Un pied dans le monde du travail israélien

Iona Choloniewski et Thierry Tordjman presentent "Stagerim", un organisme qui permet à des étudiants et jeunes diplômés français d'effectuer des stages en Israel

experience israelienne (photo credit: DR)
experience israelienne
(photo credit: DR)
 Quels sont les atouts majeurs du programme Stagerim ?
La France est l’un des seuls pays où le système d’études impose des stages aux étudiants pour valider leurs diplômes. Stagerim permet à ces étudiants , et également  aux jeunes diplomés d’effectuer un stage de 5 à 10 mois en Israël, au sein d’entreprises performantes soigneusement sélectionnées. L’occasion pour eux de mettre un pied dans le monde du travail israélien et d’avoir une approche concrète des réalités et de la mentalité du pays. A eux par la suite de décider si cela leur convient et s’ils souhaitent construire leur vie professionnelle ici.
« L’expérience israélienne » qui est l’instigatrice du programme Stagerim, est une filiale de l’Agence juive et bénéficie donc d’un soutien gouvernemental et de larges subventions.; le stagiaire est ainsi encadré sur le plan légal et juridique, et bénéficie en outre d’une bourse attribuée par « Massa ». Il faut également préciser que ces jeunes sont soutenus et épaulés à chaque étape de leur séjour par des membres de notre équipe.
Par ailleurs, le programme comprend également des heures d’oulpan et des excursions dans tout le pays.
 Quel est l’intérêt pour les jeunes diplômés de haut niveau d’effectuer leur stage en Israël ?
Beaucoup d’étudiants français craignent aujourd’hui pour leur avenir professionnel : l’économie dans l’Hexagone est perçue comme bancale, et le marché du travail ne leur offre aucune perspective attrayante. A l’inverse, le secteur de l’emploi en Israël est extrêmement dynamique et ouvert. Le très faible taux de chômage chez les jeunes (5 %), en est l’illustration flagrante.
Parallèlement, le regard de ces jeunes sur Israël a complètement évolué : il y a encore quelques années, le pays apparaissait comme un acteur mineur sur le plan économique mondial, alors qu’aujourd’hui c’est la « nation start-up » par excellence, l’endroit où il faut travailler. Désormais, les étudiants issus des plus grandes écoles se tournent vers nous pour effectuer un stage, qui se déroule bien souvent dans des entreprises prestigieuses de renommée internationale.
Autre atout d’Israël : sa petite taille. Il y a en effet peu de chances pour qu’un stagiaire voie sa candidature retenue chez Google ou HP s’il postule à Paris ou New York. Tandis qu’ici ces mêmes entreprises sont beaucoup plus accessibles et restent à taille humaine, tout en étant parfois plus performantes qu’ailleurs. C’est donc une véritable aubaine pour ces jeunes.
 Peut-on parler de stages « à l’israélienne » ?
Oui, il faut souligner la culture d’entreprise particulière qui existe ici. L’atmosphère est souvent conviviale et on ne s’encombre pas d’un formalisme inutile : le T-shirt et le jean sont l’uniforme de travail le plus répandu, et le bureau du grand patron n’est jamais très loin du vôtre. Pas de hiérarchie superflue, toutes les voix pèsent lors des réunions, ce qui compte vraiment ce sont les performances et les idées… D’ailleurs, ces sociétés oublient vite le nom de l’école dont le stagiaire est issu, cela n’est pas si important : le jeune est jugé sur son travail et ce qu’il apporte effectivement à l’entreprise.
Ce qui est vraiment intéressant pour le stagiaire en Israël, c’est le contenu du stage en lui-même. Ici, le « stage café-photocopies » n’existe pas ! L’étudiant est très vite considéré comme un membre à part entière de l’équipe, et se voit confier de véritables responsabilités, parfois même trop, aux dires de certains d’entre eux. Les opportunités offertes sont donc beaucoup plus larges que lors d’un stage classique, on peut vraiment parler d’une première expérience professionnelle pour le jeune.
 Un stage constitue-t-il un sésame pour décrocher un emploi ?
Les étudiants qui ont pour projet de vivre en Israël doivent savoir qu’ici, les réseaux professionnels sont indispensables : il est presque impossible de trouver un emploi hautement qualifié dans l’entreprise que l’on convoite, si l’on n’a pas au préalable tissé des liens avec des personnes susceptibles de faire valoir notre candidature. Aujourd’hui, près de 70 % des salariés disent avoir décroché leur poste grâce à leur réseau professionnel. En un mot : il faut se faire connaître ! C’est là qu’une première expérience professionnelle fait souvent la différence. Alors quoi de mieux que d’effectuer un stage souvent imposé sous le soleil d’Israël, à quelques minutes de la plage ? Autant joindre l’utile à l’agréable !
Bien sûr, il ne faut pas se leurrer, la rémunération des stagiaires est généralement faible par rapport aux responsabilités qu’ils assument, mais nous les encourageons à envisager cette expérience très riche comme un jalon précieux dans leur parcours professionnel. Sans compter que beaucoup de ces stages débouchent sur une embauche pour les jeunes qui décident par la suite de faire leur aliya.
 Quels sont les secteurs les plus prisés ?
