Quand Roméo et Juliette s’appellent Reouven et Djamila

Retour sur le sujet du mariage mixte et les controverses sans fin qu’il alimente dans la société israélienne

Quand Roméo et Juliette s’appellent Reouven et Djamila (photo credit: REUTERS)
Quand Roméo et Juliette s’appellent Reouven et Djamila
(photo credit: REUTERS)
Le problème des mariages mixtes en Israël ne laisse personne indifférent. Cela a encore été particulièrement le cas le mois dernier, avec l’union de Morel Malka et Mahmoud Mansour.
Une petite manifestation, organisée par un groupe anti-assimilationniste et autorisée par la Cour suprême, s’est tenue à proximité du mariage. Les journaux en ont parlé et des députés de la Knesset ont même manifesté leur soutien aux nouveaux mariés. Le nouveau président lui-même, Reouven Rivlin, y est allé de son commentaire : « Quand Juifs et Arabes décident de se marier entre eux, cela suscite des manifestations de racisme. »
Un phénomène minoritaire en Israël
En diaspora, avec les communautés juives généralement en déclin, le mariage mixte inquiète beaucoup. Aux Etats-Unis, selon une enquête réalisée en 2013 par l’institut Pew, 58 % des juifs épousent désormais des non-juifs. Dans les milieux non orthodoxes, ce chiffre monte à 71 %. En Israël, ce phénomène reste malgré tout très minoritaire. En 2006, Ynet annonçait en gros titre un « nouveau record » : 70 juifs s’étaient convertis à l’islam dans l’année. « Une augmentation drastique », expliquait l’article, sachant que la moyenne annuelle était jusque-là de 40. Dans la plupart des cas, les mariages qui entraînent ces conversions ont lieu entre femmes juives et hommes musulmans. En 2012, un rapport de la Knesset faisait état de 100 conversions dans l’année.
Pour contracter un mariage mixte, un Israélien doit se rendre à l’étranger. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas d’unions entre Juifs et Arabes. Selon le Bureau central des statistiques, 8 994 mariages ont ainsi été célébrés à l’étranger en 2011, Israël comptant un total de 92 000 couples mixtes pour l’année. D’après l’enquête, sur ce chiffre de 8 994 mariages, seuls 27 étaient des couples juif-arabe, mais l’émotion n’en a pas été moins grande parmi la population au vu des résultats. Un sondage mené pour le journal Haaretz vient de révéler en effet, que 75 % des Juifs et 65 % des Arabes (dont 70 % pour les musulmans et 50 % seulement pour les chrétiens) refuseraient d’épouser quelqu’un d’une autre religion. 72 % des Juifs interrogés affirmaient également que si un proche émettait le souhait d’épouser un(e) arabe musulman(e) ou chrétien(ne), ils tenteraient de l’en dissuader. Ce chiffre descendait à 53 % dans le cas où le conjoint envisagé serait un(e) chrétien(ne) non arabe. Chez les musulmans, 52 % des personnes sondées n’approuvaient pas qu’un de leurs proches épouse un(e) non-musulman(e).
Selon de nombreux avis, il suffirait de permettre le mariage civil en Israël, comme dans la plupart des pays occidentaux, pour apaiser cette controverse : Joël Alan Katz anime un site internet dédié aux problèmes de séparation entre Etat et religion et considère que les médias se préoccuperaient moins de ce sujet si la possibilité de se marier civilement existait.
L’amour avant tout
Menachem Creditor, rabbin américain du courant « conservative » de la communauté Netivot Shalom à Berkeley, estime normal que les juifs se soucient de maintenir les traditions au sein du cercle familial. « Mais la meilleure façon de considérer les choses », ajoute-t-il, « c’est de se dire que l’amour est plus fort que les religions organisées. Du point de vue d’un peuple ou d’une tradition tribale, cela induit un sentiment de perte, mais le fait que deux personnes se trouvent et décident de se marier n’a rien à voir avec la politique. » Creditor comprend la douleur des familles dont l’enfant choisit de changer de religion, mais, pour lui, « la colère, la violence et les critiques politiques n’ont pas leur place dans les choix personnels des individus. »
Pour le rabbin libéral Philip Nadel, éducateur dans la région centre d’Israël, une histoire d’amour doit être vue pour ce qu’elle est : « Deux personnes tombent amoureuses, il faut les laisser vivre leur vie… »
Un débat important, qui prouve à quel point les différentes communautés vivent isolées les unes des autres. « Combien y a-t-il d’entreprises mixtes juives et arabes, combien de lieux où les deux peuples travaillent ensemble ? Le mariage est un sujet brûlant qui pose la question de l’assimilation et celle de la religion. Mais nos communautés sont isolées l’une de l’autre, donc ces gens deviennent des symboles », explique le rabbin Nadel.
