« Des ouvertures au plus haut niveau »

D’origine française, le jeune député Yoni Chetboun vient de créer le lobby francophone de la Knesset pour remédier aux difficultés de l’Aliya hexagonale. Entretien

P17 JFR 150 (photo credit: DR)
P17 JFR 150
(photo credit: DR)

Jerusalem Post :  Vous vous étiez engagé à créer ce lobby, et vous avez tenu parole puisqu’il a vu le jour le 16 janvier. C’est de bon augure. Y a-t-il déjà de bonnes nouvelles à annoncer ?

Yoni Chetboun
 : La bonne nouvelle c’est que l’Aliya de France est en vogue et qu’il y a un vrai désir à tous les niveaux de la favoriser et de conjuguer nos efforts pour faciliter l’intégration des Olim. Tous les ministères ont pris conscience de l’urgence qu’il y a à faire avancer ce dossier de l’Aliya francophone. De plus, la mise en place du lobby parlementaire pour les francophones est une première à la Knesset et nous avons aujourd’hui beaucoup plus de champs d’action. Il y a actuellement des ouvertures au plus haut niveau et il faut en profiter.
Des travaux sont-ils déjà en cours ?
Oui. Nous travaillons sur de nombreuses initiatives qui ont pour but d’améliorer l’intégration des nouveaux immigrants francophones. Nous travaillons en partenariat avec une commission interministérielle qui réunit tous les ministères concernés par la Aliya. Cette dernière s’est déjà penchée sur la question et devrait rendre très prochainement ses conclusions. Cela devrait se concrétiser par des lois que nous ferons en sorte de promouvoir en tant que lobby parlementaire pour les francophones d’Israël.
D’autre part, nous nous penchons sur de nombreux sujets susceptibles d’améliorer l’Aliya de France. Par exemple, nous avons initié une réunion spéciale au comité parlementaire responsable de l’Aliya concernant le service militaire des nouveaux Olim. Tsahal incorpore seulement les jeunes qui ont fait d’abord un an d’intégration ou un an de programme Massa. Nous souhaitons que cette année de préparation soit déduite du service militaire pour le ramener à 1 an et demi pour les jeunes olim. Le ministère de la Défense semble plutôt bien disposé à prendre cette mesure et le Premier ministre Binyamin Netanyahou en personne s’est dit sensible au problème.
Quel est votre premier cheval de bataille ?
C’est l’éducation. Beaucoup d’Olim font leur Aliya pour leurs enfants, pour leur assurer un avenir. Quelle école choisir pour son enfant ? Faut-il les scolariser avec les Israéliens et mettre en place des soutiens scolaires ? Ou bien faut-il créer des classes spécialement adaptées dans un premier temps jusqu’à ce qu’ils aient rattrapé le niveau ? Ce sont des questions auxquelles il faudra répondre.
On a beaucoup entendu parler d’une reconnaissance des diplômes. Où en est-on aujourd’hui ?
Pour ce qui est de la reconnaissance des diplômes, nous devrions avoir des réponses assez rapidement. Les différents ministères y travaillent, le Premier ministre y est également favorable et nous travaillons sur des lois adaptées à ce problème. Dans le domaine médical, le ministère de la Santé ne veut pas faire de tort aux jeunes diplômés israéliens. Au jour d’aujourd’hui, pour les généralistes, ça va assez vite. Mais bien il y a bien une pénurie de médecins en Israël en ce qui concerne les spécialistes. Cela pose beaucoup de problèmes et c’est un parcours du combattant. Il faut que les nouveaux arrivants maîtrisent l’hébreu, passent devant des commissions, refassent des gardes, des stages etc. Et, à un certain âge, quand on a des années de pratique derrière soi, c’est difficile.
Beaucoup se découragent et rentrent en France. Nous allons tenter notre possible pour les gynécologues et dentistes. Un amendement à la loi sur la reconnaissance des diplômes des professions de santé qui concerne les paramédicaux français (orthophonistes, audiologues, kinésithérapeutes et podologues), a été déposé à la Knesset par le député Shimon Ohayon (Likoud Beiteinou). Les cursus sont les mêmes, mais les diplômes français ne sont pas des Licences ou des Masters. La correction de la loi devrait permettre aux professionnels du paramédical titulaires d’un diplôme d’Etat ayant travaillé au moins 5 ans en France d’obtenir une équivalence automatique en Israël. Pour autant, tous les diplômes ne peuvent pas être concernés. Beaucoup de BTS ne sont pas forcément compatibles, par exemple. Et il faut répartir nos efforts sur plusieurs fronts, car tous les olim ne sont pas médecins.
Comment allez-vous travailler concrètement ?
Le lobby parlementaire francophone travaille sur plusieurs propositions de loi et autres initiatives. Mais agir sur le plan législatif n’est pas le seul combat que nous menons, car il y a des avancées qui se font en coulisses avec des aménagements apportés à des lois déjà existantes. En marge des initiatives parlementaires, nous allons travailler avec les associations et les représentants communautaires, organisés sous forme de comités, et nous attendons beaucoup des réunions de travail que nous allons mener sur le terrain, en concertation avec toutes les parties.
Qu’espérez-vous de ces comités et comment vont-ils fonctionner ?
Ces comités de travail sont mis en place selon des catégories précises, qui feront le lien entre la communauté francophone sur le terrain et notre action à la Knesset. Ils seront chargés de vérifier la situation sur le terrain et de proposer des solutions effectives afin que les députés membres de ce lobby puissent agir de façon efficace sur la scène parlementaire. Composés de membres et responsables de nos communautés et ouvert aux associations, ils sont invités à prendre part à cette initiative et à être actifs afin que les choses bougent.
Il y a 5 comités pour 5 grands domaines : intégration au niveau familial et communautaire, intégration au niveau de l’emploi (reconnaissance des diplômes, stages, Oulpan professionnel), intégration pour les jeunes (service militaire, études supérieures, service civil), et enfin soutien aux personnes âgées, et aide aux familles en difficulté.
Des réunions seront fixées de façon ponctuelle dans tout le pays et traiteront de sujets bien précis afin d’arriver à des conclusions effectives et des solutions adaptées. La première réunion aura lieu le mercredi 19 février à la Knesset et portera sur l’intégration au niveau familial et communautaire. Nous y traiterons particulièrement des problèmes liés à l’intégration des élèves nouveaux immigrants dans le système scolaire israélien (qu’il s’agisse de structures religieuses, laïques ou orthodoxes). Vu qu’il s’agit d’une réunion de travail, nous attendons de chacun qu’il prépare le sujet en vérifiant quels sont les problèmes majeurs liés à ce domaine, ainsi que les dispositions existantes dans sa localité. Car des solutions existent parfois déjà sur le terrain. Par exemple, si à Ashdod quelque chose qui fonctionne a été mis en place, il faut faire en sorte de porter cet acquis au niveau national. Pour cela il faut se concerter et faire circuler l’information. D’où l’intérêt de faire participer les associations au travail et de mettre en place ces comités.
Avez-vous un regret ?
Je pense que l’Aliya de France aurait dû être représentée il y a déjà de nombreuses années. Le fait que l’on traite de ce sujet si important est évidemment une chose positive, mais je pense sincèrement que beaucoup de problèmes et difficultés auraient pu être résolus il y a bien longtemps. 
Propos recueillis par Kathie Kriegel