Le rôle clair-obscur des ONG

Plongées dans des situations géopolitiques complexes, les organisations humanitaires doivent affronter certains dilemmes et engendrent parfois plus de mal que de bien

Dans les bureaux de l’ONG Chovrim Chtika à Tel-Aviv (photo credit: REUTERS)
Dans les bureaux de l’ONG Chovrim Chtika à Tel-Aviv
(photo credit: REUTERS)
L’initiative était sans précédent de la part d’une ONG israélienne. Lors d’une session extraordinaire du Conseil de sécurité des Nations unies à la mi-octobre, Hagai El-Ad, le dirigeant de l’organisation B’Tselem, a témoigné de « l’injustice contre d’autres êtres humains » dont se rend coupable Israël en « occupant la Cisjordanie ». Une intervention qui a valu à l’association les éloges de l’ONU et de la gauche israélienne, tandis que d’autres voix ont dénoncé un « terrorisme diplomatique ». Danny Danon, ambassadeur d’Israël aux Nations unies, a fustigé le discours de B’Tselem à New York. Soulignant que celui-ci avait été prononcé pendant les fêtes de Tichri, durant la semaine de repentance, l’émissaire a déclaré dans un communiqué : « En ces jours redoutables, où nos actions sont pesées et nos âmes jugées, et alors que nous prions pour l’unité de la nation, il est triste de voir des organisations israéliennes donner du crédit et une couverture morale à la délégitimation de notre pays à l’ONU. »
Les actions fortement médiatisées de Hagai El-Ad aident-elles vraiment à faire avancer la paix entre Israéliens et Palestiniens, ou bien contribuent-elles à éloigner encore davantage tout espoir de négociations directes entre les parties ? « Je pense que les Israéliens sont fiers de nous avoir vus prendre position contre l’occupation à la tribune des Nations unies. Nous avons insisté sur la nécessité de trouver des alternatives à la situation actuelle », dit Amit Gilutz, porte-parole de B’Tselem. « Dans le mois qui a suivi notre intervention à l’ONU, nous avons d’ailleurs bénéficié d’un nombre record de dons émanant d’Israéliens, supérieur à ce que nous avons reçu dans les neuf premiers mois de 2016 », se félicite ce dernier.
Blanches colombes ou planches pourries ?
Le travail de B’Tselem et celui des autres associations qui opèrent dans les Territoires palestiniens (ou dans toute autre zone de conflit), est-il vraiment irréprochable et tout entier dévoué aux droits de l’homme, comme l’a affirmé Hagai El-Ad dans les colonnes du quotidien de gauche Haaretz, une semaine après son intervention à l’ONU ?
Les ONG doivent répondre de l’utilisation de leurs fonds devant les donateurs. Leur cahier des charges fait l’objet de contrôles réguliers, afin de vérifier l’adéquation entre le travail accompli sur le terrain et les promesses faites en amont. Mais qu’en est-il de leur obligation de rendre compte du bénéfice réel de leur action pour les sociétés civiles qu’elles sont censées aider ? « Les ONG font valoir leur expertise et leur autorité morale comme levier pour obtenir des financements et convaincre du bien-fondé de leurs missions », explique Naftali Balanson, chef de cabinet d’ONG Monitor, un organisme israélien de surveillance des organisations non gouvernementales. Il précise cependant qu’un nombre croissant de rapports de corruption, de mauvais usage voire de détournement de fonds, ainsi que la révélation d’autres actions opaques ou controversées des ONG, ont récemment provoqué une vague de scepticisme. Cela est particulièrement vrai concernant le conflit israélo-palestinien, dans la mesure où les ONG fournissent non seulement leur aide, mais font preuve de militantisme politique. Elles orchestrent notamment des campagnes de dénonciations, qui se révèlent souvent basées sur de fausses allégations de crimes de guerre et de violations des droits de l’homme. Or, de telles accusations contribuent à diaboliser Israël sur la scène internationale en même temps qu’elles alimentent le mouvement BDS et qu’elles incitent la Cour pénale internationale à enquêter sur l’Etat juif.
