Nouvelle ère israélo-américaine

Benjamin Netanyahou a rencontré Donald Trump à la Maison-Blanche. Une entrevue qui se démarque de celles avec Obama, tant sur la forme que sur le fond

Benjamin Netanyahou, Donald Trump et leurs épouses (photo credit: REUTERS)
Benjamin Netanyahou, Donald Trump et leurs épouses
(photo credit: REUTERS)
Le ton est différent. L’attitude aussi. A voir les échanges et les sourires entre le président américain et le Premier ministre israélien en conférence de presse, on aurait juré de vieux amis qui se retrouvent. Un virage drastique après huit ans de relations chaotiques entre Obama et Netanyahou. Mais au-delà de la forme, ce qui interpelle c’est le changement sur le fond. Certaines questions ne sont plus taboues à Washington.
S’engageant à trouver un accord définitif pour régler le conflit israélo-palestinien, Donald Trump a en effet déclaré face à Netanyahou ce 15 février qu’il soutiendrait aussi bien une solution à un Etat qu’à deux Etats. Une rhétorique sans précédent. « Je vois qu’il existe plusieurs solutions, un Etat, deux Etats. Je serai heureux avec la solution que les deux parties préfèrent. J’ai longtemps pensé que celle à deux Etats était la plus simple, mais honnêtement, si Israël et les Palestiniens sont heureux, alors je le serai aussi ». Trump est le premier président américain depuis au moins vingt ans à ne pas considérer le paradigme d’un règlement à deux Etats comme seule solution possible, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles idées pour obtenir un accord de paix.
Netanyahou, de son côté, a rappelé son soutien à la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, et affirmé que son opinion n’avait pas changé depuis qu’il s’était prononcé pour la première fois sur le sujet il y a huit ans.
Une ambiance chaleureuse
Les deux hommes se sont exprimés lors d’une conférence de presse commune qui a eu lieu avant une rencontre de plusieurs heures au cours de laquelle ils ont évoqué, outre le conflit avec les Palestiniens, l’Iran, la situation en Syrie, l’Etat islamique et la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette première rencontre officielle entre les deux hommes a été bien différente des nombreuses entrevues entre Netanyahou et le précédent locataire de la Maison-Blanche. Ce dernier prenait souvent un ton professoral, expliquant presque ce qu’il fallait faire au Premier ministre israélien. Le courant n’est jamais passé entre eux. Trump et Netanyahou, en revanche, ont laissé transparaître leur franche amitié. Alors qu’ils se connaissent depuis les années 1980, ils n’ont pas hésité, en conférence de presse, à faire part également de leur admiration réciproque. Un avantage certain afin d’aider à la résolution du conflit israélo-palestinien, a noté Trump, qui pourrait lui permettre, à l’en croire, de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. « Bibi et moi nous connaissons depuis longtemps. C’est un homme intelligent, un bon négociateur, et je suis sûr que nous allons obtenir un accord. Peut-être même le meilleur qu’on puisse trouver ».
Malgré la bonne humeur affichée, l’auditoire a toutefois décelé quelques moments de tension. Lorsqu’un journaliste a soulevé la question des implantations, Trump s’est ainsi tourné vers Netanyahou pour lui demander de « lever un peu le pied là-dessus », expliquant qu’Israël devra faire des efforts pour la paix. « Les deux camps devront faire des compromis. Vous le savez, n’est-ce pas ? », a-t-il lancé au Premier ministre israélien. Une sortie peu appréciée par Netanyahou : il a répété que les implantations ne représentaient pas la question centrale du conflit, tout en reconnaissant que c’était « un problème ». Il a également déclaré souhaiter travailler avec Trump pour éviter de nouvelles confrontations israélo-américaines sur la question de la construction israélienne dans les territoires disputés.
La diplomatie iconoclaste du président Trump
Le dossier qui a recueilli le plus franc consensus entre les parties est celui de l’Iran. Aux côtés d’un Netanyahou tout sourire, Trump a réitéré ses critiques sur l’accord nucléaire entre Téhéran et les grandes puissances obtenu par l’administration Obama. Le Premier ministre a décrit l’Iran comme la source de ce que Trump a appelé à éradiquer : le terrorisme islamique radical.
Autre convergence de vue, la recherche d’un accord de paix globale avec l’ensemble du monde arabe dans le cadre d’un processus diplomatique régional. Un point de vue que Netanyahou défend depuis des années. Pour lui, la réalité du Moyen-Orient a changé et il est aujourd’hui plus facile pour Israël de s’entendre avec certains pays arabes sunnites comme l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Des accords avec ces pays permettraient de faire pression sur les Palestiniens afin de faciliter les négociations de paix.
L’ancien secrétaire d’Etat américain John Kerry avait rejeté cette vision qu’il avait qualifiée d’« irréaliste ». Trump, fidèle à son caractère iconoclaste, veut donner une chance à cette idée. « C’est un accord bien plus important. Il concerne beaucoup, beaucoup de pays. Je pense que nous pouvons le faire, faire ce que d’autres n’ont jamais imaginé », a expliqué le président, prenant ainsi le contre-pied de ses prédécesseurs.
Beaucoup de choses ont été dites ces derniers jours sur cette première rencontre entre Trump et Netanyahou et à quel point elle allait permettre de faire repartir les relations israélo-américaines du bon pied après les difficiles années Obama. Mais plus qu’un renouveau de ces relations, il s’agit d’une approche diplomatique totalement nouvelle de la question palestinienne et du conflit israélo-arabe de la part de Washington.
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