L'Andalousie séfarade, sur le chemin du retour

Carnets de voyage d’une région d’Espagne qui cultive jalousement son patrimoine juif

L'Andalousie séfarade, sur le chemin du retour (photo credit: TRINIDAD BLANCO)
L'Andalousie séfarade, sur le chemin du retour
(photo credit: TRINIDAD BLANCO)
La porte de l’enfance
L’Espagne de mon enfance ne ressemble pas à celle de mes ancêtres. Pourtant, c’est sûr, cette route d’Andalousie, jalonnée d’oliviers tel un immense océan, cette entêtante et sublime odeur de mes premières années que la brise légère me ramène et un chant ladino oublié que me fredonnait ma grand-mère Abrime tu puerta querida et que j’allais entendre à Lucena, anciennement Elihoshana, ville entièrement fondée par des juifs au IXe siècle. Il a fallu emprunter ce chemin touristique, ces caminos séfarades balisés par les municipalités, et découvrir cette autre Espagne, celle que je ne connaissais pas ; il a fallu oublier le tourbillon de mes souvenirs : les places de taureaux, brûlantes sous le soleil, les raisins que j’avalais pour la nouvelle année, las monas, ces gâteaux de Pâques que l’on cherchait dans les jardins, oublier le bruit doux et fluide des rideaux en plastique en guise de porte, toujours ouverte Et puis, en été, la fraîcheur sous les pieds nus des dalles mal ajustées. Ne pas se souvenir de l’odeur entêtante du bacalao (morue), suspendu dans la salle de bain pour le faire sécher. Ni de José – Ramon novillero (jeune torero), qui s’exerçait en tournant sa cape de fortune autour de nous dans un terrain vague qui devenait alors la plus belle des arènes. Un autre monde. Mais une autre Espagne ? Pas tout à fait, puisque dans mes pérégrinations de Séville à Jaen, j’allais retrouver des flashs de cette ancienne vie. Mais aussi de ce que fut la grandeur du peuple juif dans la péninsule du siècle d’or.
La porte des oubliés
Nous ouvrons donc cette autre porte et laissons entrer ces oubliés de l’Histoire que sont les « sefardis » comme on les appelle ici ; ces grandes âmes du pays qui, à une lointaine époque, ont contribué à la gloire de l’Espagne et ont malgré tout été expulsés en 1492 par Isabelle la Catholique, et persécutés par les démons de l’Inquisition. Les lieux ont certes été effacés, gommés, rayés du paysage et du cœur. Mais les noms restent à jamais gravés dans les mémoires.
Célébrités de l’époque Al Andalus
Dès 711, les Arabes conquièrent l’Andalousie et Cordoue devient la capitale de la région. Ce sera la période la plus florissante pour les Juifs qui forment l’élite intellectuelle et occupent des postes-clés au sein du gouvernement de l’époque. Cet âge d’or perdure jusqu’au règne des rois catholiques qui, dès leur avènement au pouvoir en 1492, signent l’édit promulguant l’expulsion des juifs d’Espagne : ces derniers doivent se convertir ou partir en laissant tous leurs biens ; ils n’ont pas même le droit d’emporter de l’argent. Certains achètent de la soie, une étoffe rare et coûteuse. Sous l’impulsion du grand inquisiteur Torquemada, Isabelle la Catholique, dont on dit qu’elle n’avait en réalité pas envie de laisser partir ce peuple à la manne abondante, se résigne à signer le décret. C’était après le temps des dénonciations, car beaucoup de convertis, appelés « marranes », continuaient à pratiquer leur religion en secret, faisant preuve de beaucoup d’imagination pour échapper au terrible châtiment de l’Inquisition qui a condamné nombre de ces faux chrétiens au bûcher. On raconte que les persécuteurs se postaient le plus haut possible le vendredi soir, jour de shabbat, afin de repérer les cheminées éteintes et déduire où se trouvaient les maisons juives. Mais revenons à une période plus heureuse, celle où les juifs avaient une influence au-delà même de ce que l’on peut imaginer.
Dans la salle des grands oubliés du palais de Grenade dédiée à l’histoire des juifs, ils sont présents avec leurs noms et leurs parcours glorieux.
