Arithmétique politique

Le dilemme de Netanyahou : garder une coalition avec les haredim, ou inviter le centre ?

Prime Minister Binyamin Netanyahu 370 (photo credit: Gali Tibbon/Pool)
Prime Minister Binyamin Netanyahu 370
(photo credit: Gali Tibbon/Pool)
Deuxsemaines seulement avant les élections nationales du 22 janvier, une pléthorede sondages nous révèle la composition de la 19e Knesset. Pour les non-avertis,Netanyahou restera Premier ministre et les partis arabes seront éjectés de lacoalition. Le bloc de droite sera fort, et la gauche poursuivra sa chute libre.Promis, juré, sauf miracle de dernière minute.
Ces quelques truismes mis à part, au regard des récentes manoeuvres politiques,la future coalition paraît de plus en plus prévisible. La semaine dernière, lachef du parti travailliste Shelly Yachimovich a affirmé ne pas souhaiter faire partied’un gouvernement dirigé par Netanyahou. Elle rejoint ainsi Zehava Gal-On duMeretz sur la liste des dirigeants de partis sionistes à adopter publiquementune telle position.
Yachimovich veut-elle épater la galerie, en se positionnant comme la seulevéritable opposition à un gouvernement de droite ? En tout cas, il est peuprobable que Netanyahou cède le ministère des Finances à une personnalité dontl’idéologie socioéconomique diffère tant de la sienne ; et Yachimovich, qui afait du sujet son cheval de campagne, n’acceptera certainement aucun autreportefeuille.
Avec les travaillistes et Meretz hors du champ, et sans aucune chance qu’unparti arabe soit invité au gouvernement, il ne reste qu’une seule questionimportante pour la 19e Knesset : Netanyahou optera-t-il pour une orientationultra-orthodoxe/religieuse ou laïque/centriste ? Les derniers sondages laissentà penser que la liste Likoud-Beiteinou recueillera 34 mandats, soit plus de lamoitié du nombre requis pour former un gouvernement. Netanyahou pourra faireson choix parmi les sièges d’Habayit Hayehoudi (14), Shas (11), Judaïsme unifiéde la Torah (6), Yesh Atid (10) et Hatenouah (10), et éventuellement les troismandats d’Am Shalem, s’il dépasse le seuil électoral.
L’« alliance naturelle » formée par Netanyahou, il y a quatre ans, se composaitd’une union entre le Likoud, et les partis ultra-orthodoxes Shas et Judaïsmeunifié de la Torah (JUT). Mais cette coalition s’étant avérée être l’une desplus stables de l’histoire moderne d’Israël, Netanyahou pourrait éventuellementprivilégier la même composition au lendemain du 22 janvier.
La forte baisse dans les sondages du Likoud- Beiteinou ce dernier trimestre estplus que compensée par la remarquable montée du parti de Naftali Bennett, HabayitHayehoudi, passé de trois malheureux sièges à 14 annoncés.
Une coalition de 70 sièges ? 
Netanyahou a cependant fait montre d’un certainniveau d’insatisfaction quant à sa coalition actuelle. A en croire quelquesindications, Avigdor Liberman et lui blâmeraient Shas pour les prix élevés dulogement – le ministère de la Construction et du Logement étant jalousementsurveillé par le député Shas, Ariel Attias, accusé de distribuer des fondspublics à ses électeurs ultra-orthodoxes, au détriment d’un public plus large.
Le retour en politique de la star de Shas, Arieh Déri, a également marqué ledébut d’une nouvelle friction entre Shas et le Likoud- Beiteinou, Déri n’ayantpas hésité à s’en prendre au Premier ministre sur les questions sociales etreligieuses.
Si Netanyahou opte pour cette coalition, il s’assure quatre autres années degouvernance stable – et une version légèrement plus à droite du gouvernementactuel. Cette éventuelle coalition essaiera sans doute de minimiserl’importance de la piste israélo-palestinienne, d’encourager la constructiondans les implantations – du moins dans les principaux blocs – et de pousserpour le renouvellement de la loi Tal, afin que les haredim continuent à étudieren yeshiva au lieu de faire leur service militaire.
