Autopsie d'une fuite de pétrole

« Véritable récif de corail terrestre », la réserve naturelle d’Evrona est menacée par cinq millions de litres de pétrole brut, qui se sont déversés dans son sol

Autopsie d'une fuite de pétrole (photo credit: NIV ELIS)
Autopsie d'une fuite de pétrole
(photo credit: NIV ELIS)
Voilà plus d’une semaine que la presse annonce en gros titres : « la plus grande catastrophe écologique de l’histoire du pays ». De terribles images d’un liquide noir imprégnant les sables et les acacias de la réserve naturelle d’Evrona, émargées de mises en accusation de l’entreprise d’Etat Katzaa qui exploite l’oléoduc coupable, une fois de plus responsable d’une importante fuite.
Quelle sera la gravité des répercussions ? Par quoi l’accident a-t-il été causé ? Et quelles sont les perspectives de rétablissement pour la région ?
Bien des Israéliens n’ont jamais foulé le sol d’Evrona. Pourtant, nombreux sont les écologistes qui considèrent ces 1 600 hectares de réserve s’étendant à 10 kilomètres au Nord d’Eilat comme l’une des régions cruciales du pays pour sa biodiversité. Evrona est un véritable récif de corail terrestre.
Uri Shanas, qui vient d’être nommé chef du département de biologie et d’environnement de l’université de Haïfa-Oranim, étudie depuis plus de dix ans ce coin de nature unique. Avec des collègues jordaniens, il y a identifié une nouvelle espèce d’araignée (la plus grosse de ce type au Moyen-Orient). Une découverte reconnue par le magazine Discovery comme une percée scientifique majeure de l’année 2010.
La particularité d’Evrona réside dans son emplacement sur un marais salant, explique Shanas. « Les marais salants deviennent un paysage en voie de disparition en Israël », précise-t-il. « Il y en a quatre dans l’Arava, dont trois en Israël. Celui d’Eilat a déjà totalement disparu, et la partie la plus productive de celui de Yotvata est presque entièrement occupée par la réserve naturelle de Haï Bar et le “zoo de gazelles” qui lui est associé. De sorte qu’il ne reste plus que le marais salant d’Evrona. »
Un petit morceau d’Afrique tout près de la Jordanie
En raison de son étendue relativement importante, tous les niveaux trophiques (mesurés par le nombre d’étapes auquel se situe un organisme par rapport au début de la chaîne alimentaire) se retrouvent ici. La région abrite en outre l’un des plus grands troupeaux de gazelles du Néguev. Pour celles-ci, les innombrables acacias qui fleurissent dans l’Evrona constituent une sorte de « buffet à volonté ». Les gazelles font à leur tour le bonheur des loups, des chacals et des hyènes de la région.
Selon Shanas, cette biodiversité, bien plus vaste que dans le reste de l’Arava, pourtant sauvage lui aussi, tiendrait à l’isolement de la région, qui lui évite d’être affectée par l’agriculture.
Mais il n’y a pas que les animaux qui fréquentent l’Evrona : beaucoup de curieux viennent aussi la visiter, souvent sous la conduite de Bill Slott, habitant du kibboutz voisin Ketoura, que beaucoup considèrent comme le guide le plus drôle et le plus haut en couleur d’Israël.
Slott retrouve cependant sa gravité lorsqu’il évoque ce site emblématique : « Evrona est un petit trésor caché pour les guides que nous sommes, et pour les touristes, bien sûr. On y trouve des vestiges archéologiques uniques, un contexte biblique [il comporte l’un des 42 campements des enfants d’Israël dans le désert], on y voit des gazelles, des étangs avec des flamants et des palmiers doum… C’est un petit morceau d’Afrique tout près de la Jordanie. J’y emmène des gens qui ont séjourné à Eilat et ont envie de voir quelque chose de différent. Il n’est pas étonnant que le roi de Jordanie Hussein et le Premier ministre qu’était alors Itzhak Rabin aient signé la paix dans la réserve d’Evrona il y a 20 ans. C’est un lieu isolé de la guerre et des conflits et qui rappelle des temps plus simples… »
Du pétrole stocké en plein désert
Hélas, Evrona a la malchance de se situer sur le trajet de l’oléoduc Eilat-Ashkelon.
