Le gouvernement autorise la libération de 104 détenus palestiniens

La mesure, destinée à encourager la reprise des pourparlers, suscite une grande opposition

P4 JFR 370 (photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)
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Une décisioncontestée. Dimanche 28 juillet, le gouvernement a voté à 13 voix contre 7 pourlibérer 104 prisonniers palestiniens sur les 9 mois à venir. Un geste considérécomme un gage de bonne volonté alors que les pourparlers israélo-palestiniensreprennent cette semaine. Dimanche soir, la ministre de la Justice Tzipi Livni,qui dirige l’équipe de négociateurs israéliens, et Itzhak Molcho, envoyéspécial du Premier ministre Binyamin Netanyahou, ont pris l’avion pourWashington. Ils devaient rencontrer les deux négociateurs en chef palestiniens,Saeb Erekat et Mohammad Shtayyeh, dès lundi matin pour une première réunioninformelle à la résidence du secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Lesnégociations officielles devaient débuter mardi. Selon un communiqué dudépartement d’Etat, ces premières réunions doivent « permettre de développer unplan de travail pour que les parties puissent procéder aux négociations dansles mois à venir ».

« Une décision qui brise le cœur » 
L’atmosphère était lourde dimanche matin,alors que les ministres étaient appelés à voter sur la libération des détenuspalestiniens. Il aura fallu près de 6 heures d’un débat agité pour parvenir àun accord.
Une commission ministérielle devra à présent décider de l’identité de ces 104prisonniers, ainsi que de la date de leur libération. Les détenus concernéssont tous incarcérés pour des attaques commises avant les accords d’Oslo en1993. Ils seront libérés en 4 étapes. Selon des sources officielles, l’objectifest de s’assurer que les Palestiniens tiendront leur engagement, durant les 9mois de pourparlers, de ne pas lancer d’action unilatérale contre Israël àl’Onu ou devant une autre institution internationale et de ne pas quitter latable des négociations.
La veille du conseil, Netanyahou s’est entretenu avec ses ministres afin des’assurer du passage de la mesure. Dimanche matin, il a néanmoins déclaré qu’ilétait inutile de lui rappeler la difficulté et la douleur que représentait lalibération de Palestiniens « avec du sang sur les mains ». « Je voudrais vousrappeler mon histoire personnelle », a dit le Premier ministre. « Mon frère aété tué alors qu’il commandait une opération destinée à libérer des otagesdétenus comme monnaie d’échange pour faire libérer des terroristes », a-t-ilcontinué en faisant allusion à Yoni, Yonathan Netanyahou, tué en juin 1976 pendantle raid d’Entebbe. « J’ai moi-même été blessé pendant le raid sur l’avionSabena, qui a été détourné en 1972 afin de faire libérer des terroristes. Je merappelle avoir pénétré dans l’avion alors que les balles sifflaient autour demoi. J’ai capturé Theresa Halsa. 7 ans plus tard, elle a été relâchée sousMenahem Begin, lors d’un accord qui a libéré des terroristes. » Netanyahou n’apas été le seul à donner un tour personnel au vote. Le ministre de l’Energie etde l’Eau Silvan Shalom avait les larmes aux yeux en expliquant pourquoi ils’abstiendrait : son père, le directeur d’une banque à Beersheva, a été tuélors d’une attaque à main armée alors que Shalom n’avait que 6 ans, le marquantà jamais du sceau du deuil. La ministre des Sports et de la Culture, LimorLivnat, qui s’est également abstenue, a évoqué quant à elle son neveu, tué il ya 2 ans lors d’une attaque terroriste.
Le ministre des Sciences et de la Technologie Yaakov Peri, ancien directeur duShin Bet, a déclaré que « pour avoir été chargé de rechercher et d’arrêter ungrand nombre de ces meurtriers, cette décision terrible me brise le cœur. C’estune tragédie pour les parents des victimes. Mais ne pas retourner à la tabledes négociations serait pire encore ».
Peri fera partie de la commission parlementaire en charge de la libération desdétenus, aux côtés de Netanyahou, Livni et des ministres de la Défense et de laSécurité publique Moshé Yaalon et Itzhak Aharonovitch. Parmi les incarcérés, lesort de 15 Arabes israéliens, détenus pour des attaques antérieures aux accordsd’Oslo, devra néanmoins retourner en conseil des ministres pour approbation.
« Une centaine de terroristes en échange d’un “processus” » 
