Les trois commandantes

Un an plus tard, elles se souviennent. L’opération Pilier de défense vue par trois jeunes femmes qui ont vécu l’expérience en première ligne.

P14 JFR 370 (photo credit: Tsahal)
P14 JFR 370
(photo credit: Tsahal)

Samedi soir, 10 novembre 2012. Omer Pastel, 20 ans,officière de brigade de Tsahal à Gaza, regarde la télévision dans sonappartement de Tel-Aviv. Quatre soldats viennent d’être blessés, apprend-elle,dont deux gravement, en patrouillant le long de la barrière de sécurité quisépare Israël de Gaza, par un missile antitank tiré depuis l’entité palestinienne.

Omer est immédiatement rappelée sur la base de Réim, àquelques kilomètres de Gaza, pour reprendre ses fonctions de chef du centre decommandement opérationnel. Ce centre est chargé de relayer les communications,l’information logistique et les instructions entre les différentes troupes etleurs supérieurs, qui opèrent sur toute la zone. En arrivant sur la base, lajeune femme a déjà compris : après des journées entières d’incessants tirsde roquettes sur les habitants du sud, l’attaque qui a touché les quatresoldats est la goutte d’eau qui va faire déborder le vase. Et de fait, le hautcommandement et le ministère de la Défense décident dans la foulée de lancerune offensive contre le Hamas à Gaza, afin d’altérer les capacités d’attaque del’organisation terroriste tout en protégeant les habitants du sud.

Quatre jours plus tard, le 14 novembre, l’opérationnommée Pilier de défense débute avec l’exécution ciblée d’Ahmed Jabari, chef dela branche militaire du Hamas à Gaza, organisateur de plusieurs attentatsterroristes contre des civils et des soldats israéliens.

Au cours des 8 jours suivants, Tsahal procédera à demultiples raids, touchant plus de 1 500 sites terroristes ancrés dans labande de Gaza et réduisant les capacités de tirs de roquettes du Hamas.Récemment, lors d’une cérémonie marquant l’anniversaire de cette opération, lePremier ministre Binyamin Netanyahou a souligné à quel point la sécurités’était améliorée au sud, avec une baisse de 98 % des attaques deroquettes. C’est, a-t-il estimé, le résultat direct de l’opération Pilier dedéfense.

Maintenir le moral des troupes

Dans la base de commandement de Réim, deux autres jeunesfemmes officiers assistent Omer Pastel durant l’opération Pilier dedéfense : Aya Guishouri, de Ramat Gan, chargée de la communication pourles troupes opérant du côté nord de Gaza, et Dana Nahab, dont la missionconsiste à assurer l’approvisionnement et l’information des soldats postés prèsdu sud de Gaza. Un an après, les trois jeunes officières ont accepté de raconterleurs souvenirs.

« Juste après l’attaque de la jeep, qui s’estdéroulée dans une zone appartenant à la juridiction de mon centre decommandement », raconte Aya Guishouri, « il y a eu une grandeagitation. Les soldats étaient choqués, et inquiets pour leurs copains quiavaient été blessés. » Déjà, pendant les jours précédant l’incident,précise-t-elle, il régnait une tension intense, car le Hamas plaçait souventdes charges explosives sur le passage des patrouilles le long de la frontière,et aussi parce que Tsahal avait découvert des dizaines de tunnels utilisés parle mouvement islamiste pour faire passer des armes en contrebande et pourtenter d’organiser des attentats dans les villes d’Israël. « Au centre decommandement, l’une de mes tâches était d’empêcher les soldats de perdre leurcalme et de leur faire garder le moral, malgré l’attaque de la jeep et lesautres incidents ».