Orna Akad, dramaturge, écrivaine et metteuse en scène juive israélienne, a beaucoup écrit sur le thème du racisme dans la société de son pays. Elle s’indigne contre la politique du gouvernement, notamment en Judée-Samarie et à Gaza. Il y a 25 ans, elle a épousé Fouad, un musulman de Jatt, dans le Nord d’Israël. « J’organisais des ateliers à Réout-Tzadaka, un mouvement de jeunesse où se côtoient Juifs et Arabes, et Fouad était guide dans ce mouvement. Nous étions très amis, et j’étais très jeune », raconte-t-elle. Au début, elle voulait un petit ami « féministe » qui l’encouragerait à faire une belle carrière professionnelle et ne pensait pas pouvoir former un couple avec Fouad, car elle se méfiait de ses opinions. Le film Quand Harry rencontre Sally, qu’ils ont vu ensemble en 1989, a marqué un tournant dans leur relation, car ils se sont tous deux reconnus dans les personnages. Peu après, ils se mariaient à Chypre. « Au départ, nos deux familles n’étaient pas très chaudes, mais dès que nous avons officialisé notre relation, elles ont vu que nous étions très heureux et nous ont acceptés. »
Pour l’Israélienne laïque qu’est Orna, la question de la religion n’a aucune importance et le judaïsme est avant tout une culture. Leurs deux enfants, Maï et Adam, n’ont été élevés dans aucune des deux religions. « Avec le temps, on oublie que l’on est juif ou arabe. C’est seulement quand on quitte le pays que l’on s’en souvient par la force des choses », explique-t-elle, faisant allusion aux contrôles de sécurité de l’aéroport. Pour elle, l’un des principaux problèmes en Israël est que l’on ne puisse pas simplement se réclamer de la nationalité « israélienne ». En 2013, la Cour suprême a rejeté la demande du professeur Ouzi Ornan, linguiste et défenseur des causes sociales, d’être officiellement recensé comme « israélien ». Pour justifier sa décision, le tribunal a invoqué l’identité d’Israël qui se veut un Etat juif.
« Je pense qu’Israël devrait devenir un pays comme la France, l’Angleterre ou les Etats-Unis », déclare Orna Akad, « où la nationalité ne dépend pas de la religion, mais du pays. Etre arabe n’est pas une religion, un juif peut être arabe. Quelle différence y a-t-il entre un Irakien juif et un Irakien ? Tous deux parlent l’arabe et partagent la même culture, arabe. »
Orna ne s’est pas convertie quand elle s’est mariée, contrairement à Morel Malka, qui est devenue musulmane pour épouser Mansour. Elle soutient cependant la décision de cette dernière : « C’est l’homme qu’elle voulait et c’est aussi ce qu’il voulait, je ne vois pas le problème », commente-t-elle. Dans la culture populaire, indique Orna, la société israélienne offre plusieurs modèles positifs de couples judéo-arabes et de coexistence : il y a par exemple les documentaires du réalisateur arabe israélien Ibtisam Maraana ou la série Avoda Aravit (Travail arabe), qui met en scène, entre autres, un couple juif-arabe. Le livre d’Orna Akad lui-même, Wadi Mileh, publié en 2012, raconte l’histoire d’un professeur juif enseignant à Zikhron Yaakov qui tombe amoureux d’une adolescente arabe de Fureidis.
