Quand l’Europe dit stop

Le dernier vote anti-israélien à l’UNESCO a mis en lumière l’opposition déterminée du Vieux Continent face au monde arabe

Une vue du Mur occidental (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Une vue du Mur occidental
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
«Vous demeurerez au-dessus de tous les conflits politiques entre nations », avait déclaré le président de la conférence constitutive de l’UNESCO, lors de son assemblée plénière inaugurale. Un vœu qui n’a jamais semblé aussi naïf qu’aujourd’hui, compte tenu de l’implication de l’organisation onusienne dans le conflit au Proche-Orient. En cet automne 1946, le père fondateur avait toutefois fait preuve d’une certaine lucidité lorsqu’il avait lancé aux diplomates : « Vous êtes les instruments d’une politique commune à toutes les nations associées ici et qui ne peut que les unir encore plus étroitement. »
On ne pourra donc pas reprocher au premier président d’avoir failli à prévoir un scénario comme celui de ce mardi 2 mai 2017. Ce jour-là, les diplomates de l’UNESCO se sont servi du pouvoir qui leur était imparti pour discréditer la vérité établie par les sciences, que cette vénérable agence a pour vocation de cultiver, ainsi qu’un héritage culturel qu’elle est censée défendre. Les pays représentés se sont ainsi donné le mot pour rejeter la souveraineté d’Israël sur Jérusalem, déclarant « nulles et non avenues » les tentatives de l’Etat juif pour « modeler » l’identité de la Ville sainte, et appelant à la cessation des fouilles archéologiques sur certains sites de la capitale. A ce stade, il convient de relever que la plus grande ironie de l’histoire ne réside pas dans la déclaration du père fondateur de l’UNESCO, mais bien plutôt dans l’identité de celui-ci, Léon Blum, juif et sioniste assumé.
L’homme, qui a été chef du gouvernement français à deux reprises en 1936-1937 et en 1938, puis président du gouvernement provisoire peu après la fondation de l’UNESCO, était également membre du comité exécutif de l’Agence juive. Il est notamment l’un de ceux qui, en mai 1948, ont conseillé à David Ben Gourion de proclamer l’indépendance de l’Etat d’Israël. Après le crépuscule de la Shoah, sa double identité de juif et de sioniste n’était en rien un handicap dans son rôle concernant l’UNESCO, bien au contraire. Les objectifs de l’organisation de préserver les sites historiques, de nourrir les institutions culturelles et d’encourager la recherche scientifique ont ainsi été posés par Blum le plus naturellement du monde.
Une vocation mise à mal
Au fil des ans, l’institution a su rester fidèle à sa vocation et s’est imposée dans la défense de la culture, de l’éducation et de la science. Aujourd’hui, cependant, cette crédibilité est mise à mal par la stratégie palestinienne visant à remettre en cause la légitimité d’Israël dans les arènes internationales. Les diplomates algériens, qataris, soudanais et autres, qui ont choisi par leur vote de soutenir cette offensive, en savent sans doute très peu sur Blum. Ce qui est sûr, c’est qu’ils ont transformé son œuvre en champ de tir, et ciblé la raison d’être de l’UNESCO.
Cette résolution n’est pas sortie de nulle part. Elle a emboîté le pas à une première votée l’automne dernier, niant les liens historiques du peuple juif avec le mont du Temple (incluant le Kotel) ; elle n’est par ailleurs que la conséquence de la résolution adoptée en 2011 acceptant la Palestine en tant que membre, en dépit des protestations américaines et israéliennes soulignant qu’une telle reconnaissance devait suivre, et non pas précéder, un accord de paix avec l’Etat juif.
L’UNESCO a déjà payé au prix fort cette mainmise diplomatique entreprise par le monde arabe. Suite à sa résolution controversée d’octobre dernier, les Etats-Unis ont amputé leur contribution annuelle à l’organisation de 22 % (perdant par là même le droit de vote au sein de l’instance). Israël a décidé de suivre cet exemple, et annoncé il y a quelques jours que sa contribution annuelle à l’organisme passerait de 10,7 millions à 2,7 millions de dollars.
