Gaza: la guerre dont personne ne veut...

Un an après l’opération Bordure protectrice, ni Israël ni le Hamas n’ont intérêt à une reprise des hostilités. Mais tout n’est pas entre leurs mains

Les factions palestiniennes à l'entraînement (photo credit: REUTERS)
Les factions palestiniennes à l'entraînement
(photo credit: REUTERS)
Israël et le Hamas préféreraient l’un comme l’autre éviter une nouvelle guerre cet été, mais des factions palestiniennes indisciplinées pourraient bien les entraîner malgré eux dans un nouveau conflit.
Pour les dirigeants politiques du Hamas à Gaza, qui n’ont pas réussi à trouver assez d’argent pour reconstruire les maisons et satisfaire l’ensemble des besoins fondamentaux de la population après les dégâts causés par Israël à de nombreuses infrastructures militaires, une nouvelle guerre serait désastreuse. Côté israélien, à la lumière des menaces que représentent le Hezbollah au nord, l’Etat islamique en Syrie, et le programme nucléaire iranien, Jérusalem a tout intérêt à garder son stock de poudre bien au sec en prévision de conflits plus graves…
Des deux parties, c’est sans doute la direction politique du Hamas qui a le plus de souci à se faire. Le régime égyptien considère l’organisation terroriste comme une branche du mouvement des Frères musulmans, qu’il a réprimé en 2013. Le Caire aurait ainsi détruit environ 2 000 tunnels de contrebande et en aurait rempli d’autres de gaz lacrymogène, coupant au Hamas l’accès aux armes, à l’argent liquide et aux marchandises. Pour réussir à convaincre le régime égyptien de rouvrir sa frontière, le Hamas n’aurait d’autre choix que de lancer une entreprise de séduction auprès des bienfaiteurs financiers du Caire en Arabie Saoudite. Or, ceux-ci sont actuellement engagés au Yémen, dans la campagne aérienne qu’ils mènent contre les Houtis, miliciens chiites soutenus par l’Iran.
Négociations en coulisses
Le Hamas en est conscient : une nouvelle guerre contre Israël menée avec des armes iraniennes ne lui fera pas gagner les faveurs de l’Arabie Saoudite, de l’Egypte et des autres Etats sunnites. Entre la menace nucléaire iranienne, l’expansion de l’Etat islamique et les autres dangers régionaux, les Sunnites n’ont aucune envie de voir éclater dans la région des conflits supplémentaires – même contre Israël – susceptibles d’accroître encore l’influence de l’Iran.
Cela explique peut-être pourquoi le Hamas est allé à l’encontre de ses propres principes en engageant en coulisses des négociations de cessez-le-feu avec Israël. Le haut dirigeant du Hamas Ahmed Youssef a lui-même récemment reconnu que le groupe islamiste « discute » indirectement avec Israël sous l’égide d’une médiation internationale.
Si officiellement, le gouvernement israélien comme la direction du Hamas ont tous deux nié cette affirmation, il semble bien qu’en coulisses, les pourparlers portent leurs fruits. Certains analystes israéliens estiment que via cette médiation internationale – qui, selon les rumeurs, serait constituée de représentants de l’ONU, de l’Europe et du Qatar – Israël et le Hamas seraient sur le point de conclure un cessez-le-feu de trois à cinq ans, accompagné d’une éventuelle levée du blocus sur Gaza.
Mohammad Deif, le survivant
Si certains membres de l’organisation terroriste aspirent à un retour au calme, certaines factions dissidentes ne sont, elles, pas prêtes à rendre les armes. La radio israélienne a récemment choqué ses auditeurs en annonçant que Mohammad Deif, commandant militaire en chef du Hamas, est toujours en vie et supervise les opérations militaires du Hamas à Gaza. Tout le monde pensait que Deif avait trouvé la mort l’été dernier, à la suite d’une frappe israélienne. Mais il aurait une fois de plus survécu et aurait déjà commencé à préparer un prochain round de violences. En outre, Mohammad Deif entretient des liens solides avec Téhéran, qui s’apprête à recevoir quelque 120 milliards de dollars dans le cadre d’une levée des sanctions contre son régime. Il est fort probable que Deif profitera de cet afflux de fonds. Le haut commandant compte indubitablement sur l’Iran pour se réapprovisionner en roquettes et même acquérir quelques drones.
