Mékoudéchet !

Ce festival phare de Jérusalem adopte une approche pluraliste et s’attache à gommer les frontières

Jérusalem illuminée lors du festival de musique sacrée (photo credit: HANAN BAR ASOULIN)
Jérusalem illuminée lors du festival de musique sacrée
(photo credit: HANAN BAR ASOULIN)
Mékoudéchet, le festival de musique sacrée de Jérusalem, débute le 23 août avec une série impressionnante d’événements, qui bousculent quelques idées préconçues à propos de la capitale en tant que pôle culturel. Il s’agit de la deuxième édition de cette version condensée de la Saison culturelle hiérosolomytaine qui s’est imposée les années précédentes comme l’un des incontournables de la scène israélienne, en proposant des événements de grande qualité à la fois novateurs et distrayants.
Parmi les points forts de cette année : Au-dessus et au-delà, des expositions sur les toits de la ville ; des visites pour Dissoudre les frontières ou une séance de jogging nocturne animée par un DJ. Les visiteurs profiteront aussi d’un événement artistique doublé d’une expérience scientifique, de la remise au goût du jour d’une cérémonie ancienne, ou bien d’une expérience sonore unique dans la vallée de la Croix.
Balade de nuit
Mékoudéchet ravira également les mélomanes, qui ne manqueront pas de se rendre à la Tour de David, du 7 au 15 septembre. Cette année, le festival offrira des concerts de l’influent duo jamaïcain de reggae dub Sly and Robbie, et de la Reine du Sahara, la Malienne Khaira Arby, qui jouera en clôture avec un groupe entièrement féminin. Une liste impressionnante d’artistes israéliens, dont Eviatar Banaï, Ester Rada, Doudou Tassa et Yaël Deckelbaum, se produiront également à la Tour et ailleurs.
« Night Stroll » (promenade de nuit) présente des productions originales créées spécialement pour le festival, qui mettront en vedette les talents musicaux locaux sur sept scènes différentes autour du complexe de la Tour de David, et ce tout au long des soirées du festival. Au total, 195 artistes locaux et 25 étrangers seront présents cette année.
« Mékoudéchet » signifie à la fois « sacrée » ou « sanctifiée » en hébreu. Pris au sens large, et non pas seulement religieux, ce concept forme la trame du contenu artistique du festival. « Mékoudéchet est l’événement phare de la Saison culturelle hiérosolomytaine. Il s’agit d’un festival contemporain unique de par son caractère pluridisciplinaire », explique Karen Brunwasser, directrice adjointe de Mékoudéchet. « Il vise à proposer une approche pluraliste du concept du sacré, en amenant le public et les artistes du monde entier à Jérusalem afin qu’ils expriment ce qui est sacré à leurs yeux. »
Le directeur artistique Itay Mautner espère voir Mékoudéchet influer sur la perception du public. « Nous posons la question de savoir ce qui est saint et ce qui est sacré dans notre vie. Nous nous efforçons d’exposer les visiteurs à toutes sortes d’instants ineffables. L’art et la culture nous permettent de sortir de nos automatismes, tant au niveau de la pensée que de la façon dont nous jugeons les autres, et nous aident peut-être, l’espace d’un moment, à atteindre un degré différent voire supérieur. »
Sur les toits
Quiconque observe les toits de la Vieille Ville de Jérusalem ne peut manquer de remarquer qu’ils sont souvent utilisés pour dormir, recevoir ou faire pousser des plantes. A Jérusalem-Ouest, en revanche, le plus souvent ils sont laissés à l’abandon. D’où l’idée qui se cache derrière le projet Above and Beyond (au-dessus et au-delà).
Durant dix nuits, Mékoudéchet ouvrira dix toits normalement inaccessibles le long de la rehov Yaffo, chacun avec une installation artistique spécifique. Le projet invite le public à changer littéralement de point de vue, en grimpant sur certains des toits les plus extraordinaires de la capitale.