En 1968, le Shah d’Iran et Israël signent un accord de partenariat permettant d’acheminer à bas prix le pétrole iranien jusqu’en Europe : le pétrole brut arrive par la mer Rouge sur des pétroliers iraniens, avant d’être déchargé au port d’Eilat et transféré par oléoduc jusqu’à Ashkelon, sur la côte méditerranéenne, pour partir ensuite vers l’Europe.
Pendant dix ans, cela a parfaitement fonctionné. Puis vient la révolution islamique de 1979 et l’enthousiasme des Iraniens pour la coopération avec Israël faiblit nettement. Toutefois, l’oléoduc et l’entreprise Katzaa, eux, subsistent.
Même dans les débuts, la nature très sensible des liens entre Israël et l’Iran contraignait Katzaa à opérer dans la plus grande discrétion. Après la démission du partenaire iranien, l’entreprise continue de mener une activité intense, sauf à certaines périodes, comme en 2011 et 2012, où très peu de pétroliers viennent accoster dans le port d’Eilat. Dès lors, l’oléoduc cessera de servir à l’acheminement.
Mais Katzaa a depuis longtemps compris que son oléoduc peut aussi servir au stockage : souvent des spéculateurs y entreposent leur pétrole en attendant une montée des prix. Ces dernières années, en revanche, avec les considérables turbulences qui ont secoué la région, les producteurs du Kurdistan et d’autres pays du Moyen-Orient ont amplement exploité cet itinéraire très sûr vers les marchés européens.
Etrangement, c’est le souci de la protection de l’environnement qui va déclencher la cascade des événements à l’origine de la catastrophe du 3 décembre dernier. Pendant des années, on s’est accordé à penser que l’aéroport situé au cœur de la station balnéaire d’Eilat représentait une grave nuisance écologique, doublé d’un danger en matière de sécurité. Sachant qu’en conséquence, il serait déplacé, les écologistes ont mené campagne afin d’empêcher qu’Evrona soit choisie pour accueillir le nouvel aéroport. En 2001, ils crient victoire quand le ministre des Transports de l’époque, Amnon Lipkin-Shahak, accepte de le relocaliser plus au Nord, à l’Est des mines de cuivre de Timna.
Lorsque les travaux débutent, plus de dix ans plus tard, on demande à Katzaa de déplacer son oléoduc, qui se situe juste au-dessous de la piste à venir. La compagnie le vide donc en vue de le décaler vers l’Ouest.
Quelque 6 km vers l’Est
Le 3 décembre dernier, jour prévu pour tester les nouvelles installations, du pétrole brut est envoyé d’Eilat. A 19 h 45, une brèche s’ouvre dans l’oléoduc. Le temps que l’on stoppe le flux, cinq millions de litres de brut sont déjà déversés dans la nature.
Dans un communiqué de presse, Katzaa s’explique : « En raison de ce qui semble être un incident technique dont la source n’a pas encore été élucidée, du pétrole s’est échappé de l’oléoduc. Le système de contrôle de la compagnie a aussitôt signalé la fuite et transmis l’ordre de fermer les valves pour isoler ce segment de l’oléoduc. Le contenu restant dans la section concernée a cependant continué à se déverser. »
Rétrospectivement, on peut considérer que le système d’urgence a très vite réagi… et cependant pas assez. Les bulldozers du KKL (Keren Kayemeth LeIsrael, le Fonds national juif) qui travaillaient sur le chantier de l’aéroport ont été les premiers à arriver sur les lieux, puis de gros équipements ont bientôt afflué de toute la région. En une demi-heure, les gardes forestiers de la Direction de la nature et des parcs d’Israël édifient un barrage temporaire pour stopper l’écoulement de pétrole. Cependant, des millions de litres se sont déjà échappés et s’écoulent dans les multiples rigoles creusées dans la terre par les occasionnelles pluies d’hiver. Bien que la fuite ait eu lieu près de la route de l’Arava, le pétrole a parcouru quelque 6 km vers l’Est à travers la réserve, atteignant presque la frontière avec la Jordanie.
L’odeur s’est fait sentir jusqu’à Aqaba et 80 habitants de la ville jordanienne se sont présentés à l’hôpital pour des indispositions.