D’un autre côté, une coalition composée principalement des partislaïcs/nationauxreligieux, du centre-droit, pourrait constituer la base d’unegrande union. Ajoutez les 10 sièges chacun (ou peut-être plus) de Yesh Atid etHatenouah, et la coalition pourrait se retrouver avec pas moins de 66 sièges.Si Am Shalem – le parti ultra-orthodoxe engagé à intégrer les siens dans lasociété israélienne – franchit le seuil, le tout pourrait se monter à 70sièges.
Tous les partis de cette union épousent au moins quelques tendances politiquesdroitistes, signe qu’une alliance reste dans le domaine du possible.
Yaïr Lapid, à la tête de Yesh Atid – sans doute le plus centriste des partis –a catégoriquement nié faire partie de l’aile gauche et exprimé son soutien plusd’une fois pour les grands blocs d’implantations au-delà de la Ligne verte.
Beaucoup oublient que Tzipi Livni, à la tête du parti Hatenouah, est uneLikoudnikit dans l’âme, élue à la Knesset dans les rangs du parti de droite en1999, pour lequel elle a officié comme ministre du gouvernement Sharon jusqu’àson départ pour Kadima, fin 2005.
Si Yesh Atid et Hatenouah pouvaient facilement être considérés comme decentre-gauche, leur influence en politique étrangère se verrait tempérée par letitanesque Habayit Hayehoudi et un Likoud qui a pris un virage à droite toute,depuis ses primaires, en novembre 2012.
Les haredim à l’armée ou au travail ?
Tous s’entendent sur la nécessitéd’intégrer la grandissante communauté ultraorthodoxe dans la sociétéisraélienne.
Certes. Mais une coalition de ce type pourrait connaître des frictions sur laméthode. Yesh Atid a fait campagne en grande partie sur des projets de réformesradicales pour imposer l’enrôlement des haredim dans l’armée israélienne, alorsque Habayit Hayehoudi cherche à éviter une telle législation et préfère seconcentrer sur leur intégration sur le marché du travail.
S’il franchit le seuil électoral, Am Shalem pourrait servir de sorte demédiateur sur la question.
La formation d’une telle coalition pourrait s’avérer une tâche délicate, mêmepour un homme politique aussi habile que Netanyahou. Lapid exigera un certainnombre de portefeuilles ministériels, y compris l’Education. Tzipi Livniconvoitera une position qui lui permettrait de relancer les négociations avecles Palestiniens, ce que Netanyahou ne semble pas pressé de lui céder.
Habayit Hayehoudi et Israël Beiteinou ont exprimé leur intérêt pour l’influentministère de la Construction et du Logement, une question que Netanyahou devramanier avec doigté.
Presque toutes les factions ont des vues sur le ministère des Finances, que lePremier ministre aimerait réserver à son propre parti.
Si Netanyahou choisit cette deuxième option, il se trouverait à la tête d’ungouvernement attelé à réduire la fracture entre laïcs et religieux, quisoutiendrait la construction dans les implantations, tout en laissant la porteouverte aux négociations avec les Palestiniens.
A peine quelques semaines avant les élections, la 19e Knesset se profile plusclairement que jamais. Netanyahou sera finalement confronté à un choix réel :renouveler l’alliance national-religieux/ haredi qui lui a permis de gouvernerassez stablement ces quatre dernières années, ou pivoter vers les partis decentre-droit, évinçant Shas et JUT de sa coalition.
Bien entendu, des variations mineures sont toujours envisageables. Netanyahoupourrait tenter d’amadouer Shas pour l’amener à faire équipe avec Hatenouah, oumême inviter JUT à rejoindre Hatenouah et Yesh Atid. Et Meretz ou lesTravaillistes pourraient tout aussi bien revenir sur leur engagement à siégerdans l’opposition.
Mais, sauf surprise de dernière minute, les règles du jeu politique israéliensont plutôt connues.
A la réflexion, dans ce pays, les miracles se produisent plus souvent qu’à leurtour…