Hollande en Israël : entre espoir et scepticisme

La visite de François Hollande en Israël annonce un rapprochement économique. Mais le président viendra-t-il à bout des dissonances politiques ?

P8 JFR 370 (photo credit: Reuters)
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C’est confirmé :François Hollande sera reçu à la Knesset et y prononcera un discours. C’esttout d’abord sur fond de querelle que s’est annoncé ce premier voyageprésidentiel en Israël du 17 au 19 novembre prochain. Youli Edelstein,président de la Knesset, a fait savoir que la présence de François Hollande àla Knesset n’était pas souhaitée s’il ne consentait pas à y prononcer undiscours, ce qui semblait devoir être le cas. Beaucoup de bruit pour rien,affirme aujourd’hui le nouvel ambassadeur de France en Israël, PatrickMaisonnave, qui évoque le planning encore flou du chef de l’Etat et lesdifficultés à faire coïncider les agendas respectifs de la Knesset et duprésident. Fi donc des rumeurs, problèmes de susceptibilité et autres querellesde chapelle, soulevés en cette occasion. « Il est naturel pour un chefd’Etat de souhaiter être accueilli à la Knesset, d’autant plus que FrançoisHollande est un parlementaire dans l’âme. Vouloir s’y rendre est un gestepolitique fort qui exprime son amitié », veut rassurer le diplomate.Pourquoi qvoir hésité à s’exprimer devant les députés israéliens ? Ledirigeant français craignait peut-être de froisser son électorat par unedéclaration d’amitié trop appuyée en cette enceinte.

Beaucoupd’économie…

C’est avant toutle domaine économique qui devrait tenir une place de choix dans la visite duprésident, attendu aux Journées de l’innovation qui se tiendront les 17 et18 novembre à Tel-Aviv. Plusieurs grands patrons français seront du voyageprésidentiel : Guillaume Pepy, président de la SNCF et d’Eurostar estd’ores et déjà annoncé, ainsi que plus d’une centaine d’entrepreneurs français,décidés à se rendre dans la « Nation start-up ». Des contratsdevraient être finalisés et officialisés notamment avec Alstom qui vient deremporter un appel d’offres de plus de 300 millions d’euros pour remettreà niveau les wagons des trains israéliens. Le géant français incube déjàplusieurs start-up d’énergies propres locales via une société de financementbaptisée Horizon, dont il est l’actionnaire majoritaire. Par ailleurs Alstom adéjà signé au printemps dernier un contrat EPC (ingénierie, approvisionnementet construction) d’une valeur d’environ 500 millions d’euros avec legroupe israélien Dalia Power Energies pour la construction d’une des plusimportantes centrales électriques privées du pays.

Ce voyageofficiel sera également l’occasion de lancer le fond d’investissement« Parrainer la croissance ». Composé d’investisseurs français dontl’objectif est de transposer en France le modèle créateur de richessesisraélien et servir de potentiel de croissance économique dans l’Hexagone.Israël est un berceau de technologies de plus en plus recherché par lesEuropéens, en passe de devenir un incontournable rendez-vous pour toute économiesoucieuse de se maintenir à flot. Le pays compte davantage de sociétés cotéesau Nasdaq, la Mecque du high-tech, que tout le Vieux Continent réuni. Voilà quiexplique la nécessité pour Paris de lorgner de plus en plus avec envie vers cepetit pays qu’il fustige si souvent par ailleurs. Rien de surprenant non plusquand on connaît l’essoufflement de la France dont l’investissement en capitalà risque n’est que de 7 %, alors qu’il caracole autour des 164 % dansl’Etat juif. Par ailleurs, l’Hexagone investit peu en Israël et sesexportations y sont faibles : l’économie française n’y représente que2,9 % de parts de marché.

… et de lapolitique malgré tout

Le ministre del’Economie Pierre Moscovici avait déjà appelé au développement d’un dispositifd’échanges croisés entre les deux pays, lors d’un discours prononcé à laChambre de commerce Israël-France (CCFI) en avril 2013 et encouragé lesentreprises françaises à lutter contre leur fâcheuse tendance à se priver dumarché israélien, par crainte des retombées négatives sur le volume desactivités avec les autres pays de la région en cas de partenariat économiqueavec l’Etat hébreu. La France a en effet longtemps privilégié le rapprochementavec les Etats arabes du bassin méditerranéen, au détriment des Israéliens.Mais aujourd’hui, la stabilité d’Israël est perçue comme nécessaire àl’équilibre régional par l’Arabie Saoudite aussi bien que les pays du Golfe. Dansce contexte, la nouvelle convergence de vues entre Paris et Ryad sur les deuxcrises majeures qui secouent le Proche-Orient, à savoir la Syrie et lenucléaire iranien, ainsi que sur le désir de contrer l’influence chiite,devrait augurer d’un rapprochement Paris-Jérusalem. De fait, Français etSaoudiens sont d’accord pour s’opposer catégoriquement à un Téhéran nucléaire.Le rôle de la France, salué par les uns et décrié par les autres, est enquestion après l’échec des négociations de Genève sur le nucléaire iranien.Echec en partie provoqué après qu’elle ait dénoncé le réacteur à eau lourde àArak qui doit entrer en service l’été prochain. L’occasion pour la Républiqueislamiste d’accuser la France de défendre les positions de Jérusalem. « Lasécurité d’Israël est cardinale pour la France », martèle PatrickMaisonnave. Reste que les incontournables divergences sur le dossierisraélo-palestinien ne devraient pas manquer de souffler le chaud et le froidentre le président Hollande et le Premier ministre Binyamin Netanyahou.D’autant plus que la France soutient les décisions de l’Union européenneconcernant l’étiquetage des produits en provenance de Judée-Samarie ainsi quesa décision d’exclure les territoires disputés de sa coopération avec Israël àpartir de 2014. Rendez-vous le 17 novembre.