Une controverse sans fin
L’histoire mouvementée des liaisons amoureuses entre juifs et arabes ne date pas d’hier. Sous le Mandat britannique, certaines défrayaient déjà la chronique. En 1940, Esther Wiener, nièce du célèbre écrivain Shaï Agnon, épousait Jaouad Nashashibi, membre d’une grande famille musulmane de Jérusalem. Récemment, le Shin Bet (l’agence de sécurité israélienne) a révélé avoir introduit au début des années cinquante, dans les communautés arabes d’Israël, des agents juifs chargés de collecter des renseignements. Shmouel Moriah a ainsi évoqué les dix hommes qu’il a recrutés à l’époque. Ceux-ci ont appris le Coran et le dialecte palestinien local, puis épousé des femmes arabes. Une Arabe chrétienne de Jaffa s’est même convertie à l’islam pour pouvoir se marier avec l’un d’eux. En 1964, les services secrets ont décidé de retirer leurs agents et les ont envoyés en France. Trois de leurs épouses ont alors été converties au judaïsme par le rabbin de Tsahal Shlomo Goren. « Pour les enfants, cela a été un gros traumatisme », explique-t-il. « Ils ont tenté de s’en sortir, de tirer un trait sur le passé, d’oublier d’où ils venaient, mais n’ont pas réussi… » Certains éléments de cette histoire vraie se retrouvent dans la fiction populaire. Le film Yasmine, d’Eli Amir, parle d’un conseiller municipal de Jérusalem qui, en 1967, tombe amoureux d’une femme arabe de Jérusalem-Est. La série israélienne Hatoufim (qui a inspiré Homeland) met pour sa part en scène un soldat israélien kidnappé au Liban qui finit par épouser une femme arabe. De même, dans le célèbre roman d’Alon Hilu, La maison Rajani, le personnage d’Isaac Luminsky, inspiré de Haïm Kalvarisky, personnalité du sionisme du début du XXe siècle, tombe amoureux de l’épouse d’un riche propriétaire arabe.
Lorsqu’on considère la nature à la fois religieuse et ethnique du conflit entre Israël et les Palestiniens, il n’est pas surprenant que les relations entre juifs et musulmans continuent d’être considérées comme un problème politique. Dans les années 1980, le rabbin d’extrême-droite Meïr Kahane (dont le parti Kach avait obtenu un siège à la Knesset) affirmait : « Le nombre de mariages mixtes est en augmentation en Israël, mais la quantité d’Arabes vivant avec des femmes juives est encore plus effrayant. » Selon lui, cela ne pouvait mener qu’à davantage de « mélanges ». Au sein du parti communiste israélien, plusieurs dirigeants ont contracté des mariages mixtes avant 1967. Parmi eux, la combattanta du Palmach Arna Mer-Khamis, de Rosh Pina, qui a épousé Saliba Khamis, leader communiste arabe chrétien. Leur fils, Juliano Mer-Khamis, a été parachutiste dans l’armée et a réalisé par la suite, en 2004, le film Les enfants d’Arna, qui évoque le théâtre palestinien de Djénine auquel Arna a consacré les dernières années de sa vie. Juliano a été assassiné en 2011 à Djénine par un Palestinien, alors qu’il tentait de poursuivre l’œuvre de sa mère.
Les histoires d’amour entre Juifs et Arabes ont toujours un parfum d’exotisme. La fille d’un couple druze-musulman de Jérusalem a été châtiée pour être devenue israélienne, avoir effectué son service militaire dans les parachutistes de Tsahal et épousé un juif. De même, un boxeur juif de Hongrie avait fait l’objet de la plus grande suspicion après avoir épousé en grande pompe une femme palestinienne à Bethléem.
Côté culture populaire, dans le feuilleton de télévision Ramzor, l’un des personnages sort avec une Arabe chrétienne et se retrouve ligoté sur une croix pour cela. Dans la série Larry et son nombril, du réalisateur américain Larry David, l’un des épisodes se déroule dans un restaurant palestinien : au cours d’une scène d’amour, la femme fatale arabe qui a séduit Larry compare leur façon de faire l’amour au traitement qu’Israël inflige aux Palestiniens.