« De plus en plus de gens se demandent qui sont ces experts autoproclamés et pour quelle raison nous leur donnons autant de pouvoir et de crédit », constate Naftali Balanson, dont l’organisation analyse et rend compte des agissements des ONG en Israël. « Il faut se demander qui elles représentent. Sont-elles des acteurs de la démocratie ? Sont-elles la voix de la société civile ou bien confisquent-elles au contraire ces voix, en exprimant haut et fort le point de vue de cette frange limitée d’organisations de défense des droits de l’homme ? »
Selon Amit Gilutz, il est faux d’affirmer que B’Tselem est déconnectée des gens sur le terrain. L’ONG, dit-il, travaille avec les résidents locaux « en embauchant des enquêteurs et en formant des volontaires à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza ». Il pointe également qu’il est injuste et réducteur de mettre tous les Palestiniens dans le même panier ; il y a ceux qui approuvent la méthodologie de B’Tselem et ceux qui utilisent d’autres moyens pour lutter contre « l’occupation ». « Comme toute société, la société palestinienne est complexe et pas du tout homogène », précise le porte-parole de l’ONG.
La plupart des experts s’entendent pour dire que les volontaires ou les employés des ONG rejoignent l’entreprise pour de bonnes raisons, animés par un réel désir d’aider leurs semblables. Mary Anderson, auteur de Ne pas nuire : comment l’aide peut favoriser la paix ou la guerre, affirme que les zones de conflit sont parfois si complexes que par un effet pervers, les meilleures intentions peuvent déboucher sur un regain de violence ou de désespoir. En outre, elle explique que des changements dans la structure même des ONG ainsi que leurs modèles de financement ont mené à des défis accrus pour ces organisations sur le terrain.
La fabrication d’un monde binaire
C’est au milieu des années 1940 que les premières ONG officielles ont vu le jour, baptisées Organisations non gouvernementales par l’ONU. A l’époque, leur mission première était d’améliorer le bien-être des populations locales dans les zones de conflit. Un certain nombre d’entre elles ont été invitées à siéger comme observateurs lors de certaines séances des Nations unies.
Gerald Steinberg, fondateur et président d’ONG Monitor et professeur de sciences politiques à l’université de Bar-Ilan, relate que la plupart de ces organisations travaillaient en petits effectifs et de façon très ciblée. Leur bonne réputation était irréfutable, et l’exactitude de leurs rapports autant que leur lutte contre la corruption ne faisaient aucun doute. « Elles se posaient en vaillants combattants des régimes totalitaires qui opprimaient leurs populations », dit Gerald Steinberg. « Le fait est que cette réputation des ONG demeure intacte, alors même que le contexte de leur action a radicalement changé. Nous appelons cela “l’effet de halo”. »
Au début des années 1990, au lendemain de la guerre froide, les ONG se sont mises en quête de nouveaux débouchés afin de justifier leur existence. Le néolibéralisme qui avait le vent en poupe est devenu leur nouveau cheval de bataille et leur action s’est diversifiée : anti-occidental, anticapitaliste et antidémocratique, le combat des ONG a alors gagné en popularité, pointe Steinberg. « Après la guerre froide nous avons hérité d’un monde binaire avec d’un côté les puissances occidentales, tenues pour responsables de la guerre, de la violence et du colonialisme, et de l’autre, les victimes. Israël a facilement été identifié à ce moment-là comme faisant partie du camp occidental des agresseurs, tandis que les Palestiniens ont été étiquetés comme victimes », fait-il remarquer.
Dans le même temps, la Ligue arabe a bénéficié d’un pouvoir politique croissant au sein de l’ONU, se posant en ardent défenseur des droits de l’homme et exerçant un contrôle sur les programmes onusiens auprès des populations persécutées. Et ce, principalement pour détourner l’attention de leurs propres pratiques. Cet état de fait a donné le champ libre aux ONG israéliennes et internationales qui travaillaient dans les Territoires palestiniens. C’est à cette période que B’Tselem et une myriade d’autres associations ont vu le jour en Israël. Au même moment, un phénomène similaire s’est produit dans le monde. L’aide aux pays en développement octroyée par les gouvernements a ainsi commencé par transiter par ces ONG, qui faisaient office d’intermédiaires entre Etats.
Une industrie florissante
Entre 1975 et 1985, les ONG se sont mises à proliférer dans des pays aussi divers que le Brésil, le Kenya, les Philippines ou la Thaïlande. Le montant de l’aide des pays développés aux nations en voie de développement par l’intermédiaire de ces organisations a augmenté de 1 400 %, selon un rapport de la revue académique International Socialism en 2004. Environ 90 % des ONG actuelles ont été créées dans les années 1970-1980. A ce jour, on compte plus de 500 000 ONG britanniques et 1,5 million rien qu’aux Etats-Unis.
