Unis contre la terreur islamique

L’Egypte, l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe ont trouvé un terrain d’entente : les menaces posées par l’islam radical

Unis contre la terreur islamique (photo credit: REUTERS)
Unis contre la terreur islamique
(photo credit: REUTERS)
Le président al-Sissi, qui a fait du redressement économique de son pays son principal objectif, doit cependant consacrer des moyens considérables à la lutte contre les Frères musulmans et les Djihadistes qui fomentent la terreur en Egypte. Il a trouvé des alliés : l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe, très préoccupés de la double menace constituée d’une part par un Iran disposant de l’arme nucléaire et de l’autre par les progrès de l’Etat islamique ; les terroristes de cette organisation contrôlent en effet une grande partie de l’Ouest de l’Irak, et se trouvent donc à quelques centaines de kilomètres de la frontière saoudienne. Pour se prémunir contre ce danger, les Saoudiens ont dépêché des renforts sur place.
Toutefois, bien que faisant partie de la coalition contre l’Etat islamique menée par les Etats-Unis, ni l’Arabie Saoudite ni les Emirats n’ont envoyé de troupes en Irak. Ils n’ont guère envie de risquer leurs soldats, peu préparés à la guérilla urbaine et à la guérilla tout court. Quant à l’Iran, ce pays n’a pas renoncé au but fixé par Khomeiny lors de son accession au pouvoir en 1979 : annihiler la monarchie saoudienne et imposer l’islam shiite aux pays du Golfe. Pour atteindre ce but, Téhéran poursuit sa course à l’arme nucléaire qui assurera sa domination non seulement sur les pays du Golfe, mais encore sur tout le Moyen-Orient.
En attendant, les Ayatollahs aident en sous-main les Houthis, tribu shiite extrémiste qui va de succès en succès dans sa lutte contre le gouvernement central : elle a pris le contrôle de Sanaa, la capitale, ainsi que du port stratégique de Hodeida sur la mer Rouge. Elle menace donc la côte ouest de l’Arabie Saoudite, mais aussi l’accès au canal de Suez, vital pour l’Egypte.
Le Qatar, maillon faible
Il y a donc une communauté d’intérêts entre les pays du Golfe et l’Egypte qui constituent le front des pays pragmatiques contre le terrorisme tant shiite que sunnite. Le problème est le Qatar. Ce tout petit pays a beau faire partie du Conseil de la coopération du Golfe, il a son propre agenda. Il soutient ainsi activement plusieurs organisations islamistes extrémistes qui se battent en Syrie et en Libye, mais surtout les Frères musulmans. Le Qatar est donc le maillon le plus faible de la chaîne, d’autant qu’il entretient d’excellentes relations avec Téhéran.
On en est arrivé à une crise ouverte l’an dernier. Le Qatar a pris fait et cause pour Morsi, qui venait d’être destitué et emprisonné, et pour les Frères musulmans. En réaction, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, Bahreïn et les Emirats ont rappelé leur ambassadeur. Le Qatar a refusé de se laisser intimider. Ses liens avec la Confrérie remontent à plus d’un demi-siècle ; en effet, dans les années cinquante, il a accueilli les Frères musulmans fuyant l’Egypte et la colère de Nasser qu’ils avaient cherché à assassiner. Les nouveaux venus ont grandement contribué au développement du pays tout en introduisant l’islam extrémiste qui était le leur. Ils ont fortement influencé Al Jazeera depuis la création de cette chaîne en 1996, et en ont fait le fer de lance de leur combat contre plusieurs pays arabes.
Leurs attaques contre l’Egypte ont atteint leur paroxysme après la destitution de Morsi. C’est donc en vain que l’Arabie Saoudite a pesé de tout son poids sur l’émir ; fort du soutien de l’Europe, grâce aux investissements considérables qu’il y a effectués, et des Etats-Unis qui disposent de bases militaires dans le pays, le Qatar est resté ferme. Jusqu’à un certain point.
Les conditions de l’Egypte
Dernièrement les efforts de médiation de l’émir du Koweït semblent avoir porté leurs fruits, encore que les détails soient restés flous. Les ambassadeurs d’Arabie Saoudite, de Bahreïn et des Emirats – mais pas d’Egypte – sont retournés à Doha où s’est tenue en décembre dernier une réunion du Conseil de la coopération du Golfe. Selon le communiqué final, tous les pays, Qatar compris, reconnaissent la centralité du rôle de l’Egypte dans le monde arabe et s’engagent à soutenir la feuille de route établie par al-Sissi pour promouvoir la stabilité et la prospérité de la région.
Le Qatar se serait également engagé à mettre un terme à son soutien aux Frères musulmans et aux attaques de sa chaîne satellitaire contre l’Egypte ; il aurait aussi promis de venir en aide à l’économie égyptienne comme les autres pays du Golfe.