Des gazelles en chaussettes noires
Une semaine après l’accident, Roi Talbi, le biologiste en charge de la région d’Eilat, manifeste son désespoir en regardant le lit noir de la rivière de pétrole : « Cela fait 20 ans que je sillonne le secteur et je n’ai jamais rien vu de tel. Chaque matin, je me réveille en me demandant comment nous allons pouvoir nous y prendre pour nettoyer 20 hectares nets de terres souillées, sur une superficie totale de terres affectées de 100 hectares. Je sais qu’il s’agit d’une matière organique qui vient elle-même de la terre. Mais par où faut-il commencer ? Même maintenant que nous avons retiré la majeure partie des grosses flaques, quand un serpent ou un quelconque reptile s’aventurera sur les terres contaminées, rien n’indique qu’il en sortira vivant. Pour les insectes, en tout cas, c’est sûr que non ! Ils se noieront purement et simplement.
« Cette réserve abrite des centaines de gazelles, qui se promènent actuellement sur un sol imprégné de résidus de pétrole. Leurs sabots se remplissent. J’en regardais un groupe ce matin : on aurait dit qu’elles avaient toutes des chaussettes noires. Et, plus tard, j’en ai vu quelques autres qui avaient l’air de boiter. Cela fait longtemps que j’observe les gazelles et je n’ai jamais vu tout un groupe boiter. Non, je vous le dis, je suis très préoccupé… »
Mais l’attention se concentre surtout sur les acacias de la réserve. Il y en a des milliers, et c’est sur eux que se fonde la totalité de l’écosystème. Leurs feuilles contiennent des protéines et assez d’eau pour éviter aux gazelles d’être obligées de boire. Et leurs cosses contiennent une quantité considérable de protéines.
Talbi désigne le sol couvert de cosses noircies sous un acacia. « Dans le désert, ce genre de produit organique est inestimable. Il vaut de l’or. Désormais, il est complètement recouvert de noir. Que vont manger les animaux ? »
Shanas, le chercheur en écologie, explique : « La terre qui a été polluée va être perdue pour de nombreuses espèces et affecter la distribution de toute la faune, depuis les arthropodes [dont certains très rares, comme l’araignée découverte dernièrement] jusqu’aux reptiles [dont quelques espèces très rares également, comme le gecko aux doigts courts du Moyen-Orient, une espèce en voie de disparition], en passant par les gerbilles. Les animaux morts ou gravement atteints risquent en outre d’entraîner la mort de leurs prédateurs, via une intoxication secondaire. Et toutes les perturbations causées par la nécessité de résoudre le problème vont amener des changements qui causeront une perte d’habitat pour de nombreux animaux.
« Il est évident par ailleurs que cet événement, associé à l’arrivée en masse de matériel, ajoutera du stress à la délicate population des gazelles, ce qui réduira leur fécondité. »
Perspectives de remise en état
Depuis ce terrible mercredi soir, l’équipement lourd mis en place, fonctionne jour et nuit. De considérables quantités de pétrole ont ainsi pu être ramassées et pompées, et de la terre contaminée a été collectée pour être incinérée et nettoyée. En même temps, les ouvriers travaillent à la main, utilisant des « pom-poms absorbeurs de pétrole » pour éponger l’épaisse boue noire et l’ensacher.
Plus d’une semaine après la catastrophe, l’odeur nauséabonde du pétrole prenait encore à la gorge, un peu comme près d’une route qui vient d’être asphaltée ou d’une raffinerie de pétrole.
La réserve, d’ordinaire si paisible, grouille d’activité et les progrès sont contrôlés depuis un quartier général au style très militaire installé par l’INPA. Des mini-bulldozers ramassent la saleté, des travailleurs érythréens mettent le pétrole dans des sacs et les journalistes et les caméras de télévision enregistrent le tout. Le long de la traînée noire, très peu de pétrole s’est vraiment infiltré dans le sol, mais la terre reste d’un noir d’encre.
La crainte des pluies et des inondations a conduit à mettre les bouchées doubles, afin de retirer le plus possible de pétrole. Il s’agissait d’empêcher que de trop grosses quantités atteignent le golfe d’Eilat et ses très sensibles récifs de corail. En fin de compte, le peu de pétrole qui est sorti des limites d’Ein Evrona n’est pas allé très loin en direction du Sud. Dimanche 14 décembre, le ministre de l’Environnement, Ophir Akunis, faisait savoir que tout risque de contamination du golfe d’Eilat était définitivement écarté.
