Quand l'Union Européenne s'en mêle

Selon Regavim, plus de 400 structures illégales ont été construites en Judée-Samarie entre 2012 et 2014. L’Europe parle d’aide humanitaire, l’ONG de stratégie diplomatique…

Ces constructions modulaires, situées dans un campement bédouin illégal des collines de Judée, à la sortie de Maaleh Adoumim, arborent le drapeau européen (photo credit: TOVAH LAZAROFF)
Ces constructions modulaires, situées dans un campement bédouin illégal des collines de Judée, à la sortie de Maaleh Adoumim, arborent le drapeau européen
(photo credit: TOVAH LAZAROFF)
Si l’on en croit le rapport publié vendredi 6 février par l’ONG Regavim, l’Union européenne construit actuellement des centaines de structures illégales en Judée-Samarie, à proximité de Maaleh Adoumim et de la zone E1. Et le gouvernement israélien laisse faire, soucieux d’éviter une brouille diplomatique avec les Européens. Selon l’organisation de droite, le soutien de l’Union européenne aux Palestiniens a connu un tournant décisif ces dernières années : « D’une aide diplomatique et financière passive, on est passé à une participation active aux constructions illégales. Ces dernières sont encouragées par l’Autorité palestinienne et font partie de la stratégie unilatérale mise en place depuis 2000, dont l’objectif est l’établissement d’un Etat palestinien de facto sans négociations avec Israël. »
La semaine dernière, avant la publication de son rapport, Regavim a emmené des journalistes observer plusieurs campements bédouins situés entre la zone E1 et la route qui relie Jérusalem à Jéricho. Les tentes et les cabanes improvisées ont disparu. A la place, des structures modulaires, taguées du drapeau européen. Pour Avi Briggs, directeur des relations internationales de l’organisation, l’étendard bleu frappé d’étoiles jaunes est placé en évidence de façon intentionnelle. Sa présence est censée dissuader Israël de détruire les bâtiments.
Le général de division Yoav Mordechaï, coordinateur des activités du gouvernement dans les territoires, était en Europe la semaine dernière. Il s’est entretenu avec des hauts responsables européens. Et d’après une source diplomatique, le sujet des constructions illégales a été évoqué. Les représentants du gouvernement israélien auraient affirmé, en réponse aux accusations de Regavim : « L’administration civile agit contre les constructions illégales, et toutes les organisations sont assujetties à l’exécution du règlement. Nous avons envoyé des lettres officielles aux ambassades et organisations internationales pour leur rappeler les conséquences des constructions illégales en Judée et Samarie ».
Plus de 400 constructions entre 2012 et 2014
D’après Meir Deutsch (responsable des relations de Regavim avec le gouvernement), entre 2012 et 2014, l’UE a dépensé des millions d’euros pour la construction de plus de 400 structures. Mais les Européens prétendent qu’ils se contentent de fournir une assistance humanitaire à des communautés de la zone C dans le besoin, en accord avec l’impératif humanitaire. Les Etats membres affirment être engagés dans le soutien du développement de la zone C au profit des communautés palestiniennes et déclarent consulter directement les autorités israéliennes quand il le faut.
Pour l’association, le soutien apporté par l’Union européenne à ces structures fait partie du plan palestinien, dont l’objectif est de prendre progressivement le contrôle de la zone C : les 60 % de la Judée-Samarie sous contrôle israélien total d’après les accords d’Oslo. Depuis des années, l’UE se concentre sur la consolidation de la présence palestinienne dans cette zone, persuadée que celle-ci est vitale pour la viabilité d’un futur Etat palestinien. Selon Deutsch, les structures financées par l’Europe sont installées illégalement sur des terres qui appartiennent à l’Etat et parfois dans des réserves naturelles protégées.
Lorsque Regavim fait appel à la Cour suprême en 2008 pour obliger l’Etat à détruire ces structures, la Cour explique dans sa décision qu’aucune démolition n’est possible si les populations ne sont pas préalablement relogées. Israël commence donc à réfléchir à la création d’une ville (appelée Ramat Noueima) au Nord de Jéricho : elle pourrait accueillir 12 000 personnes, mais l’UE et l’Autorité palestinienne s’opposent catégoriquement à ce projet.
En novembre dernier, une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’UE débouche – en plus de la condamnation habituelle des expropriations de terres et des constructions d’implantations – sur une critique virulente de tout projet « de déplacement des Bédouins au sein de la Cisjordanie et de démolitions, y compris de projets financés par l’UE et ses Etats membres ».
Briggs affirme que l’objectif sous-jacent de cette action conjointe de l’Union européenne et des Palestiniens dans la zone est d’établir une présence palestinienne permanente sur les terres israéliennes. Il dénonce : « C’est extrêmement hypocrite. Chaque fois qu’un bâtiment est construit pour des juifs, ça déclenche un tollé, ils affirment que c’est illégal et que ça menace la possibilité d’un accord de paix. Mais ils construisent illégalement des maisons pour les Arabes. »
Dispute autour de la zone E1
D’après la déclaration publiée par le Bureau des représentants de l’UE à Jérusalem-Est, l’Union européenne est « fortement opposée aux projets israéliens d’expansion des colonies en Cisjordanie – y compris à Jérusalem-Est – et particulièrement inquiète des projets de développement de la zone E1 ». La déclaration se poursuit : « S’il est mis en place, le plan pour la zone E1 – parce qu’il compromet la possibilité d’un Etat palestinien continu et viable et l’établissement de Jérusalem comme capitale des deux Etats – ébranlerait sérieusement la perspective d’une résolution négociée du conflit. Ce plan pourrait également entraîner le déplacement forcé de populations civiles. »
Et de conclure : « A la lumière de son principal objectif qui est la réalisation de la solution à deux Etats, l’Union européenne surveillera attentivement la situation, les implications qui en découlent et agira en conséquence. L’UE rappelle que les colonies sont illégales au regard du droit international et sont un obstacle à la paix. »
James Carver, député britannique du parti UKIP (droite eurosceptique) au Parlement européen, a envoyé vendredi 6 février à ses collègues une lettre basée sur les conclusions de Regavim, dans laquelle il critique vivement la politique menée par l’UE. Il y écrit que celle-ci n’est pas conforme aux traités fondateurs de l’Union européenne : la construction de structures modulaires sans permis est « une violation manifeste de la loi ». Il est certain que « les membres de l’UE ne permettraient pas de tels comportements sur son propre territoire », ajoute Carver. « Alors pourquoi le fait-elle en dehors de ses frontières ? » De plus, souligne-t-il, « en soutenant les Palestiniens dans ces actes, l’UE prend part à la violation d’Oslo II », qui donne à Israël pleine autorité et responsabilité administrative sur la zone C. Il conclut en rappelant que certaines de ces infrastructures sont placées dans des réserves naturelles, par définition non constructibles.
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