« Nous voulons mettre en exergue l’existence de ces espaces trop souvent négligés et leurs multiples utilisations possibles », explique Mautner. « Il peut s’agir, par exemple, de l’agriculture urbaine : on peut faire pousser des légumes, des fruits ou des aromates sur les toits, ou bien simplement y trouver un autre point de vue sur la ville. »
Dissoudre les frontières, un projet qui figurait déjà au programme de l’édition 2016 du festival, prend cette année une nouvelle dimension. « C’est un projet fabuleux, très novateur », explique Karen Brunwasser. « Par essence, Jérusalem est un lieu que l’on aime cataloguer, en lui accolant une définition très étroite. Mais, en réalité, les habitants de la capitale dépassent de loin les limites que l’on aimerait leur imposer : leur identité s’avère très complexe. On aime coller des étiquettes aux gens en fonction de leur apparence, mais on finit souvent par s’apercevoir que c’est beaucoup plus compliqué que ça. »
Egalement au programme, des « voyages », soit des visites de cinq heures à pied ou en minibus planifiées avec le plus grand soin, accompagnées d’un guide audio avec fond musical. Aucune des attractions touristiques classiques ne figure au programme, on se promène dans l’inconnu – l’itinéraire n’est pas dévoilé à l’avance.
« Nous entraînons le public à travers la ville et lui proposons de rencontrer quatre, cinq ou six “effaceurs de frontières” différents. Il s’agit de personnes qui imaginent de nouveaux modèles, de nouvelles façons de considérer Jérusalem et la complexité d’Israël. Ils peuvent amener des changements dans le monde de l’éducation, de l’art ou de l’engagement communautaire, et sont avant tout emplis d’espoir », explique Karen Brunwasser.
Kulna (Nous tous), présentera le meilleur de la musique israélienne et arabe, dans un florilège de sonorités moyen-orientales étonnamment contemporaines, au parc Mitchell hors les murs de la Vieille Ville. « L’espace d’une nuit, nous allons imaginer le Moyen-Orient de nos rêves », explique la directrice adjointe du festival. « Nous imaginerons ce que pourrait être la région débarrassée de tous ses conflits politiques. » L’East West Orchestra (ex-Orchestre andalou de Jérusalem) accueillera ainsi Muhammad Mughrabi, Dikla, Saliman, Nasreen Qadri, Apo Sahagian et Ziv Yehezkel dans un méga-concert éclectique hébreu-arabe. Et, s’il vous reste encore des forces, ne manquez pas l’after de Kulna, avec des DJ et musiciens qui produisent la musique la plus branchée du Levant.
En mouvement
Malgré sa popularité grandissante, la Saison culturelle de Jérusalem fait cependant l’objet de nombreuses critiques, du fait qu’une grande partie de ses équipes artistiques réside en dehors de la capitale. D’aucuns ont aussi dénoncé le fait que certains événements, parmi les plus populaires des années précédentes, aient été purement et simplement rayés du programme, comme Point de contact qui avait transformé le Musée d’Israël, ou Balabasta, qui avait attiré des milliers de fêtards au marché Mahané Yehouda. La prédilection des organisateurs pour l’innovation et la création annuelle de nouveaux programmes risque naturellement de décevoir certains festivaliers qui souhaitent revoir les événements des années précédentes.
Au chapitre des innovations, Mékoudéchet a également lancé une toute nouvelle plate-forme numérique avec un clip exclusif : Open Jerusalem. Celle-ci donnera accès aux événements du festival au public du monde entier, mais permettra également de partager l’art numérique créé spécialement à cet effet.
Après avoir débuté par une session pilote il y a huit ans, l’événement a changé de format l’an dernier pour un festival condensé de trois semaines. Ce sera le dernier festival Mékoudéchet placé sous l’égide de Mautner, reste à savoir comment tout cela évoluera sans lui. Mais, après près de neuf ans à la barre, ce dernier estime qu’il est temps pour lui de relever de nouveaux défis. « Je suis un adepte du mouvement et je pense avoir réalisé ce que j’avais à faire ici », affirme-t-il. « Il est temps pour moi de changer d’horizon et de céder la place à d’autres, qui sauront à leur tour laisser leur empreinte. » 
Programme : en.mekudeshet.com
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