A l’approche de l’opération, Aya reçoit des instructions.Sans pour autant savoir à quoi exactement ressemblera l’offensive. « Nousne savions pas ce qui allait se passer. Quand l’opération a débuté, on a eul’impression de participer à quelque chose dont on avait seulement entenduparler lorsqu’on était petits, pendant la seconde guerre du Liban (en2006). »

« Ce qui était indispensable dans le rôle que nousdevions jouer toutes les trois », continue Aya, « c’était de fairepreuve de maturité pour réussir à maintenir l’unité des troupes malgrél’incroyable agitation qui s’était emparée de tout le monde ». Durant ses 12 heures de garde, elle doit en outre se faire une idéeglobale de la situation sur le terrain et veiller à ce que les soldatspositionnés dans la zone dont elle est responsable disposent de toutl’équipement nécessaire pour mener leurs missions à bien.

Dana Nahab affirme pour sa part avoir senti monter latension durant les 3 semaines qui ont précédé l’opération. Leur rôle leurparaissait d’autant plus ardu, ajoute-t-elle, qu’elles manquaient toutes lestrois d’expérience : elles n’avaient été nommées officiers et n’étaiententrées dans leurs fonctions au centre de commandement que trois moisauparavant.

Comme Aya, Dana se souvient à quel point il étaitdifficile de maintenir le calme parmi les recrues dans le centre decommandement : « Il y avait avec nous des filles qui venaient justede finir leurs classes et qui se retrouvaient tout à coup propulsées dans unesalle de commandement où elles devaient prendre part à la gestion d’une guerre.Nous devions les aider à se détendre, tout en faisant en sorte que les soldatsrestent concentrés sur leurs tâches, alors qu’ils savaient qu’au même moment,les missiles du Hamas atterrissaient dans les villes où vivaient leursfamilles. Sans parler de ces mêmes familles qui, inquiètes pour leurs enfants,appelaient le centre de commandement. Bien sûr, on se trouvait sur la base,dans un bâtiment à l’épreuve des tirs, mais on était tout près de Gaza et lesroquettes nous tombaient dessus comme s’il en pleuvait. »

« Calmer ceux qui venaient de la bulleTel-Aviv »

Omer Pastel renchérit : « Oui, ce n’étaitvraiment pas facile de calmer tout le monde, et en particulier les soldats quivenaient de la bulle de Tel-Aviv ». Pour ces derniers, c’était souvent lapremière expérience des alertes rouges avec leur lot de stress et d’effroi. Unemanière de réaliser le quotidien des habitants du sud du pays, dont c’est laréalité depuis le putsch de Hamas sur la bande de Gaza en 2007. « Et enplus, ils avaient très peur pour leurs familles », visées elles aussi parles missiles qui ont atteint le centre du pays pour la première fois depuis laguerre du Golfe.

Un an plus tard, les trois officières ont le sentimentd’avoir été à la hauteur de la tâche, en dépit de toutes les difficultés. Quantà leur avis politique sur l’opération, elles se refusent à le donner.N’aurait-il pas fallu poursuivre l’offensive, finir par une incursion au soldans la bande ? En bonnes soldates, elles ne diront rien. Tout justereconnaîtront-elles qu’elles auraient pu perdre des amis en cas d’opérationterrestre.

Elles se disent également satisfaites de la situationactuelle, 13 mois plus tard. « On est dans l’armée pour assurer le calmedes citoyens. Et pour les habitants du sud, cela fait des années que cela n’apas été aussi calme que maintenant », se félicite Aya. Mais la jeune femmene se leurre pas : le gouvernement Hamas n’étant pas un Etat reconnu, ilne pourrait y avoir un traité de paix valide entre le mouvement islamiste etIsraël. En d’autres termes, il faut se tenir prêt en permanence, dansl’éventualité de nouvelles attaques. Omer Pastel partage son avis :« Nous savons très bien qu’il est capital d’être toujours prêts »,dit-elle. Avec son vécu de l’an dernier, elle a le sentiment d’êtreparfaitement préparée. Aya, elle, retiendra une expérience qui lui a permis de« sortir de sa bulle telavivienne ». Un ressenti qu’elle a égalementpu partager avec ses amis restés chez eux. Elle se sent plus proche aujourd’huides habitants du sud. «Je comprends ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils doiventencore éprouver en permanence».

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