Deif était également le cerveau à l’origine des tunnels qui ont poussé les forces de défense israéliennes à intervenir l’été dernier. Aujourd’hui, des rapports indiquent que le Hamas est en train de les reconstruire, souvent à grands frais de vies humaines.
Jérusalem, sur la défensive
De son côté, Israël s’efforce d’avoir toujours une longueur d’avance. Les cerveaux israéliens travaillent actuellement à la mise au point de contre-mesures pour détecter et détruire les tunnels en question.
Depuis la fin de la guerre au mois d’août, les pionniers de la remarquable technologie du Dôme de fer, qui a intercepté en vol et détruit 735 roquettes du Hamas l’été dernier, centrent tous leurs efforts sur la technologie anti-tunnels. Des contre-mesures qui pourraient bien dissuader le Hamas d’enclencher un nouveau round d’hostilités.
L’an dernier, Benjamin Netanyahou avait mis fin à l’opération Bordure protectrice et choisi de ne pas reprendre le contrôle de la bande de Gaza, par crainte d’exposer les soldats de Tsahal à des combats de rue sanglants. Une décision qui lui a valu les critiques de politiciens de tous bords, lors de la dernière campagne électorale. Le chef de file du Camp sioniste Itzhak Herzog a même accusé le Premier ministre d’avoir renforcé le Hamas.
Un an après la dernière opération militaire à Gaza, l’état-major israélien est conscient que la menace d’un nouveau conflit se profile. Sur le terrain, les soldats suivent des entraînements intensifs et simulent une reconquête totale de la bande de Gaza. Mais reprendre le contrôle du territoire palestinien n’est pas une fin en soi. Les frais à engager pour son administration et son contrôle seraient difficiles à faire accepter au public israélien. C’est une des raisons pour lesquelles les Israéliens, tout comme beaucoup de Gazaouis, préféreraient éviter un nouveau conflit cet été.
Factions dissidentes
Le soulèvement politique du Printemps arabe a poussé certains Etats du Moyen-Orient et des donateurs particuliers à subventionner le Hamas. Cependant, les intérêts divergents de ces multiples bienfaiteurs ont entraîné un fractionnement irrémédiable au sein de l’organisation terroriste. Ainsi, l’aile militaire soutenue par l’Iran, les dirigeants des territoires de Judée-Samarie, ceux de Gaza et les grandes figures politiques exilées dans des pays comme le Qatar, la Turquie et l’Egypte sont loin d’avoir une ligne commune. Or toute décision unilatérale prise par l’un ou l’autre de ces protagonistes peut avoir des conséquences fatales.
Ainsi l’été dernier, c’est une branche militaire du Hamas basée en Turquie qui a ordonné l’enlèvement et le meurtre des trois adolescents israéliens. Cette opération a déclenché des représailles israéliennes qui ont vite entraîné une escalade de la violence et mené à la guerre. Or, deux mois après la fin des hostilités, Khaled Meshaal, dirigeant du Hamas basé au Qatar, déclarait dans une interview ne pas avoir eu connaissance du projet d’enlèvement.
Un silence inconfortable règne actuellement entre le Hamas et Israël, ponctué par des tirs de roquettes occasionnels. Rien de tout cela n’a encore paru menacer le calme, principalement parce qu’aucune des deux parties ne souhaite s’engager dans un conflit ouvert. Toutefois, ce que souhaitent les Israéliens ou les Palestiniens a-t-il vraiment de l’importance, à l’heure où des acteurs comme Mohammad Deif ont repris la fabrication de roquettes et le creusement de tunnels en vue du prochain épisode ?
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