Samuel Ibn Nagrela, vizir de Grenade, est à l’origine de la construction de l’Alhambra, l’un des plus beaux palais du monde. C’est d’ailleurs lui qui a offert la fontaine aux douze lions qui trône aujourd’hui au centre de l’imposante bâtisse, et représente les 12 tribus d’Israël. Maïmonide, le médecin de Cordoue, dont la statue orne aujourd’hui l’entrée de la synagogue de la ville, est l’une des figures les plus importantes de son époque. Il y a aussi Ibn Shaprut à Jaen, médecin et diplomate qui joua un rôle important au Xe siècle auprès du calife Abderraman III : il est considéré comme le chef de file de cet âge d’or de la culture juive en Espagne. Ibn Gaison et Samuel Abravanel, célèbres talmudistes de Séville, ainsi que Samuel Levi, l’homme de confiance du roi Don Pedro. Yusaph Pichon, l’un des personnages les plus influents du règne de Enrique II. Moises Ibn Ezra Salomon et Ibn Gabirol, poètes et philosophes du XIe et XIIe siècles. Yehudá Ibn Tibbon qui a créé à Grenade la première école de traduction et dont on peut également admirer la statue.
RASGO, l’incroyable réseau des villes sur la trace de leur passé juif
Les synagogues sont aujourd’hui devenues des églises, et les anciens quartiers juifs, ont vu s’installer certains hôtels, comme à Séville (« Las casas de la juderia »). Il faut beaucoup d’imagination pour reconstituer toutes ces communautés juives. Mais grâce à l’incroyable travail de l’association touristique « RASGO » constituée de 24 villes qui se sont mises en quête de leur passé juif, le parcours offert aujourd’hui est à la fois balisé, très riche et largement expliqué.
Bien que l’histoire des juifs espagnols s’étende sur presque 1 500 ans, il aura fallu attendre la fin du XXe siècle en Espagne pour voir apparaître les premières initiatives de valorisation de cette importante tranche de l’histoire du pays, oubliée et remaniée pendant des siècles. Et c’est seulement lors de l’Exposition universelle de 1992, soit 500 ans après l’expulsion des juifs, que le roi Juan Carlos présente ses excuses au nom de son pays pour toutes les persécutions infligées et invite les juifs à revenir  Cette frénésie nouvelle pour renouer avec le passé juif, que j’appelle « transe séfarade », et qui se manifeste à Lucena, est teintée d’une passion sincère et d’une réelle bonne volonté. Mais ces caminos (chemins) séfarades, comme les appellent les Espagnols, relèvent avant tout d’une démarche touristique, car aujourd’hui très peu de juifs vivent en Espagne.
N’entre pas à RASGO qui veut : il faut montrer patte blanche en répondant à cinq critères de qualité.
R : Restaurants
Les restaurants doivent proposer des menus séfarades comme ceux des restaurants « Mazal » à Cordoue, « Casa Manodo » à Marchena, « Tresculturas » à Lucena, ou « El Seco » à Ubeda. Tous ces endroits très inspirés puisent leur imagination dans une cuisine davantage maghrébine que juive : couscous, mélange obsédant de sucré-salé (aubergines au miel par exemple), les desserts consistent souvent en de copieuses assiettes de Hararosset (sic) consommé généralement en petite quantité pour Pessah. Teresa, propriétaire de l’« El Seco » propose de délicieuses halot pour le vendredi soir et prépare des plats typiquement séfarades repérés sur le menu par une étoile de David ; elle propose aussi des vins casher, mais la viande ne l’est pas. Les larmes lui montent aux yeux quand elle apprend que Léa de Judaïques FM et moi sommes juives. Evidemment il n’y a pas beaucoup de juifs en Espagne et aucun à Ubeda.
Mais pourquoi cette réaction extrême et cet amour pour ce peuple que l’Espagne a longtemps maudit ? Quelles sont les motivations des restaurateurs qui élaborent ce type de menus ? L’attrait financier, que constitue le fait d’entrer dans Rasgo, suffit-il à expliquer cet engouement ? Beaucoup, comme Teresa ou Manuel Garcia Ponce le chef de « Casa Manolo », n’hésitent pas à parler de « vibrations émotionnelles ». Manuel cuisine à merveille les épinards aux pois chiches, et nous en donne la recette avec beaucoup d’entrain. La cuisine séfarade serait-elle à la mode dans cette région d’Espagne ?
A : Alojamiento, dormir
Les hôtels doivent être situés dans les « juderias », être capables d’informer les visiteurs et proposer une documentation.
S : Signalisation
Dans tous les anciens quartiers juifs, on trouve sur le sol une signalisation dorée en lettres hébraïques ; les noms des rues sont ornés d’étoiles de David ou d’une ménorah. Il faut justifier de la présence alentour de sites historiques.
G : Guides
C’est l’un des critères les plus importants pour l’association. Il faut être en mesure de fournir touristes des guides formés à l’histoire juive du pays ; certains guides parlent arabe comme Daniel Grammatico à Grenade, il a pendant longtemps été correspondant de guerre au Caire pour le quotidien français Libération, et il fait visiter l’Alhambra comme un sage. RASGO ne recense pas moins de 50 guides.