La plupart des ONG gèrent des budgets extrêmement importants, jusqu’à plusieurs centaines de millions de dollars par an, comme Amnesty International par exemple ou Human Rights Watch qui a 70 millions de dollars annuels à dépenser. Même le budget des petites ONG israéliennes est conséquent puisqu’il peut aller jusqu’à 6 millions de dollars. En outre, le secteur des ONG emploie des milliers de personnes.
L’auteure et activiste Mary Anderson explique qu’au cours des deux dernières décennies, les ONG sont devenues de vraies entreprises, contraintes de rendre des comptes à leurs bailleurs de fonds. Tant sur la gestion de leurs finances que leur agenda politique, avec obligation de résultat. Un mode de fonctionnement qualifié de « piège » par les employés des ONG. Car quand bien même un autre plan d’action aurait pu finalement s’avérer plus efficace, ces dernières ne peuvent déroger de leur feuille de route. « Le système est très contraignant en matière de comptabilité », constate Mary Anderson.
La traçabilité des fonds
De nombreux donateurs s’efforcent de s’assurer que les fonds sont utilisés à bon escient par les sous-traitants et les acteurs de terrain, plutôt que de se baser sur les rapports présentés par les ONG elles-mêmes.
Sweta Velpillay, conseillère principale du CDA (Collaborative Learning Projects), organisme à but non lucratif voué à l’amélioration de l’efficacité de ceux qui travaillent pour fournir une assistance humanitaire, explique que son organisation aide les bailleurs de fonds à analyser le contexte des conflits. Cela implique de tout vérifier, que ce soit la capacité des partenaires locaux à gérer les fonds alloués, leur comptabilité, et le fait de prévenir les accointances politiques ou le népotisme, susceptibles d’exacerber les conflits. « L’avantage qu’il y a à faire cette analyse, est de minimiser les risques de voir des fonds se volatiliser ou atterrir dans de mauvaises mains », explique Sweta Velpillay. Cependant, remarque-t-elle, en dépit d’une gestion rigoureuse, des détournements de fonds sont tout de même à déplorer, liés à la réalité sur le terrain. Ainsi au Sri Lanka, immédiatement après le tsunami de 2004, les organisations humanitaires ont distribué des bateaux aux pêcheurs locaux dont les moyens de subsistance avaient été détruits par les inondations. Des années plus tard ces mêmes bateaux ont été utilisés par les rebelles pour mener la guerre.
Un système perverti
« Les parlementaires du monde entier se sentent bien quand ils pensent contribuer à résoudre les problèmes dans le monde », dit Mary Anderson, « ce qui les pousse à accorder de plus en plus d’argent aux ONG. » D’un autre côté, ces mêmes donateurs instrumentalisent parfois les organisations qu’ils financent, en les soumettant à leur propre agenda politique ou idéologique. Et de fait, on constate que nombre d’ONG ont changé d’orientation ou de stratégie, afin d’être en phase avec leurs bailleurs de fonds.
Sweta Velpillay voit la preuve de cette instrumentalisation dans le nombre croissant de gouvernements européens qui financent des ONG dédiées en principe à l’aide humanitaire, et qui sont plus ou moins officieusement réquisitionnées pour gérer les flux migratoires en provenance de Syrie et d’autres pays du Moyen-Orient vers le Royaume-Uni et d’autres pays européens.
Mary Anderson pointe également un certain cynisme exprimé par les récipiendaires de ces subsides. Avec une équipe de chercheurs propulsés sur le terrain, elle s’est récemment entretenue avec les bénéficiaires de ces aides dans plus de 60 pays. Beaucoup ont exprimé leur sentiment de frustration, soulignant que les fonds étaient « utilisés par certaines personnes pour financer leur agenda personnel, et ne profitaient pas à ceux qui en avaient vraiment besoin. » Selon ces témoignages, tout le monde se graisse la patte au fil du processus d’acheminement de l’argent. Le pire selon les récipiendaires est que les ONG ne tentent pas de résoudre ces problèmes ; elles accordent même une autonomie de gestion à des bénéficiaires indépendants, qui font office de sous-traitants afin d’éviter leur propre faillite.
