose au système et n’était pas au courant de son rejet après le premier test », bien qu’il était déjà en fonction au moment du refus, mais la décision n’était pas montée jusqu’à son niveau. C’était la première fois qu’on lui en parlait et qu’il entendait les arguments des uns et des autres. »
Lorsque Lynn a demandé à Gates d’autoriser un second test début 2010, il lui a expliqué : « Il s’agit d’un système technologique particulier dont nous ne disposons pas… Israël se trouve en première ligne, essuie les tirs, des écoles sont touchées et ils possèdent une technologie que nous devrions examiner pour voir si elle est effectivement en mesure de sauver des vies. » Lynn se souvient que le concept d’arme défensive capable d’intercepter des armes offensives avait plu à Gates et que l’idée des sauver la vie de femmes et d’enfants lui avait particulièrement parlé.
Un petit bout de papier rose
Le second test a donc été effectué à l’été 2010 avec des résultats bien meilleurs grâce à des changements au niveau du radar et de l’efficacité des intercepteurs du Dôme de fer. Des discussions entre Gates et des responsables israéliens devaient ensuite avoir lieu pour déterminer à combien s’élèverait le financement américain. Le général (à la retraite) Yaakov Nagel représentant le Conseil à la sécurité nationale d’Israël a indiqué la somme de 400 millions de dollars ; Lynn, trouvant ce montant trop élevé, a demandé une évaluation détaillée.
Quelques jours plus tard, Nagel lui a fait parvenir par un coursier de l’ambassade d’Israël à Washington une enveloppe classifiée et scellée. Extrêmement tendu en ouvrant l’important courrier, Lynn fut choqué de n’y trouver « qu’un bout de papier de couleur rose vif sans autre détail sur les 400 millions de dollars demandés que la mention « 10 Dômes de fer, 40 millions chacun » !
Fou de rage, Lynn a appelé Nagel pour lui demander s’il s’agissait d’une blague : « Je m’apprête à présenter votre demande au président des Etats-Unis et vous m’envoyer un bout de papier qui ne dit rien ? Cela ne marchera jamais, je n’obtiendrai pas un sou. » Finalement Israël a envoyé une véritable analyse des coûts que Lynn a portée en 2010 à Obama, qui, deux ans après son discours à Sdérot, siégeait à la Maison-Blanche.
La présentation du projet au président s’est bien passée, d’autant que conseiller spécial pour le Moyen-Orient, Dan Shapiro était un ami proche de Lynn et qu’ensemble ils avaient convaincu le candidat Obama de se rendre à Sdérot. Ils partageaient le même avis sur la menace des roquettes qui pesait sur Israël. « Monsieur le président, vous avez déclaré devant le monde entier que vous vouliez tout mettre en œuvre pour protéger les civils israéliens, comme s’il s’agissait de vos filles. Voici quelque chose que nous pouvons faire pour protéger les civils israéliens et d’autres civils », a-t-il dit à Obama. Celui-ci a répondu : « Ce n’est pas une décision difficile. C’est quelque chose que je veux absolument soutenir. Allons-y ! » Environ 250 millions de dollars furent accordés à ce stade.
Une rencontre à l’issue du conflit de Gaza
Lorsqu’en 2011, le ministre israélien de la Défense Ehoud Barak a demandé à son homologue américain Leon Panetta une rallonge de 670 millions de dollars, Lynn a obtenu que le financement soit accordé, bien qu’étalé sur trois années et à condition qu’une partie de la production du Dôme de fer se fasse aux Etats-Unis afin d’y créer des emplois.
Trois ans plus tard, le 26 août 2014, le jour même de la signature du cessez-le-feu qui mettait fin à l’opération Bordure protectrice pendant laquelle le système a intercepté de nombreux missiles du Hamas tirés vers l’ensemble territoire israélien, et pas seulement les localités limitrophes à l’enclave palestinienne, Eric Lynn était reçu à la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahou, avec Benny Gantz, qui était devenu chef d’état-major, et l’émissaire des Etats-Unis, le général à la retraite John Allen.
Netanyahou leur a dit : « Je tiens à vous remercier Eric, ainsi que Dan [Shapiro, qui entre temps avait été nommé ambassadeur en Israël] et Benny pour avoir agi en faveur du Dôme de fer. Si nous ne l’avions pas eu, nous n’aurions pas arrêté les combats aujourd’hui. Il a tout simplement changé la donne. Si les missiles qui visaient Tel-Aviv n’avaient pas été abattus, j’aurais été contraint en tant que Premier ministre, à donner l’ordre d’envahir l’ensemble de la bande de Gaza. » Et de continuer : « Il n’a pas seulement sauvé les vies de civils israéliens, mais aussi celles de milliers de soldats et de milliers de civils palestiniens qui auraient été en danger, si nous avions dû reprendre Gaza ».
Lynn concluait l’interview avec le Jerusalem Post en indiquant que, de toute sa carrière dans le service public, ce dont il était le plus fier, c’était d’avoir contribué à « sauver autant de vies humaines » grâce à son insistance sur ce dossier...
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