Vu à travers le prisme israélien, ce dernier vote offre toutefois quelques motifs de satisfaction. Premièrement, suite aux pressions exercées par Jérusalem – incluant des appels téléphoniques de Netanyahou aux dirigeants de l’Italie, de la Grèce, du Kenya, de l’Ukraine et du Paraguay – le vote anti-israélien à l’UNESCO a connu un certain déclin : 22 Etats ont voté la résolution anti-israélienne contre Israël le 2 mai, alors qu’ils étaient 32 il y a quelques mois (et 26 à l’automne dernier). Deuxièmement, les termes de la nouvelle résolution ont été adoucis, à la faveur des pressions du bloc européen mené par l’Allemagne : dans le texte, la signification du mont du Temple pour le judaïsme n’est plus niée comme dans la précédente résolution.
Cultiver l’ignorance
Ce qu’on retiendra du dernier mouvement de l’UNESCO est donc bien la réaction de l’Europe. En choisissant de faire bloc face à cet assaut contre l’Etat juif, elle a manifesté sa frustration grandissante face au leadership du monde arabe. Il ne s’agissait pas simplement d’exprimer son impatience face à une diplomatie arabe qui a pris l’habitude de s’emparer des forums internationaux pour imposer ses opinions et un boycott débridé à l’égard d’Israël. Il était question de montrer une opposition farouche face à la manière dont les élites du monde arabe gèrent leurs affaires intérieures. Car c’est bien la perte de légitimité politique de ces élites dans les pays qu’elles gouvernent, exprimée notamment par la multiplication des immolations dans l’espace public, qui est à l’origine des multiples guerres civiles ayant entraîné la crise migratoire. Celle-là même qui fragilise les frontières de l’Europe, menaçant sa cohésion, sa stabilité et sa sécurité.
Paradoxalement, les défauts de gestion dans le monde arabe sont précisément ce dont l’UNESCO est censée s’occuper. La situation des sciences, de l’éducation et de la tolérance culturelle à travers le monde arabe est épouvantable, renforcée par des taux d’illettrisme parmi les plus élevés de la planète et une faible productivité scientifique et économique. La peur arabe face aux fouilles menées à Jérusalem est à cet égard éloquente. Elle exprime une crainte face à la science qui a non seulement le pouvoir de révéler certaines vérités, mais également celui d’imposer la méritocratie au détriment de l’aristocratie. Les gouvernements arabes sont au mieux indifférents, au pire, hostiles, à la liberté universitaire et à l’accès à une éducation de qualité. Et pour cause. Une telle diffusion de la connaissance déboucherait sur cette même mobilité sociale qui a renforcé les masses pas seulement en Europe, mais aussi en Turquie, en Chine et au Japon, remettant en question le pouvoir des élites.
Dans ce contexte, la raison d’être même de l’UNESCO menace beaucoup, si ce n’est la plupart, des gouvernements du monde arabe, qui vivent dans la crainte de voir les masses se rebeller. Une peur qui fait écho à celle de l’Europe de voir ces populations migrer toujours plus, avides d’un ailleurs plus clément. Il va donc sans dire que l’offensive à l’UNESCO est à mettre au compte d’un complot d’envergure plus ou moins conscient des élites arabes, pour miner les objectifs fondateurs de l’instance et imposer leurs diktats idéologiques.
Considérant l’attitude de l’Europe, Il y a de bonnes raisons de penser que l’initiative arabe n’a pas eu l’effet escompté. Une sensation encore renforcée par la lettre envoyée la semaine dernière par 100 députés du Congrès américain au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Ces derniers pointent le « ciblage inacceptable d’Israël » par l’ONU, et demandent que l’Etat juif ne soit traité « ni mieux ni plus mal que n’importe quel autre de ses membres ».
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