« Je travaille sur le terrain depuis les années soixante, et je peux dire qu’à l’époque, les acteurs sur le terrain avaient davantage la foi dans le bien-fondé de leur mission », dit Mary Anderson. « Les ONG aujourd’hui se vantent du nombre d’années passées à tel endroit alors qu’en réalité elles devraient être mortifiées d’être mobilisées sur le même secteur depuis cinq ou six ans. Si elles avaient réellement accompli leur mission, leur présence ne serait
plus nécessaire. »
Empirer la situation en voulant bien faire
« Les bailleurs de fonds et les ONG elles-mêmes doivent admettre qu’une partie de leur travail peut avoir un impact négatif inattendu sur le terrain », dit Sweta Velpillay. Elle cite le cas du Myanmar en Asie du Sud-Est, où des violences ont éclaté en début d’année 2016. Les ONG internationales ont immédiatement acheminé une aide humanitaire qu’elles ont affectée en priorité à ceux qu’elles estimaient être le plus dans le besoin. « Les travailleurs humanitaires sur le terrain ont choisi de privilégier un segment de la population par rapport à un autre qui était tout autant victime des violences », relate Sweta Velpillay. « Après cela, l’animosité entre les deux groupes s’est accentuée, entraînant une nouvelle escalade de violence. »
Mary Anderson affirme pour sa part avoir rencontré des ONG qui reconnaissaient par exemple avoir livré des denrées alimentaires ou construit des abris en soudoyant les seigneurs de guerre locaux. Ce qui engendre, parfois, davantage de violence ou de désespoir dans les pays concernés. « Nous avons fait beaucoup pour communiquer sur ce sujet. Nous avons par exemple distribué un fascicule intitulé Conseils pour éviter de nuire, qui prodigue des conseils pour éviter ce genre de situation. Le personnel des ONG est tenu de lire ces informations et de suivre une formation adéquate afin de se prémunir contre les dérives. Malheureusement, environ 10 % seulement de ces employés s’attellent réellement à endiguer le phénomène », explique Mary Anderson. « Les 90 % restants disent que c’est trop difficile. »
« Les ONG se hâtent bien souvent de faire des déclarations juste après un incident dans le seul but de faire la une », affirme Gerald Steinberg. « Elles affirment par exemple qu’une roquette israélienne ou une autre attaque a tué un certain nombre de civils innocents, souvent des enfants, alors qu’en réalité elles n’ont aucun moyen de le savoir. Et dans de nombreux cas, il s’avère par la suite que ces “victimes” ont été identifiées par le Hezbollah ou le Hamas comme des membres de leurs organisations. Selon Gerald Steinberg, de tels cas se comptent par dizaines : les ONG prétendent détenir des informations fiables quelques heures seulement après un incident, alors qu’il faut des semaines voire des mois à l’armée pour les obtenir.
« Par conséquent », dit-il, « ces organisations ne sont pas crédibles. »
Même si les ONG n’ont pas de volonté délibérée de nuire, pour autant leur capacité d’empirer les situations est bien réelle. Gerald Steinberg estime ainsi que ces rapports erronés ont notamment nourri le scepticisme et les réticences des Israéliens à l’égard des négociations de paix avec les Palestiniens. « Ces ONG, financées par les gouvernements européens, contribuent à la diabolisation de l’Etat juif et attisent la méfiance des Israéliens envers la communauté internationale », explique Gerald Steinberg, qui déplore la contre-productivité de leurs agissements. « Cela ne conduit qu’à la méfiance et contribue à saper la volonté de faire des compromis et de prendre des risques. “Si tout le monde est contre nous de toute façon, pourquoi devrions-nous faire des efforts ?”, se disent les Israéliens désabusés. »
         
B'Tselem ou la tentation de la propagande
B’Tselem fonctionne depuis la fin des années 1980. Selon le site Web de l’organisation, elle a pour vocation « de sensibiliser le public israélien et les décideurs politiques aux violations des droits de l’homme commises dans les territoires disputés, de combattre le phénomène de déni qui prévaut dans l’opinion publique israélienne, et d’aider à créer une culture des droits de l’homme en Israël. »