Le rôle du nationalisme
Une femme juive qui s’unit à un arabe a forcément été dupée : telle est la grande idée reçue qui circule au sujet des couples mixtes. Le nationalisme joue ici un rôle non négligeable. Des cartes du groupe radical Lehava répandues sur les trottoirs de Jérusalem proclament : « Des femmes juives pour une nation juive ! ». L’organisation « Learn and Return », qui s’attache à prévenir le détournement de jeunes filles juives en Israël, affirme sur son site internet : « Il existe une nouvelle guerre, menée avec des roses et non plus avec des fusils. Les centres d’appels reçoivent chaque année 1 000 appels au secours de jeunes filles qui se sont fait piéger ». Patty Kupfer, membre de cette organisation, explique que de plus en plus de jeunes gens arabes se font passer pour juifs et séduisent les jeunes filles avec des cadeaux et des flatteries. Ils visent généralement des filles issues de familles à problèmes où il n’y a pas de figure paternelle forte : « Nous sommes contre les mariages entre Arabes et Juives et nous nous adressons aux jeunes filles juives qui ont des petits amis arabes. Nous leur apportons de l’amour, du soutien et les conseils que personne d’autre ne leur fournit, afin de leur éviter de se retrouver prises au piège dans des relations où l’on abuse d’elles. »
Couples mixtes : un chemin semé d’embûches
Cependant, les femmes interrogées par le Jerusalem Post – celles qui n’ont pas eu recours aux services de « Learn and Return » ou d’un autre organisme – décrivent une réalité très différente. « J’ai rencontré Mouhamad, qui a grandi en Espagne », raconte Adriana, juive d’Argentine immigrée en Israël il y a 12 ans. Leur héritage espagnol commun les a, au départ, rapprochés. Lorsque leur relation est devenue sérieuse, Mouhamad a révélé à Adriana qu’il était musulman et lui a demandé si elle voulait continuer avec lui malgré tout. Peu après, ils emménageaient ensemble. Dans la famille de Mouhamad, la principale objection formulée concernait la différence d’âge : Adriana a 10 ans de plus que lui. « Ils s’inquiétaient aussi que nous vivions ensemble sans être mariés », ajoute-t-elle. « Alors, comme il était impossible de se marier ici, en Israël, nous sommes allés en Argentine contracter un mariage civil. » Quant à la famille d’Adriana, elle n’est pas restée inquiète très longtemps : elle a adopté le futur mari dès qu’elle a fait sa connaissance.
Depuis son mariage, Adriana n’a pas échappé à la discrimination sociale. Trouver à se loger dans la partie juive de Jérusalem, par exemple, n’a pas été facile et, souvent, elle a dû faire établir le contrat de location à son nom à elle. Dans son cercle d’amis, en revanche, elle n’a senti aucune hostilité. « Il faut dire », précise-t-elle, « que nous avons une culture très espagnole à la maison. Nous parlons espagnol ensemble et avec mes amis. Et puis, mon mari est timide et il n’avait pas beaucoup d’amis avant de me rencontrer. » Les plus gros soucis du couple concernaient les enfants : Adriana les a inscrits dans une école qui mettait l’accent sur la coexistence, mais elle s’est fait plus d’une fois couvrir d’injures par des juifs religieux lorsqu’elle expliquait qu’ils étaient à moitié arabes. « Avec la guerre qui vient de se terminer, même les gens les plus modérés sont allés vers les extrêmes. En ce moment, c’est difficile », raconte-t-elle. Même si le couple est aujourd’hui en instance de divorce, Adriana affirme ne pas regretter une seconde d’avoir fait cette expérience : « Nous avons eu deux enfants merveilleux », dit-elle. « J’encourage toujours les gens à suivre leur cœur. »
Toutefois, au-delà de l’amour, la norme sociale et les préjugés pèsent lourd. Les musulmans pratiquants, même ceux qui paraissent laïcs, estiment inacceptable pour une femme musulmane d’épouser un non-musulman. Mira al-Hussein, professeur aux Emirats Arabes Unis, explique dans une conversation via Facebook, que ce n’est pas seulement une question de religion : « Dans ma famille, il y aurait la même réaction vis-à-vis d’un conjoint qui ne serait pas citoyen des Emirats, qu’il soit musulman ou non. Si l’envie me prenait d’épouser un juif, je suis sûre que j’aurais droit aux mêmes remarques que celles qui m’ont été faites quand j’ai épousé mon premier mari, qui était turc. Sauf que mon fiancé juif devrait de toute façon se convertir à l’islam pour que ma famille ne me répudie pas complètement ! »
