Prudence est mère de sûreté

Le conflit à Gaza provoque la colère arabe, mais ne dégénérera pas en guerre générale.

An Israeli air strike in the Gaza Strip 370 (R) (photo credit: Suhaib Salem / Reuters)
An Israeli air strike in the Gaza Strip 370 (R)
(photo credit: Suhaib Salem / Reuters)

LONDRES (Reuters)- Si l’attaque d’Israël sur Gaza allume des étincelles dans un Moyen-Orientdéjà très combustible, il est peu probable qu’elle déclenche une guerred’envergure ou scelle la fin du traité de 1979 de paix entre l’Etat juif etl’Egypte.

Le Hamas, petit héritier des Frères musulmans égyptiens, a repris du poil de labête ces dernières semaines. Et ce, suite à une visite à Gaza de l’émir duQatar, qui a fait naître la conviction trompeuse qu’Israël ne se risquerait pasà une forte action militaire contre les islamistes au pouvoir en Egypte.
Quant au président égyptien, il a enjoint Washington à contenir les offensives“inacceptables” de l’Etat juif. Mais Mohamed Morsi se retrouve face à une pressionpopulaire qui lui en demande plus.
Pour autant, larguer par-dessus bord le traité de paix représente des risquesgraves pour un pays toujours dans le tumulte, après la révolte l’an derniercontre un Hosni Moubarak qui l’avait préservé 30 ans durant.
Au cours d’appels téléphoniques avec Morsi et le Premier ministre BinyaminNetanyahou mercredi (14 novembre), le président américain Barack Obama asimplement rappelé le droit d’Israël à la légitime défense et n’a fait aucuneallusion à une éventuelle action en faveur de la paix avec les Palestiniens.
Le Caire reçoit 1,3 milliard de dollars d’aide militaire de Washington par anet attend de lui un coup de pouce à son économie chancelante. C’est pourquoiMorsi fait profil bas, malgré son besoin de montrer aux Egyptiens que sapolitique diffère de celle de son prédécesseur pro-américain.
“Morsi est contraint de tendre la main à la communauté internationale,l’équilibre des forces dans la région penchant du côté d’Israël”, a déclaréNabil Abdel Fattah, du Centre cairote Ahram d’études politiques etstratégiques.
“Les pays arabes restent militairement et diplomatiquement trop faibles pouroser de vraies représailles contre une telle agression”, poursuit Fattah.
Balayer devant sa porte 
Obama a d’autres casse-tête régionaux à régler alorsqu’il entame son second mandat, du conflit nucléaire avec l’Iran àl’instabilité en Irak, en passant par la geurre civile en Syrie, source detensions violentes aux frontières avec la Turquie, le Liban, l’Irak, laJordanie et Israël.
La lutte en Syrie entre les rebelles majoritairement sunnites et les partisansalaouites du président Bachar a dressé les Etats dirigés par les Sunnites faceà l’Iran chiite, le plus proche allié d’Assad. C’est ainsi que le Hamas s’estbrouillé avec certains de ses anciens amis. Le Mouvement islamiste sunniteavait rejoint le Hezbollah libanais chiite, l’Iran et la Syrie dans le fameux“axe de résistance” face à Israël et aux Etats-Unis. Mais la répressionsanglante d’Assad sur ses opposants l’a incité à rompre les liens avec Damas endébut d’année.
La frustration refoulée, qui a éclaté au grand jour dans les soulèvementsarabes l’an dernier, a renversé quatre dirigeants bien enracinés. L’agitationpopulaire a gagné la Jordanie, le Koweït et le Bahreïn la semaine dernière.
Les dirigeants arabes, survivants autocrates ou nouvellement installés par lavoie des urnes, doivent prêter plus d’attention aux sentiments de leurscitoyens, pour la plupart remplis d’empathie pour leurs frères palestiniens.
Pourtant, s’il a une fois encore enflammé le courroux arabe, le dernier effortd’Israël pour empêcher les tirs de roquettes des terroristes de la bande deGaza pourrait bien se dérouler sans intervention armée des autres ennemisd’Israël comme l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.
Timur Goksel, ancien conseiller onusien du maintien de la paix au Liban, adéclaré qu’il ne s’attendait pas à une expansion régionale du conflit, hormisdes condamnations vigoureuses des dirigeants arabes.
“Tout pourrait dégénérer seulement si Israël choisissait de passer à l’étapesuivante [à Gaza].
C’est la décision d’Israël et elle n’est pas aisée à deviner, compte tenu desprochaines élections làbas”, a-t-il affirmé. “Si les événements restent enl’état, ils s’atténueront d’eux-mêmes.”
L’armée israélienne est un élément dissuasif de taille pour n’importe queladversaire, même aussi aguerri que le Hezbollah.
Le puissant mouvement chiite a combattu Israël jusqu’à ce que ce dernier seretire du Liban en 2006, mais s’est fait discret lors de la dernière offensiveisraélienne sur Gaza en 2008-09 et devrait s’abstenir de déclencher une autreguerre dévastatrice en tirant des roquettes à la frontière Nord.
L’Iran non arabe, saigné par les sanctions occidentales, affronte déjà des menacesisraéliennes d’attaque sur ses installations nucléaires et ne semble pasvouloir se plonger dans un conflit tous azimuts au nom de Gaza.
La Syrie est préoccupée par sa propre agonie et n’est pas en mesure de s’enprendre à Israël.
Pourtant, des échanges de tirs ont eu lieu cette semaine, perturbant desdécennies de calme à la frontière du Golan, et alimentant les spéculationsselon lesquelles Assad chercherait à provoquer l’Etat juif, pour fairediversion quant à son propre sort.
La confrontation à Gaza pourrait brièvement détourner l’attention desévénements en Syrie, sans avoir de grande incidence sur le conflit là-bas,selon le commentateur basé à Beyrouth Rami Khouri, qui a déclaré que le conflitisraélo-Hamas avait sa propre dynamique récurrente.
“La nouvelle flambée de violence n’est pas surprenante, vu la stratégie derésistance de plusieurs groupes qui prennent Israël pour cible en réponse aublocus”, a-t-il déclaré, se référant aux restrictions israéliennes surl’enclave de Gaza. “Cela n’est pas surprenant car la situation là-bas n’est pasviable sur le long terme”.
Pour beaucoup d’Israéliens, elle n’est pas viable non plus.
Pendant le cycle de violence et de vengeance, près de 800 roquettes ont frappéle sud d’Israël cette année, pressant Netanyahou de répliquer.
“Aujourd’hui, nous avons transmis un message clair au Hamas et aux autresorganisations terroristes”, a déclaré Netanyahou mercredi, ajoutant qu’Israëlélargirait l’offensive si nécessaire.