Le président égyptien a salué ces décisions tout en déclarant qu’il voulait d’abord voir des résultats. Il semble qu’Al Jazeera ait déjà baissé le ton ; elle a aussi annoncé la fermeture de son antenne égyptienne. Cependant l’équipe qui diffusait à partir du Caire et comprend notamment un journaliste étranger est toujours en prison après avoir été condamnée pour incitation contre le régime. Leur recours en appel vient d’être accepté, mais ce n’est qu’un premier pas.
L’Egypte pose plusieurs conditions au dégel des relations. Le Qatar doit stopper son soutien aux Frères musulmans, au Hamas et aux milices islamiques opérant en Libye, d’où elles font passer vers la péninsule du Sinaï et Gaza terroristes et armements. Le Caire souhaite aussi voir Doha prendre ses distances vis-à-vis de la Turquie, qui ne ménage pas ses attaques contre le nouveau régime et sert de base opérationnelle à la Confrérie et au Hamas.
Enfin, pour preuve de ses bonnes intentions, le Qatar devrait aider l’économie égyptienne comme le font déjà l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe. C’est pourquoi Le Caire envisage d’inviter le Qatar au sommet économique pour l’Egypte qui doit se tenir à Charm el-Cheikh en mars 2015.
Pour le moment, Doha a mis un bémol aux attaques contre l’Egypte dans ses médias ; plusieurs des Frères musulmans qui s’étaient réfugiés dans le petit émirat après avoir fui l’Egypte sont partis pour la Turquie. Mais il ne s’agit pas des tenants de la ligne dure établis de longue date et notamment le plus illustre d’entre eux, Youssouf el-Kardawi.
L’Egypte voudrait aussi voir le chef du Hamas, Khaled Mashaal, qui agit de Doha, prié de quitter le pays. On ignore encore si le Qatar a mis un terme à son soutien aux milices opérant en Libye. Il y a eu quand même quelques éléments encourageants, comme la rencontre au Caire entre le président égyptien et un émissaire de l’émir du Qatar, le cheikh Tamim, venu avec une haute personnalité saoudienne. Le chef des services secrets de l’émirat s’est rendu lui aussi dans la capitale égyptienne pour des échanges de vue avec son homologue égyptien.
Il reste encore bien des obstacles, mais une solution pourrait être trouvée lors d’une rencontre à Riyad entre les deux chefs d’Etat – si les négociations qui se poursuivent dans le plus grand secret aboutissent.
Un impératif de survie
L’Arabie Saoudite et l’Egypte ne ménagent pas leurs efforts pour remettre sur pied la vieille alliance des pays arabes pragmatiques contre l’Iran du temps de Moubarak, une alliance soutenue ouvertement par les Etats-Unis et en sous-main par Israël. Seulement le Moyen-Orient n’est plus ce qu’il était. La Libye, l’Irak et la Syrie sont à un stade plus ou moins avancé de désintégration à la suite de ce « printemps arabe » si trompeur.
L’islam le plus extrémiste va de succès en succès ; il a conquis une grande partie de l’Irak et de la Syrie et créé un Etat islamique fanatique qui menace tous les pays de la région. L’Egypte a échappé de justesse à un sort semblable en se débarrassant des Frères musulmans.
C’est aujourd’hui la pierre angulaire du combat contre l’extrémisme islamique qui a fait de l’alliance entre l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe un impératif de survie. L’Egypte aide aussi le gouvernement légitime de la Libye contre les milices islamiques et tente de convaincre l’Algérie et le Soudan, deux pays limitrophes menacés par l’anarchie qui règne en Libye et l’avancée des militants de l’Etat islamique, de faire de même.
Dans le même temps, le président al-Sissi poursuit son objectif principal, le redressement économique de son pays, qui est la clé de la survie de son régime. Il a pris des mesures courageuses mais impopulaires, réduit les subventions, lancé l’ambitieux projet de créer un second canal de Suez, de nouvelles zones industrielles et touristiques, de bonifier de vastes espaces pour les rendre cultivables et de construire des centaines de kilomètres de routes.
La notation de son pays s’est améliorée, le déficit budgétaire a amorcé une baisse encore mineure, mais significative, et l’on s’attend à une hausse du PNB en 2016. Ce sont là de bonnes nouvelles, mais trop d’Egyptiens vivent encore en dessous du seuil de pauvreté et la baisse des subventions a entraîné une hausse des prix.
L’Egypte a un besoin urgent des investissements et de la technologie de l’Occident. 1 200 compagnies internationales sont invitées au sommet économique du mois de mars. L’Occident ne se montrant pas pressé d’aider, al-Sissi se tourne aussi vers la Russie et vers la Chine, avec lesquelles il a signé d’importants accords économiques – tout en continuant à espérer que les Etats-Unis et l’Europe comprendront enfin l’importance vitale de son combat contre l’islam radical.
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