Dans la société musulmane, la religion régit tous les aspects de la vie. « Il y a, en fait, deux poids, deux mesures », ajoute Mira al-Hussein. « Si c’est la femme qui est juive, les Arabes ou les musulmans n’auront en principe pas de problème à l’accepter, puisque dans la loi de l’islam, l’enfant prend la religion du père. » Et qu’en est-il du cas de Huma Abedin, ex-assistante de Hillary Clinton d’origine saoudienne, qui a épousé Anthony Weiner, ex-sénateur américain ? « Son père », répond Mira al-Hussein, « a fondé un institut interconfessionnel, alors j’imagine qu’elle a dû être élevée dans l’idée de tolérance… »
Mira n’a aucune peine à comprendre la réaction de la société israélienne au mariage de Mansour et de Malka. « Vu la situation politique actuelle, même deux amis, arabe et juif, qui prendraient un café ensemble, ne pourraient éviter que naissent des tensions entre eux. »
Pour Hala et son petit ami Shaï, c’est en effet le cas. Hala voit Israël comme une société très divisée. Même ses amis juifs continuent de la présenter comme « Hala, l’arabe », et le conflit à Gaza n’a pas arrangé les choses. Hala a vécu neuf ans aux Etats-Unis, où elle est arrivée avec ses parents à l’âge de 4 ans. Elle estime en être revenue avec une mentalité très américaine et dit apprécier l’atmosphère multiculturelle et libérale qui règne à Tel-Aviv. Elle a rencontré Shaï dans un bar huppé de cette ville, où il l’a entendue parler arabe avec ses amis. Ils sont désormais ensemble depuis près d’un an et, pour elle, le plus difficile à supporter est le poids des préjugés de la société arabe. « Je n’ai jamais présenté Shaï à ma famille… », soupire-t-elle. « Pourtant, c’est davantage un problème de tradition et de société que de religion ou de race. Mes parents ne m’ont pas élevée comme étant « arabe » ou « musulmane », mais ils subissent la pression de leur entourage. S’ils étaient au courant de notre liaison, ils s’y opposeraient par peur du qu’en-dira-t-on. » Hala n’a pas l’intention de se convertir pour se marier. De toute façon, elle n’a pas la fibre religieuse. Elle se montre très pessimiste sur la société israélienne : « Il y a quand même des lueurs d’espoir », tempère-t-elle. « Il existe des gens qui ne tiennent pas compte des différences et voient juste les autres comme des êtres humains. »
Dans la société israélienne, beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour plaider la tolérance. La guerre à Gaza n’a pas été facile pour Hala K., musulmane de Nazareth, ravissante jeune femme de 25 ans qui étudie la littérature anglaise, et son petit ami juif, Shaï : ils n’étaient pas loin de couper toute communication… « Mon couple a survécu à ça », se félicite Hala. « A un certain moment, nous étions tous les deux très en colère et nous nous disputions tout le temps. Et puis, nous avons décidé de nous calmer. Nous avons accepté que nous puissions avoir des opinions différentes. » Hala a vivement soutenu le récent mariage de Morel et Mansour sur les réseaux sociaux. Les nouveaux mariés ont également reçu un télégramme de félicitations de la ministre de la Santé Yaël German. « Je crois en l’égalité dans tous les domaines, y compris dans le mariage », a déclaré celle-ci. « Chaque être humain a le droit de choisir son partenaire de vie. L’amour s’élève au-dessus de la politique, de la religion et des conventions en matière de sexe. » Le ministre des Finances Yaïr Lapid, en revanche, affirme qu’il ne verrait pas d’un bon œil que l’un de ses enfants épouse un non-juif et choisisse de ne pas élever ses enfants dans le judaïsme. « Cela m’ennuierait beaucoup », a-t-il déclaré. « J’estime que le peuple juif n’est pas très nombreux et qu’il faut le préserver. »
En 1945, un article du Palestine Post annonçait qu’un musulman était devenu juif : Ahmed Daoud était devenu Abraham Ben-Abraham et passait pour le juif le plus orthodoxe de Mea Shéarim, où il travaillait comme boucher, vendant une viande « qui satisfaisait pleinement les ménagères juives ». A la mort de son père, sa famille de Beit Hanina lui a rendu visite. Il fallait s’occuper de partager l’héritage du défunt : acceptait-il de venir ? Dès son arrivée dans la maison de son enfance, une dispute a éclaté, et son frère s’est mis à le battre. Une patrouille de police qui passait par là a séparé les deux hommes.
Plus de 68 ans plus tard, en février 2013, trois sœurs portant le patronyme « Dabas » se sont présentées à la frontière de Gaza en réclamant le droit d’entrer en Israël. Elles étaient nées entre 1979 et 1984 à Nahariya, d’un père palestinien et d’une mère juive. A la mort de cette dernière, la famille était allée s’installer à Gaza, mais après le désengagement de 2005, il lui était devenu difficile de venir en visite en Israël. Manifestement, les trois sœurs sont toujours à Gaza, parties prenantes malgré elles, tout comme Ben-Abraham, d’un conflit dépassant largement le simple cadre
familial… 
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