O : Offre culturelle
Les festivals de musique et les activités culturelles doivent être au programme. Dans ce domaine, la palme revient à la ville de Cordoue, noblesse oblige, et particulièrement à Rafael Perez, qui dirige le département du tourisme de la ville désignée comme patrimoine de l’humanité. Le monde séfarade, c’est son bébé, sa passion. IL faut dire que Cordoue est l’une des villes d’Espagne les plus réputées pour son judaïsme florissant, de par son célèbre médecin et également sa synagogue, toujours debout. Chaque année, Rafael Perez investit tous ses efforts dans l’organisation de l’« Automne Séfarade » qui propose une soixantaine d’activités étalées 17 jours : poètes et écrivains se succèdent, des représentations théâtrales et des cours de cuisine sont proposés, et bien sûr, de la musique avec le Festival international où plusieurs groupes du monde entier viennent chanter en ladino.
En juin prochain, Cordoue fêtera les 700 ans de sa synagogue avec plusieurs festivités au programme. La mézouza sera l’emblème de cet événement. « L’ambassade d’Israël en Espagne est notre plus fidèle partenaire, elle sponsorisera un groupe de musique », précise Rafaël, très fier de cette collaboration. La ville de Séville proposera quant à elle dans son musée du Flamenco une exposition du jeune peintre israélien Ilan Itach : En rêvant d’un flamenco hébreu, la seule petite touche qui nous relie à ce pays.
La route de Séville à Jaen
Séville est la capitale de l’Andalousie, mais c’est aussi la 4e ville d’Espagne après Madrid, Barcelone et Valence. La communauté juive de Séville y était sans doute l’une des plus importantes et des plus anciennes. On dénombrait trois synagogues dans le quartier juif qui était situé dans l’Est de la ville : celui-ci constitue un véritable dédale de ruelles où histoire et légende s’entremêlent ; un attrait particulier et presque magique émane de ces lieux et nous sommes comme transportés en des temps reculés, au cœur de l’histoire du quartier. Le Centre d’interprétation, qui a ouvert ses portes en septembre 2012, a permis de mettre un peu plus en lumière le parcours et la vie des juifs séfarades de Séville et de la péninsule.
Séville
La visite du centre permet ainsi de découvrir ce qui fût le plus vaste et le plus prospère quartier juif de la péninsule au Moyen Age (4 000 à 5 000 juifs). On y trouve une reconstitution du quartier juif permettant d’identifier les principaux lieux d’intérêt (les synagogues, le marché, les bains publics, le mikvé, le mur, la rue principale, le cimetière, la maison de Susona,) où, encore aujourd’hui, demeurent certaines traces tangibles. On y présente les personnalités marquantes des communautés juives de Séville et d’Andalousie, et on y raconte mythes et légendes, comme celle de la belle Susona, ces histoires qui continuent d’alimenter l’imaginaire, et nous replongent dans le passé tumultueux de la communauté juive espagnole.
Cet espace fait revivre non seulement les périodes de grandeur de l’Al-Andalus et de la Reconquête, mais aussi les temps obscurs, accompagnés de la montée du fanatisme, des conversions et des persécutions que connurent les Séfarades. Des vitrines, des textes et des documents originaux retracent les origines du déclin, depuis le grand massacre de juin 1391 qui fit plus de quatre mille victimes, jusqu’à l’expulsion définitive des juifs d’Espagne en 1492, en passant par la création de l’Inquisition et de son Tribunal : les statuts de sang pur, les premiers autodafés et le développement du crypto-judaïsme. On entre dans les foyers en découvrant des objets du quotidien, ainsi que les us et coutumes de ces habitants. On apprend à connaître le rôle primordial joué par les femmes, garantes de la mémoire. Et puis, on peut admirer le magnifique tableau « L’expulsion des juifs de Séville », peint par Joaquin Turina y Areal, seul témoignage iconographique de ce moment tragique de l’histoire de Séville. Des promenades au cœur de la mémoire du quartier juif sont également organisées, ainsi que des concerts.
Téléphone : (+34) 635 719 796.
