La guerre d’Octobre, selon Gitaï

C’est le grand film de la guerre de Kippour : par un fait étrange, un des seuls existant sur ce combat-là et qui soit entré dans l’histoire.

P21 JFR 370 (photo credit: DR)
P21 JFR 370
(photo credit: DR)

La guerre deKippour va changer le destin du jeune Amos Weinraub. Celui qui n’est pas encoreAmos Gitaï est alors étudiant en architecture, comme son père, le grand Munio,héritier du Bauhaus, à l’allure si Mitteleuropa. Gitaï lui a d’ailleursconsacré un film magnIfique, sorti en 2012 : A lullaby to my father.

Mais avant ce parcours mythique qui fait de lui un cinéaste à part entière,contesté dans son pays, mais adulé dans le monde entier, Gitaï, tout comme desmilliers de jeunes israéliens est mobilisé le 6 octobre 1973. Il a 23 ans.Touché de plein fouet par les violents combats, Amos va perdre toute son escadrilledans cette guerre, ses copains, ses illusions et son nom.
Renonçant à sa carrière d’architecte, il troque Weinraub, trop diasporique,contre Gitaï, nom de sa mère, bien ancré dans la réalité sioniste, puisquecelle-ci vient d’une famille établie en Palestine depuis très longtemps.
Ce traumatisme de la guerre surprise à jamais gravé en lui, il décide dedevenir cinéaste pour raconter. Il dévide alors le fil de sa mémoire, de filmen film, mais tourne autour sans y parvenir. Il visionne des documentairesardus. Dans sa tête, les images s’amoncellent, les thématiques s’enchaînentcomme des milliers de ronces qui entourent le château de la belle au boisdormant. Mais le prince a du mal à se frayer un passage.
La naissance du cinéaste

Pourtant, à l’aube de ses cinquante ans, en l’an 2000,il combat le dragon et réalise enfin ce qui sera sans doute son plus bel opus,entièrement biographique, Kippour, qui pourrait porter en sous-titre « La dansede mort »… Il filme ces sept soldats, comme un chiffre symbolique, qui nerentreront jamais dans l’âge adulte. Militaires qui s’enfoncent dans la boueaccompagnés par les pales cinglantes de leur hélicoptère qui rythment leurs paset le film comme une danse macabre. Une apothéose métaphorique d’une violenteet dansante agonie que Gitaï capte dans le brasier ardent de son colériqueregard. Le cinéaste livre avec force ces images au goût amer sur ces combats.Et ces guerriers valeureux dont les jambes s’enfoncent dans le bourbier sont àl’image de cette guerre de Kippour qui fut un échec politique. C’est aussi decette vérité qu’il est question dans le film d’Amos Gitaï.

Perdus dans ce chaos, le personnage qui porte son nom, incarné par son double àl’écran Liron Levo, va sur le Golan avec son ami, à la recherche d’Egoz, leurunité spéciale qu’ils ne trouveront jamais… Quête de l’impossible, filminitiatique, il n’est pas étonnant que ce long-métrage à couper le souffle soitle seul et unique qui ait passé les feux de la rampe sur cette guerre.
Car c’est aussi là, au tournant de ces années sombres, dans cette guerre, queva mourir avec ses compagnons Amos Weinraub, sage étudiant inspiré par l’ombregigantesque de son père, et que va naître dans la lumière Amos Gitaï.