Tel père, tel fils

Malgré les obstacles et les tentations, Yossef a su rester le digne fils de son père Yaacov

Tel père, tel fils (photo credit: WIKIPEDIA)
Tel père, tel fils
(photo credit: WIKIPEDIA)
La parasha Vayigash, sans aucun doute la plus émouvante de toutes, relate les retrouvailles de Yossef avec ses frères après l’épisode de la vente suivie de 22 années de séparation. La parasha nous fait part également de la demande solennelle de Yossef adressée à Yaacov par l’intermédiaire de ses frères : le fils supplie son père de descendre sans tarder en Egypte avec sa famille et tous ses biens.
Pour donner plus de poids à sa demande, Yossef fait dire à son père que la famine va durer encore cinq années, et lui promet de l’établir, non pas dans une région reculée, mais dans la plus riche et la plus fertile contrée d’Egypte : la province de Goshen. Yossef va jusqu’à intervenir auprès du pharaon qui envoie alors ses propres messagers afin d’annoncer à Yaacov son invitation s’installer en Egypte avec sa famille ; il lui assure qu’il n’aura aucun regret à quitter le pays de Canaan.
Mais malgré toutes ces promesses, Yaacov reste de glace. Il hésite à quitter la Terre sainte. Et cela, malgré l’ardent désir de revoir son fils qu’il croyait mort, dévoré par une bête féroce, et malgré la famine qui devient de plus en plus insupportable en Canaan.
Tous les avantages que Yossef et le pharaon offrent à Yaacov ne parviennent pas à l’arracher à son pays natal, à celui de ses parents et de ses grands-parents ; mais, plus que tout, il ne peut se résoudre à quitter la Terre promise à ses descendants, qui portera le nom reçu après son combat avec l’ange, puis confirmé par Dieu lui-même : Israël. Il faudra justement, et paradoxalement, l’intervention de Dieu pour le décider.
Dieu rassure Yaacov
C’est dans une vision nocturne que Dieu semble lui dire : « Pourquoi as-tu peur de descendre en Egypte ? » Et Yaacov semble lui répondre : « J’ai peur que ma famille ne disparaisse assimilée ou assassinée. J’ai peur que la présence divine, la chekhina, ne soit plus à nos côtés pour nous protéger. J’ai peur, à ma mort, de ne pas être enterré à Hébron dans le caveau de Makhpela auprès de mes pères. » Alors, Dieu le rassure, apaisant chacune de ses craintes.
Il lui dit tout d’abord : « Ne crains pas de descendre en Egypte », et ensuite « Je te ferai devenir là-bas une grande nation » ; par conséquent, Dieu affirme à Yaacov qu’il n’y a aucun risque de disparition de sa postérité. Il affirme de plus : « Moi-même Je descendrai avec toi en Egypte », sous-entendu, « Je serai présent et te protégerai ». Enfin, « c’est Moi qui t’en ferai remonter », ce qui signifie : « Tu seras donc enterré dans le caveau de Makhpela auprès d’Avraham et d’Isaac, après que « Yossef te fermera les yeux » (Genèse XLVI, 3-4).
Certains commentateurs affirment que la promesse de Dieu de descendre avec Yaacov en Egypte signifie : Il bénira les descendants du patriarche ; le Créateur en fera un peuple nombreux, même sur une terre étrangère qui deviendra par la suite hostile, voire mortifère. « Je t’en ferai remonter », c’est-à-dire, poursuivent nos commentateurs en forme de paraphrase, « je donnerai à Moshé la mission de conduire les Hébreux esclaves hors d’Egypte en direction du pays de Canaan. »
C’est seulement après avoir obtenu l’assurance que ses descendants regagneront la Terre promise que Yaacov consent à se rendre en Egypte. On notera non sans émotion que cette révélation nocturne s’achève sur une parole pleine de tendresse et de sollicitude vis-à-vis de Yaacov : « Yossef fermera les yeux ». Ce qui signifie que non seulement Yaacov reverra son fils bien-aimé après tant et tant d’années, mais qu’il restera désormais proche de lui jusqu’à sa mort. Lui qui jusqu’à présent croyait son fils mort, a le grand bonheur d’apprendre que c’est lui qui lui fermera les yeux.
La fierté du père
Quelle félicité intérieure profonde de voir tous nos enfants réunis au moment où l’on s’apprête à quitter ce monde. C’est d’ailleurs ce que Yaacov, des larmes de joie dans les yeux, dit à Yossef lors de leurs retrouvailles : « Maintenant, je peux mourir en paix puisque j’ai vu ton visage et que tu es vivant » (Genèse XLVI, 30). Malgré tout, tant que Yaacov n’avait pas vu son fils de ses yeux, sa joie n’était pas complète. Il voulait se rendre compte par lui-même que Yossef était resté son fils malgré les avances appuyées de la femme de Putiphar, en dépit des douze années passées en prison, et malgré les honneurs dus à sa qualité de vice-roi d’Egypte, la superpuissance de l’époque.
Comment, en effet, se réjouir de retrouver un enfant qui ne serait plus le digne fils de son père, transformé par le malheur, ou aveuglé par la gloire et la magnificence qui l’entoure. Après s’être rendu compte, bien au contraire, que Yossef n’avait rien renié ni perdu du patrimoine et de l’enseignement légué par son père, Yaacov est rasséréné.
On souhaiterait que ce soit le cas de tous les pères juifs aujourd’hui vis-à-vis de chacun de leurs enfants… L’adage « tel père, tel fils » s’applique parfaitement à Yaacov et Yossef dont les noms apparaissent curieusement liés au début de leur histoire : « Eleh Toldot Yaacov, Yossef », nous dit le texte (XXXVII, 2) : « Voici les descendants de Yaacov, Yossef ». Nous savons que Yossef n’était pas le seul fils de Yaacov, mais ici le mot Toldot signifie plutôt histoire, ce qui nous permet d’affirmer que Yaacov et Yossef furent les acteurs principaux du début de toute notre histoire. Il appartient aux anciennes générations d’ancrer chez les plus jeunes l’idée que le cordon ombilical qui nous relie à la tradition de nos pères ne doit en aucun cas être rompu.
Et aux jeunes générations de prendre exemple sur Yossef pour surmonter les obstacles qui se trouveraient sur leur chemin. Autant de difficultés qui ont, comme pour Yossef, soit le visage attrayant de l’assimilation, soit celui, douloureux, de l’oppression. Autant d’obstacles de nature différente que notre peuple s’efforce d’affronter depuis toujours, et qui lui ont fait perdre maintes fois la vie, autant physique que spirituelle.
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