Amit Gilutz relate que B’Tselem a lancé un projet novateur de veille vidéo. L’organisation a formé à cet outil quelque 200 volontaires palestiniens vivant en Judée-Samarie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza, en leur fournissant des caméras afin de documenter les affrontements avec les forces de l’ordre israéliennes ou d’éventuelles violations des droits de l’homme. Ces volontaires sont recrutés par le bouche-à-oreille, en général par l’intermédiaire de Palestiniens avec lesquels B’Tselem travaille depuis plus de 20 ans. Les bénévoles signent alors un contrat dans lequel ils déclarent qu’ils ne sont pas engagés dans des activités terroristes ou affiliés à une organisation terroriste. Cependant, Amit Gilutz reconnaît que ces recrues ne font pas l’objet d’une investigation approfondie afin de s’assurer que tel est bien le cas. Selon Naftali Balanson, B’Tselem répond à un réel besoin du peuple palestinien en leur donnant les moyens de signaler ce qu’ils perçoivent comme des abus. « Les barrières linguistiques et culturelles sont nombreuses avec les Palestiniens », fait-il remarquer. « Les ONG comme B’Tselem connaissent le système et la marche à suivre afin d’aboutir à la production de rapports sur tel ou tel événement. Elles s’imposent en cela comme de véritables intermédiaires. »
Cependant, ces organisations sont également à l’origine de rapports biaisés reposant sur des informations inexactes ou non vérifiées, des reportages plus ou moins mensongers, et parfois même des séquences vidéo lacunaires qui ne rendent compte que d’une partie de certains faits. Tout cela aboutissant bien souvent à l’exacerbation des tensions entre Israël et les Palestiniens. Gerald Steinberg cite un exemple qui a fait un tort considérable au pays en 2002. Suite à une série d’attentats-suicides commis en Israël, les forces de Tsahal se sont introduites dans le camp de réfugiés de Jénine, d’où étaient originaires la plupart des terroristes. Peu de temps après le retrait des troupes, les Palestiniens ont commencé à faire courir le bruit qu’un massacre avait eu lieu, affirmant que des centaines de personnes avaient été tuées par l’armée israélienne. Amnesty International a confirmé les faits suivie par d’autres ONG qui se sont empressées de joindre leur voix à cette chorale de dénonciations. « Aucune de ces personnes ne se trouvait à proximité du camp de réfugiés de Jénine, pas même les travailleurs d’Amnesty International », affirme Gerald Steinberg. « Ces organisations n’avaient aucune preuve de ce qu’elles avançaient. Leurs allégations n’étaient fondées que sur les ouïe-dire des Palestiniens. » Finalement, certaines d’entre elles ont produit un démenti et admis que les chiffres donnés étaient faux. Seulement le mal était fait.
De l’eau au moulin BDS
L’autre conséquence néfaste est que le BDS se nourrit largement des propos de ces ONG : bon nombre de résolutions promues par le mouvement de boycott et adoptées par les universités, citent les rapports biaisés produits par diverses organisations non gouvernementales. « Nous pouvons affirmer que le BDS serait inexistant ou du moins qu’il aurait beaucoup moins de poids sans ces ONG », conclut Gerald Steinberg.
Répondant à ces accusations, le porte-parole de B’Tselem affirme que l’ONG n’exerce aucun rôle officiel auprès du mouvement BDS, mais qu’elle considère le boycott comme un moyen non violent et légitime d’exercer une pression politique sur Israël.
Pour appuyer ses propos, Amit Gilutz précise que B’Tselem est antérieure au mouvement BDS de près de deux décennies. « Nous décrire comme les suppôts du BDS est parfaitement ridicule », se défend-il.
Sweta Velpillay l’affirme : les ONG seront toujours confrontées au défi de trouver un équilibre entre leur bonne volonté et de possibles dérives. La véritable question est de savoir ce que celles-ci doivent faire lorsqu’elles s’aperçoivent de dysfonctionnements, qu’il s’agisse d’un détournement de leur aide ou du fait que leur présence sur le terrain entraîne une dégradation de la situation. « Faut-il fermer boutique et partir, ou continuer à aider ceux qui sont dans le besoin ?», demande-t-elle. « Faut-il enquêter pour voir ce qui a mal tourné afin que cela ne se reproduise plus ? Ou faut-il aller de l’avant malgré tout en se disant “Tant pis, ce n’est que comme cela que ça marche…” ? Lorsqu’une ONG distribue de la nourriture et que 70 % des denrées parviennent à ceux qui en ont besoin, faut-il pour autant tout laisser tomber à cause des 30 % détournés ? »
Si certains organisations décident de s’effacer le temps de clarifier la situation sur le terrain, nombre de celles qui font face à ce genre de dilemme optent en faveur de compromis. « Le choix est difficile pour chacune de ces ONG », dit Velpillay. « Dans ce domaine, n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. »
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