Chacun des élus apu s’exprimer au cours de la réunion. Le Premier ministre a ouvert ladiscussion en déclarant que c’était un « moment difficile » pour lui. « C’estun moment difficile pour nous tous, en particulier pour les familles avec quije compatis », a poursuivi Bibi. « Mais il existe des moments où de péniblesdécisions doivent être prises pour le bien du pays et nous vivons un de cesmoments. La reprise du processus diplomatique est importante pour l’Etatd’Israël, d’une part pour tenter de mettre fin au conflit, et d’autre part, enraison de la réalité complexe de notre région, en particulier les défis quereprésentent aujourd’hui la Syrie et l’Iran ». Netanyahou a ajouté qu’essayerde remédier à la mauvaise image d’Israël sur la scène internationaleconstituait une troisième raison pour s’engager dans les négociations.
Naftali Bennett, chef de HaBayit HaYehoudi et ministre de l’Economie et duCommerce, était le principal opposant à la mesure. Il a qualifié la libérationdes détenus de « pente dangereuse ». « Nous avons commencé par relâcher unterroriste en échange d’un soldat, puis nous avons relâché des centaines deterroristes pour un soldat, et ensuite nous avons relâché des centaines deterroristes pour un soldat mort. Aujourd’hui, nous relâchons une centaine deterroristes en échange d’un “processus” », s’est indigné l’élu. « Le messageque nous faisons passer, c’est que pour nous, tout est négociable ».
Selon un des ministres, la prise de parole la plus éloquente a été celle duministre de l’Intérieur Guideon Saar, avant le début du conseil. Lui qui nes’était pas clairement positionné dans le débat jusque-là, a déclaré qu’ilserait « facile et populaire de voter contre cette mesure. Mais que sepasserait-il si chacun d’entre nous, ou même la moitié des ministres, faisaitainsi ? Un vote négatif indiquerait qu’Israël s’oppose à l’accord passé entrele Premier ministre et le secrétaire d’Etat américain. Il n’y aurait pas denégociations et Israël serait montré du doigt, même par ses meilleurs amis ».Et le ministre d’ajouter que dire de la position israélienne sur la scèneinternationale à l’heure actuelle qu’elle est « difficile » serait uneuphémisme, et que cette libération de prisonniers devait être perçue dans leplus large contexte des négociations et de l’image de l’Etat hébreu.
En plus de Saar, Netanyahou a également reçu l’appui d’Avigdor Liberman. Leprésident d’Israël Beiteinou, qui ne siège pas dans l’actuel gouvernement, apermis aux 4 ministres de son parti de voter selon leur conscience (voirencadré ci-contre).
Avant la tenue du vote à main levée, le directeur du Shin Bet, Yoram Cohen, estvenu briefer les ministres sur les conséquences sécuritaires de la libération.Si relâcher des terroristes en liberté représente une menace immédiate pour lasécurité du pays, la relance des négociations avec les Palestiniens signifieégalement une accalmie sur le terrain, a expliqué Cohen. Avant de souligner lesrisques de récidive. « Les chances qu’ils recommencent sont assez élevées. Avecle temps, ils se relanceront dans le terrorisme ».
Le ministre de la Défense Moshé Yaalon a expliqué qu’il voterait en faveur dela mesure « le cœur lourd », ajoutant qu’il s’opposait à la libération desdétenus Arabes israéliens parmi les terroristes. « On paye le prix fort enrelâchant des terroristes, d’un point de vue légal et judiciaire, mais aussi dupoint de vue de l’effet de dissuasion. J’aurais aimé que nous n’ayons pas àaffronter un tel dilemme, mais, dans la situation actuelle, ne pas entrer enpourparlers aurait également un prix très lourd ».
« Un grand succès » 
L’Autorité palestinienne s’est félicitée de la décisionisraélienne et a fait vœu de continuer à œuvrer pour la libération de tous lesdétenus palestiniens, qualifiés de « prisonniers politiques ». Saluant ladécision, Erekat a néanmoins déclaré qu’elle survenait 14 ans trop tard. « Nouscontinuerons à œuvrer à la libération de tous nos prisonniers politiques »,a-t-il déclaré. « La décision du gouvernement israélien ne fait qu’appliquertardivement une clause de l’accord de Sharm el-Sheikh en 1999, où Israël s’étaitengagé à libérer tous les détenus d’avant-Oslo ».
Et d’appeler l’Etat hébreu à saisir la reprise des négociations comme uneopportunité pour « mettre un terme à des années d’occupation et d’exil etentamer une nouvelle ère de justice, de liberté et de paix pour Israël, laPalestine et le reste de la région ». Le ministre des Prisonniers palestiniens,Issa Qaraqui, a quant à lui salué la décision israélienne comme « un grandsuccès qui consolide une paix juste dans la région ». Et ajouté qu’ils’agissait d’« un pas vers la libération de tous les prisonniers palestiniens».