Adresse électronique : sefaradsevilla@gmail.com
Cordoue, capitale du judaïsme
Cordoue est l’œil du cyclone : le judaïsme ici a été l’un des plus florissants de la péninsule, avec sa figure emblématique qui a traversé le temps et reste aujourd’hui une référence, Rambam Maïmonide. Synagogue, quartier juif, souk avec pléthore de ménorot et de bijoux d’époque à vendre. L’un des juifs de Cordoue s’appelle Elie Nahmias comme le prolongement d’une ancienne histoire. On peut voir sa majestueuse maison à la porte sculptée qui débouche sur la très belle place de Jéronimo Paez. Il y réside avec sa famille pour les vacances et l’on en sait peu sur lui En tous les cas les gens de la ville n’en parlent pas. Cet homme reste discret, au contraire de cet homme extraordinaire qui a créé, conjointement avec des fonds privés, un musée dans une ancienne maison.
www.ayuncordoba.es
Sébastien de la Obra, l’homme de La casa sefarad
C’est un véritable personnage à la Dali, mais aussi un aficionado des juifs de l’époque et de leur mémoire. Il dit posséder 15 000 livres sur le sujet et continue à amasser documents et témoignages de toute sorte, ainsi que des peintures : d’après lui, sans traces, pas de vérité. Ses connaissances s’apparentent à un puits sans fond. Il chante même en ladino tout le répertoire et pourtant, le judaïsme n’est pas sa religion. « Mais qui sait ? », ajoute-t-il avec un sourire énigmatique, sachant que 60 % des juifs d’Espagne se sont convertis
Sébastien de la Obra prépare un livre sur les femmes séfarades sur 900 ans d’histoire. Le musée qu’il a ouvert en 2004, contient huit salles consacrées aux juifs de Cordoue et à leur glorieux passé. Sur le sol du traditionnel patio, au centre, une énorme et magnifique étoile de David faite de mosaïques, se déploie comme une fleur et envahit tout l’espace. Beaucoup d’Espagnols visitent le musée pour découvrir une partie de l’histoire de leur pays. Sébastien adore les visiteurs israéliens, toujours suspicieux et le sourcil froncé devant la porte d’entrée, et qui repartent ensuite enchantés.
www.casasefarad.es
Lucena, la perle séfarade…
Située entre Cordoue et Grenade, cette ville moyenne n’offre à première vue rien de particulier pour l’œil du touriste, et pourtant. Lucina tout entière témoigne d’un passé incroyable en tant que cité créée et habitée exclusivement par des juifs. Elle est l’une des seules villes d’Espagne sur ce modèle. Anciennement appelée Elihoshana, elle voit le jour au IXe siècle et demeure jusqu’au XIIe siècle « la perle séfarade » comme on l’appelle aujourd’hui. La grande église, qui trône au milieu de la place, conserve dans sa forme allongée les traces d’architecture de la synagogue qu’elle était autrefois.
Ici la mémoire est vive et tout est balisé, les rues portent leurs anciennes plaques avec leur nom en hébreu et des étoiles de David. A Lucena, chacun essaye de renouer avec cet ancien passé, affichant parfois une sorte d’étrangeté décalée comme la pâtisserie « Canadas » qui vend toute l’année des gâteaux de Pourim, et dont la vitrine est ornée d’une ménorah. Alors qu’on parle du « syndrome de Jérusalem », se pourrait-il qu’il existe également un « syndrome de Lucena » ?
Francisco est coiffeur pour homme et son petit salon, appelé « Shekinah » est comme un décor de théâtre orné de tous les objets rituels juifs : châle, toupie, une imitation de tefilin. Le coiffeur nous tient un discours inspiré qui nous met mal à l’aise, il n’est pas juif et assure qu’il ne souhaite pas se convertir Plus loin, un potier qui fabrique des hanoukiot : sous ses mains habiles, nous voyons la glaise se transformer en un petit récipient ovale qui servira à poser les mèches pour les lumières. Le point culminant de cette étonnante visite est sans doute le groupe de chanteurs : un chœur de 12 voix nommé « Camara Eli Hoshana », un symbole fort pour ces chanteurs amateurs qui ont repris le nom hébraïque de leur ville. Assistant à l’une de leurs répétitions dans le patio d’un palais comme seule l’Espagne en a le secret, l’émotion était très forte en entendant ces voix angéliques s’élever et chanter nos airs à la perfection. Ici comme à Ubeda, on retrouve cette attitude pleine de déférence à notre égard, encore plus marquée chez ces chanteurs lorsqu’ils apprennent que l’on connaît Yoram Gaon, chantre du judéo-espagnol en Terre promise. Ils nous confient souhaiter pouvoir un jour chanter en Israël. Le lien très fort des habitants avec le passé de Lucena est indéniable Certains à Lucena, allument des bougies le vendredi ou rincent la viande, sans vraiment savoir pourquoi : serait-ce les âmes de ces anciens juifs dont on a exhumé les restes en 2007, qui viennent déposer leurs secrets et hypnotiser les habitants, dont beaucoup appartiennent, dit-on, à leur descendance ? Plus de 346 tombes datant du Xe et XIe siècles ont en effet été découvertes il y a quelques années, abritant des dépouilles qui reposent aujourd’hui dans un nouveau cimetière, dont la grille austère est frappée d’une étoile de David.
