Un document accablant

Le rapport du contrôleur de l’Etat sur l’opération Bordure protectrice éclabousse un certain nombre de figures politiques et militaires

Des chars israéliens en manoeuvre (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Des chars israéliens en manoeuvre
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
L’opération Bordure protectrice lancée contre le Hamas à Gaza en 2014 a duré 50 jours et entraîné la mort de 74 soldats israéliens, dont beaucoup ont été tués lors d’attaques surprises du Hamas menées grâce à leurs tunnels. 4 251 roquettes au total ont été tirées en territoire israélien par l’organisation terroriste, paralysant le sud du pays, et touchant aussi bien des villes du nord que Tel-Aviv ou Jérusalem.
Le rapport du contrôleur de l’Etat Joseph Shapira publié le 28 février sur la gestion du conflit révèle d’importants échecs. Des révélations qui mettent à mal une partie de l’establishment politique et militaire israélien.
Des tunnels pas suffisamment pris au sérieux
Le document pointe trois principaux écueils, à commencer par la façon dont les responsables israéliens ont appréhendé la menace représentée par les tunnels du Hamas. Il révèle notamment que ce qui avait été défini par le Premier ministre Netanyahou et son ministre de la Défense d’alors Moshé Yaalon comme « la plus importante menace stratégique » quelques mois auparavant, n’a été présenté au cabinet de sécurité que par des « explications générales et limitées, qui ne permettaient pas de prendre toute la mesure de la menace et ont laissé une partie du cabinet dans l’inconscience », mentionne le contrôleur de l’Etat. Un débat aurait dû avoir lieu sur les meilleurs moyens de se débarrasser des tunnels.
Mal informé, le cabinet de sécurité n’a compris le danger représenté par les souterrains seulement quelques jours avant que la guerre n’éclate, note Joseph Shapira. Mais les ministres composant le cabinet ne sont pas en reste. Le rapport regrette leur manque d’intérêt pour la question, et ne comprend pas pourquoi ils n’ont pas demandé à avoir plus d’informations sur le sujet.
Une partie des errements du gouvernement serait imputable à l’establishment militaire lui-même. Ce dernier aurait rechigné à coopérer pleinement avec le conseil national de sécurité, dont le rôle principal est d’informer le cabinet de toutes les questions relatives à un conflit potentiel. Il aurait dû également lancer un débat entre toutes les parties sur les options qui se présentaient alors à Israël. La conclusion du document est formelle : la menace des tunnels a été négligée aussi bien par l’échelon politique, militaire que celui du renseignement. Fait éloquent : les troupes sur le front ont parfois été obligées d’improviser sur le terrain et de trouver des solutions afin de détruire les tunnels, car aucun plan n’avait été prévu en ce sens, relève Shapira.
Les conclusions du rapport menacent directement Benjamin Netanyahou qui voit son image de « Monsieur Sécurité » sérieusement écornée. Idem pour Moshé Yaalon et Benny Gantz qui pourraient voir leurs ambitions politiques remises en question.
Un cabinet de sécurité pas assez consulté
Le rapport met par ailleurs en lumière le fait que la guerre aurait pu être évitée et qu’elle a duré trop longtemps. Il pointe également l’insuffisance de consultation du cabinet de sécurité au niveau stratégique. Celui-ci ne s’est pas non plus souvent réuni pour décider de la politique à mettre en œuvre sur la question de Gaza entre 2013 et 2014.
« Lorsque des réunions étaient organisées sur des questions stratégiques globales, peu d’options étaient présentées au cabinet, qui ne discutait que de l’intensité d’une potentielle action militaire. Il n’a jamais été question des conséquences que l’armée ou les renseignements envisageaient pour l’Etat d’Israël ». Ces rencontres ont d’ailleurs été tellement repoussées que l’armée a été obligée d’établir elle-même ses objectifs stratégiques en amont.
Le contrôleur de l’Etat a ainsi souligné que « des informations importantes quant aux activités hostiles émanant potentiellement de la bande de Gaza, ainsi que le fait que les attaques aériennes n’auraient que peu d’impact dans certains cas, n’ont pas été rapportées aux ministres de façon suffisamment claire avant la guerre ». Des éléments qui étaient pourtant en possession du Premier ministre, du ministre de la Défense, du chef d’état-major et des responsables des agences de renseignements civiles et militaires, note le rapport. Ce qui explique que les membres du cabinet de sécurité n’aient pas été conscients du fait que le Hamas allait réagir plus fortement qu’à l’accoutumée et mener une guerre totale, si Israël venait à faire usage d’une plus grande puissance militaire. Plus perturbant encore, Shapira affirme qu’une meilleure coordination entre le gouvernement, l’armée et les renseignements aurait permis de meilleurs résultats et une guerre moins longue...
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