Le canari dans la mine

Après Ilan Halimi et Otzar Hatorah. Après Charlie Hebdo et l’Hypercacher. Après l’attentat de vendredi 26 juin dans l’Isère, la France va-t-elle enfin ouvrir les yeux ?

Le canari dans la mine (photo credit: REUTERS)
Le canari dans la mine
(photo credit: REUTERS)
Naguère les mineurs descendaient dans la mine avec un canari en cage et lorsque l’oiseau donnait des signes de suffocation indiquant l’apparition de gaz toxiques, ils remontaient précipitamment à la surface. Je me faisais cette réflexion au retour d’une courte visite en France où j’ai pu constater le désarroi profond dans lequel est plongée la communauté juive, un désarroi qui se traduit par des départs d’une ampleur sans précédent. Et ceux qui restent sont animés d’une sourde inquiétude. Cette fois, les juifs de France ont joué et jouent encore le rôle des canaris, alors que leurs concitoyens ne sentent pas encore le danger.
Tel le gaz dans les mines d’antan, la montée sournoise de l’antisémitisme n’a pas été perçue comme une menace par les Français non juifs. Ilan Halimi, Otzar Hatorah et ses petites victimes ont certes provoqué des mouvements d’indignation, mais cette indignation s’accompagnait souvent de commentaires expliquant que ces actes, certes condamnables, n’étaient que la conséquence de la politique d’Israël et des exactions dont les Palestiniens seraient les victimes. On a pu en 2014 crier impunément « Mort aux juifs » dans les rues de Paris, et dans une vidéo tristement célèbre on entendait des manifestants scandant « Juif, fous le camp, la France n’est pas à toi ».
Et puis il y a eu janvier 2015 et l’attaque de Charlie Hebdo. Cette fois ce n’étaient plus des juifs qui étaient visés, mais des « blasphémateurs » accusés d’avoir porté atteinte au prophète Mahomet. Le premier choc passé – je n’évoque pas ici les martyrs de l’Hypercacher qui, seuls, n’auraient pas provoqué la même réaction – l’indignation a été une fois de plus tempérée par des commentaires selon lesquels, certes, cette attaque était inadmissible, mais les journalistes de Charlie avaient dépassé les bornes. Un point de vue partagé par le Pape (!) : il n’a pas hésité à déclarer moins de dix jours après l’attentat qu’il y avait des limites à la liberté d’expression, ajoutant que si même son meilleur ami insultait sa mère, il n’hésiterait pas à lui donner un coup de poing. Quant au président Hollande, il s’était empressé de se rendre à l’Institut du monde arabe pour proclamer sa solidarité avec la communauté musulmane, « victime », elle aussi, de l’attentat.
Ces propos auraient-ils été mal interprétés ? En avril, un terroriste islamique sur le point d’attaquer des églises a été arrêté. Il disposait d’un arsenal impressionnant ; selon les documents trouvés lors de l’enquête, la basilique du Sacré-Cœur se trouvait parmi les bâtiments visés. Vendredi 26 juin, c’est une usine de produits chimiques non loin de Lyon qui a fait l’objet d’une attaque. Le terroriste, « un musulman normal » selon son épouse, a d’abord décapité son employeur et planté sa tête sur la grille de l’usine, avant de tenter de faire exploser l’établissement. Selon le journal Le Monde, l’homme qui criait « Allah Akhbar » a été neutralisé par les pompiers. Le même jour, deux autres attentats, l’un au Koweït et l’autre en Tunisie, ont fait des dizaines de morts. Deux attaques revendiquées par l’Etat islamique, qui a de plus en plus de succès auprès des jeunes français : ils seraient plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, à avoir rejoint les rangs de cette organisation qui sème la terreur au Moyen-Orient et ailleurs.
Après l’attentat de vendredi, l’avertissement du canari va-t-il enfin être compris ? Pas sûr. Pour Le Monde, dans son éditorial du 27 juin, Unité face aux barbares, l’objectif de l’organisation en France serait « de manipuler une petite minorité de jeunes musulmans radicalisés ou en voie de radicalisation et provoquer des réactions de rejet au sein de la société française »
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