En réalité, le passé offre des raisons d’être optimiste.
L’accident d’Evrona est loin d’être la première grande catastrophe écologique causée par la fuite d’un oléoduc de Katzaa. En 1975 déjà, 10 millions de litres de brut s’étaient échappés d’un conduit adjacent, à 6 km au Sud-Est du lieu de l’accident actuel. Les rapports officiels de nettoyage de l’époque montrent une situation bien pire que celle d’aujourd’hui, avec d’énormes plaques noires qui recouvraient de vastes étendues de territoire. Il faut dire que les travaux de nettoyage avaient été très minimes.
40 ans plus tard, on aperçoit encore quelques taches noires isolées sur la voie de service adjacente et de vagues traces sur la terre autour du point où la fuite a eu lieu. Mais la nature est résistante. Si quelques acacias sont morts, la plupart des autres se portent bien. En outre, la région de l’Arava a subi de nombreuses années de sécheresse successives : n’est-ce pas de celles-ci qu’ont souffert les arbres, plutôt que de la fuite survenue il y a 40 ans ? Une chose est sûre : on ne constate plus aucun dégât flagrant en dehors d’un rayon de 200 mètres.
La nature œuvre elle-même
En juillet 2011, l’oléoduc est de nouveau détérioré, cette fois à 150 km au Nord, près du lit de la rivière Tzin et du kibboutz Sdé Boker, à la suite de travaux de maintenance. Un million de litres de kérosène se déversent. Les écologistes sont d’autant plus indignés que la compagnie n’a pas jugé utile de signaler l’accident au ministre de l’Environnement, comme elle en avait pourtant le devoir.
Aujourd’hui, hormis une vague odeur qui plane dans l’air, il ne subsiste rien du tableau de dévastation que présentait la Tzin il y a trois ans, à l’image d’Evrona aujourd’hui. C’est en partie le résultat d’un nettoyage assidu, qui a été suivi d’un délicat travail d’aménagement paysager. Mais c’est avant tout la nature elle-même qui a fait son œuvre, effectuant ce qu’elle sait faire le mieux.
Bien sûr, les deux accidents n’ont rien à voir. Le kérosène qui s’est déversé dans la Tzin était bien plus léger que le pétrole d’Evona, de sorte qu’il s’est évaporé très vite. Les graviers formant le lit de ce cours d’eau du désert sont bien plus perméables que l’argile des rigoles d’Evrona, sans parler des pluies diluviennes qui surviennent régulièrement l’hiver et ont contribué à purger la majeure partie des résidus présents dans la Tzin.
Plusieurs spécialistes qui ont travaillé sur la catastrophe de la Tzin déclarent, sous couvert d’anonymat, penser voir le même type de rétablissement s’opérer à Evrona, mais à un rythme plus lent. Il est encore trop tôt pour se prononcer, mais les signes initiaux suggèrent que les acacias, dont certains sont vieux de six siècles, sont très résistants et paraissent bien se tenir après l’agression qu’ils viennent de subir. Et la question clé pour évaluer l’avenir écologique d’Evrona reste de savoir si les acacias réussiront ou non à procurer le nombre de calories nécessaires à l’ensemble de l’écosystème.
Puis, les vents et les pluies vont arriver, ils apporteront du sable neuf et de nouvelles pierres sur la terre noircie, et les hydrocarbures se désagrégeront. Cela prendra du temps, bien sûr, mais un jour viendra où le visiteur d’Evrona aura toutes les peines du monde à se figurer l’Apocalypse de décembre 2014.
Un rivet de plus ou de moins…
En 1981, Paul Ehrlich, écologiste réputé, professeur à l’université de Stanford, proposait une parabole que l’on connaît désormais sous le nom d’« Hypothèse des rivets » : un passager inquiet remarque qu’un ouvrier est en train de faire sauter les rivets de l’aile de l’avion dans lequel lui-même se trouve. L’ouvrier le rassure : il y a beaucoup de redondances dans l’équipement d’un avion, et celui-ci n’a pas besoin de tous ses rivets pour voler. Pourtant, il viendra nécessairement un moment où l’on retirera un rivet de trop et où l’avion s’écrasera à cause de cela. Seulement, on ignore de quel rivet il s’agit.