www.turlucena.com
Grenade : le palais des oubliés
C’est sans doute notre coup de cœur. Sur les chemins escarpés de Grenade, le long du fleuve, au détour d’une rue ancienne, se trouvent ce palais et ces oubliés que sont les juifs qui ont fait la gloire du pays Plus loin on aperçoit dans les collines l’ombre de l’Alhambra, palais aux mille et une merveilles, qui semble protéger sous son aile bienveillante ces effacés de l’histoire. Le guide Jorge est clair dans ses explications, et son discours coule comme l’eau du Guadalquivir.
Ce musée est ouvert seulement depuis janvier 2014. Son objectif ? Transmettre au plus grand nombre l’histoire de ces juifs et de leurs ennemis, ainsi que les fondements du judaïsme. La trajectoire muséale du bâtiment, également privé, est extrêmement rigoureuse. On y trouve plusieurs salles : celle des marranes, de l’Inquisition, de la liturgie où on a reconstitué une petite synagogue, une salle de symboles ainsi que la salle des grands oubliés, avec les personnages célèbres de la communauté juive. Une belle initiative pour cette ville, également fondée au IVe siècle par des juifs fuyant le Nord de l’Espagne.
fercresvale@gmail.com
Ubeda, la synagogue de l’eau
Classée au patrimoine national de l’humanité, cette petite ville d’Andalousie, dont la place centrale est sans doute l’une des plus belles d’Espagne, contient l’un des plus curieux monuments du pays. Ici on l’appelle « la synagogue de l’eau », car un mikvé intact aurait été découvert en creusant autour de plusieurs maisons démolies pour un projet immobilier. La synagogue, datant du XIe siècle, a été entièrement restaurée ; Andrea, son directeur, organise une visite nocturne de ce lieu étrange, qui ressemble aujourd’hui davantage à un musée et à un centre culturel. A l’entrée, les porte-clefs colorés en forme d’étoile de David et les autres objets à vendre paraissent un peu décalés dans cet endroit qui se veut sacré Entouré de cordons rouges, le mikvé se visite comme un élément unique et rare, et son eau, transparente, semble venir d’une autre planète. On l’utilise ici lors de la fête païenne des solstices célébrée le 21 juin, quand le soleil, au zénith, se glisse entre les interstices des meurtrières. Tout ceci nous laisse un peu perplexes…
www.artificis.com
Les juifs d’aujourd’hui, l’an prochain à Séville
David Pozo Perez, un juif rencontré à Séville, nous explique, lui, qu’il n’a pas même une synagogue pour abriter les 150 membres de la communauté qu’il préside, ni même de Sefer Torah. Les fêtes se passent chez les uns et les autres, « c’est un judaïsme progressiste », nous dit-il. Lorsqu’il nous reçoit dans la sublime université de Séville où il enseigne la biologie moléculaire, il est très fier d’ajouter que, pour la première fois depuis 400 ans, les juifs de la ville ont allumé l’an passé les bougies pour Hanoucca sur la place de Séville. Plein d’espoir, David affirme que l’année prochaine, la mairie doit leur prêter un très bel espace situé dans le palais Mudejar des marquis de la Algaba, au centre-ville. « Nous pourrons organiser des kabalat shabbat et des activités culturelles comme un festival de cinéma israélien. » La communauté Beit Rambam regarde avec attendrissement les orthodoxes qui se comptent aujourd’hui sur les doigts de la main et qui disparaissent peu à peu. A Malaga, les juifs sont plus nombreux, 12 000 environ, et Elias Cohen, le chef de la communauté, entretien des liens étroits avec celle de Séville, située à 150 km. Malaga et sa région possèdent des synagogues actives comme celles de Torremolinos et Marbella. La majorité des membres de la communauté sont des Séfarades du Maroc, assez peu d’Espagne. A Malaga, la communauté est plus traditionaliste et profite de supermarchés casher ainsi que de restaurants.
L’Espagne, malgré une relative tranquillité, n’échappe pourtant pas à l’émigration de ses juifs, et de plus en plus de familles font leur aliya. D’après Elias Cohen, les juifs se réjouissent de ce tourisme sefardi : « Faire revivre l’héritage et la culture des juifs en Espagne est une belle initiative que nous accueillons avec beaucoup enthousiasme car elle rejaillit sur nous de façon positive ».
www.beitrambam.es
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