Nos entreprises partenaires se retrouvent dans différents secteurs d’activité, même si les offres de stage et la demande concernent très largement le domaine du high-tech, puisque nos étudiants viennent le plus souvent d’écoles d’ingénieurs. Nous travaillons aujourd’hui avec 900 entreprises environ, israéliennes, françaises ou américaines, situées pour la plupart dans la région de Tel-Aviv et du Sharon. Cela représente plus de 1 700 offres de stage et ce nombre augmente toutes les semaines. Lors de la grande soirée organisée au mois d’août dernier pour fêter les 10 ans de Stagerim, nous avons choisi de récompenser 5 entreprises très actives à nos côtés : HP, i24news, SciVac, Signals group et JVP.
L’une de nos tâches consiste à effectuer un travail de fond auprès des entreprises israéliennes pour faire connaître et promouvoir les grandes écoles françaises. Celles-ci sont encore trop méconnues ou dévaluées. L’Ecole Polytechnique ou HEC par exemple n’évoquent pas grand-chose aux recruteurs israéliens, alors qu’ils vont s’enthousiasmer pour un étudiant sorti d’une université américaine très moyenne uniquement parce qu’elle porte le label américain…
 Comment est perçu le stagiaire français ?
Très bien. Les entrepreneurs israéliens apprécient énormément les compétences et la grande motivation des stagiaires français. Par ailleurs, beaucoup de ces sociétés cherchent à s’ouvrir au marché européen, et considèrent la maîtrise du français et la mentalité européenne comme de véritables atouts dans ce sens.
Ceci dit, la plupart des employeurs soulignent une lacune bien particulière à ces étudiants : leur piètre maîtrise des langues étrangères. Ils regrettent le mauvais niveau d’anglais des jeunes, et leur désintérêt pour l’hébreu. Un patron de société nous a dit un jour : « Si les Français savaient aussi bien communiquer qu’ils savent travailler, ce serait super ! »
Nous faisons le même constat du côté de Stagerim : les Français négligent malheureusement l’apprentissage de l’hébreu, cela ne leur paraît pas si prioritaire que cela. Bien sûr, ils finissent par se rendre compte de leur erreur tôt ou tard, mais que de temps perdu jusque-là !
 Les ingénieurs français se spécialisent très tard, dans les deux dernières années de leur formation, tandis qu’aux Etats-Unis ou en Israël, les étudiants bénéficient d’un apprentissage spécifique très ciblé dès le début de leur cursus. Cette spécificité des étudiants et des jeunes diplômés français déroute parfois les israéliens. Cependant, beaucoup d’entre eux ne tardent pas à considérer cette polyvalence comme un avantage au niveau des compétences.
 Le but affiché du programme est-il de pousser ces jeunes à faire leur aliya ?
Nous ne mettons aucune pression sur nos stagiaires par rapport à l’aliya. C’est un aspect essentiel dans notre démarche. Certes, notre programme est coordonné par l’Agence juive, mais notre but n’est pas là. Nous fournissons juste les outils pour un choix éclairé. Nous abordons Israël sous l’angle de son dynamisme économique, et non sous l’aspect religieux ou idéologique, même si les excursions proposées sont évidemment souvent en lien avec les racines et le patrimoine juifs. Chacun est libre de se faire sa propre idée du pays, et de s’y installer ou pas. Ceci dit, ils sont quand même près de 70 % à faire leur aliya après avoir suivi le programme.
Voir un étudiant revenir par la suite et décider d’avoir une part active dans la vie du pays est toujours une très bonne nouvelle, mais, dans le cas contraire, nous espérons au moins contribuer à faire de ces étudiants de bons ambassadeurs d’Israël, en France et à l’étranger.
 Vous proposez également un programme de stages plus courts pendant l’été. Comment s’est passée la dernière session avec la situation sécuritaire ?
La guerre a débuté le lendemain de leur arrivée. Nous appréhendions évidemment pour la bonne marche du programme, d’autant plus que ces stagiaires de courte durée sont plus jeunes et affichent un profil généralement moins « sioniste » que les autres. Nous avons assuré leur sécurité, et les avons entourés autant que possible, mais nous ne savions pas du tout comment ils allaient réagir au final. Et contre toute attente, sur 54 étudiants français, une seule est partie avant la fin du programme, alors que par comparaison, 20 % des Américains sont rentrés chez eux.
Ces jeunes nous ont dit pour la plupart qu’ils se sentaient au contraire le devoir de rester. Ils ont d’ailleurs souvent dû batailler avec leurs parents qui étaient extrêmement anxieux face aux événements. Il faut dire que malgré la situation, ils ont tous ressenti un fort sentiment de sécurité qu’ils ne connaissent plus en France : ils étaient très étonnés de pouvoir se promener tranquillement dans les rues de Jérusalem ou Tel-Aviv jusqu’à une heure tardive…
Ces étudiants ont été également très touchés par l’élan de solidarité qui a imprégné le pays durant les semaines de conflit. Ils ont eux-mêmes participé avec beaucoup d’enthousiasme à de nombreuses actions de bénévolat. Nous sommes persuadés que le fait d’avoir vécu cette situation difficile de l’intérieur les a paradoxalement encore plus attachés au pays. 
www.stageisrael.org/
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