Il en est de même pour les écosystèmes et les espèces vivantes : nous continuons à les agresser sans avoir la moindre idée du moment où l’effondrement se produira.
Yehoshua Shkedy est directeur scientifique à la direction de la nature et des parcs d’Israël. C’est dans le contexte ci-dessus qu’il envisage la catastrophe actuelle. Pour lui, c’est « une brique de plus dans le mur ».
Dans un moment de franchise, il livre sa vision profondément pessimiste pour l’avenir de la nature, même dans ce coin très isolé d’Israël. « La réserve d’Evrona est entourée de dangers qui la menacent de toutes parts. A l’Est, c’est la frontière « paisible » et l’activité militaire. A l’Ouest, passe la grande route et un nombre inconnu de réseaux de tuyaux et d’infrastructures, ainsi qu’une zone d’exploitation minière. Au Nord, se construit un nouvel aéroport dont les avions passeront juste au-dessus de la réserve. Et à présent, on veut construire une voie ferrée qui parviendra jusqu’à Eilat et passera au milieu de tout cela. Comment voulez-vous que la nature et un train à grande vitesse cohabitent dans un même espace ?
« Ma mère est arrivée en Israël en 1948. J’ai souvent l’impression que nous sommes en train de trahir l’héritage sioniste de ma famille : nous ne protégeons pas notre pays. Nous en perdons chaque jour un peu plus. Ainsi, dans la réserve d’Evrona, les gens ne pourront bientôt plus voir la beauté de la nature. »
Le symptôme d’un malaise bien plus large
Pour ceux qui recherchent des boucs émissaires plus concrets, les réclamations à adresser à Katzaa ne manquent pas, tant pour cet accident que pour les précédents. Au gouvernement, on s’indigne en coulisses que la compagnie ne soit pas capable de fournir des chiffres fiables concernant la quantité de pétrole qui s’est bel et bien déversée.
Le fait est que, malgré un récent rapport très désobligeant du contrôleur de l’Etat sur le précédent accident, Katzaa n’a toujours pas adopté une culture de transparence. Il n’existe évidemment aucun cadre juridique de surveillance réglementaire ni aucun critère qui permettrait au public de juger si la distance de 30 km entre deux valves est raisonnable ou non. Peut-être que tout aurait été différent le 3 décembre dernier si cette distance n’avait été que d’un kilomètre ou deux.
Le point de vue de Katzaa semble être que les fuites sont un problème incontournable pour une entreprise qui pompe des centaines de millions de litres de pétrole à travers tout le pays. Ses responsables se plient pour la forme aux normes industrielles et se disent volontiers disposés à payer les coûts de nettoyage en cas de dommages collatéraux. Ce peu de résistance n’a rien de surprenant : personne ne leur demande de rendre des comptes pour les avatars occasionnels. Ils n’auront pas non plus à dédommager le public pour la perte de magnifiques espaces publics ou de merveilleux écosystèmes.
La fuite de pétrole de ce mois-ci dans l’Evrona n’est pas la pire catastrophe écologique de l’histoire d’Israël. Par chance, la majeure partie de la réserve n’a pas été touchée, de même qu’aucun des remarquables sites archéologiques. Oui, des dizaines d’espèces animales d’Israël sont en perte de vitesse, mais l’assèchement du marais de Houla, l’empoisonnement de la rivière Kishon et même l’agriculture extensive en œuvre dans le Néguev ont causé bien plus de tort à la nature.
Néanmoins, il s’agit d’une insulte écologique monstrueuse qui laissera des cicatrices sur une réserve naturelle exceptionnelle du pays. En fin de compte, cette fuite est un symptôme, celui d’un malaise bien plus large. Il faut en rechercher la cause dans l’addiction de notre société aux énergies fossiles, ainsi que dans le besoin insatiable qu’a Israël de croître et de se développer.
Ce dernier accident doit servir d’avertissement supplémentaire pour dire que l’Etat juif n’avance pas dans une direction propice à sa pérennité et que notre génération n’assume pas ses responsabilités, puisqu’elle ne prend pas soin de sa Terre Promise.
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