Rentrée parlementaire : remous en vue

La Knesset a beaucoup à faire en cette session hivernale. Entretien avec son président, Youli Edelstein.

P6 JFR 370 (photo credit: Marc Israel Sellem)
P6 JFR 370
(photo credit: Marc Israel Sellem)

«La session vaêtre difficile et intense », prévient-il d’emblée. Le député Youli Edelstein,président de la Knesset depuis un peu plus de 6 mois, ne se fait pasd’illusions sur les semaines à venir. Lundi 14 octobre, les élus faisaient leurrentrée pour la session dite hivernale qui s’étend jusqu’à Pessah.

« Entre la loi sur le service pour tous, la réforme électorale et les terresdans le Néguev, les débats s’annoncent passionnés », déclare le député. « Letravail va immédiatement commencer ». Un autre sujet est bien évidemmentattendu : les pourparlers avec les Palestiniens. « Les négociations n’ont pasencore atteint la Knesset », explique Edelstein. « Mais elles ne vont pastarder à avoir un impact, que leur issue soit positive ou négative, d’ailleurs ».
Votre position sur lesnégociations et la solution à deux Etats diffère de celle du Premier ministreBinyamin Netanyahou ?
Je ne prendrai pas avantage de la position qui est lamienne pour prêcher mes opinions, mais, en même temps, mon statut ne modifie enrien mes idées et je ne les cacherai pas. Il faut simplement savoir lesexprimer. J’ai presque 20 ans d’expérience à la Knesset et ces questions sontprimordiales.
Les négociations sontcensées prendre fin en mai 2014. A votre avis, ce dossier occupera-t-il laKnesset durant la session hivernale ?
Il pourrait très bien ne rien se produired’important jusqu’à Pessah (NDLR : fin de la session hivernale). Mais il nefaut pas oublier qu’il y aura des étapes intermédiaires. La prochaine foisqu’on sera amenés à libérer des terroristes, il y aura davantage de polémique.
Les députés aiment bien sefaire remarquer lors des débats controversés, comme, par exemple, lesparlementaires arabes qui ont déchiré leurs copies de la loi Prawer sur lesterritoires bédouins dans le Néguev. Que ferez-vous cette fois-ci pour tenterde préserver la dignité de la Knesset ?
Je me suis entretenu avec de nombreuxdéputés après cet incident. Seule une poignée d’entre eux crée des ennuis. Laplupart se conduisent bien et sont dérangés par ceux qui se comportent mal.Certains sont même venus me voir de leur propre chef en me demandant ce qu’ilfallait faire. J’ai parlé aux députés qui ont causé du raffut et certains sesont excusés. J’espère que ces entretiens suffiront à prévenir d’autresincidents. Si ce n’est pas le cas, je saisirai la commission de la Chambre etdemanderai que la commission éthique ait davantage d’autorité pour sanctionnerles députés qui déshonorent la Knesset.
Les questions d’Etat et dereligion ont suscité de vifs débats ces derniers mois et ils devraientcontinuer au cours de la session à venir. La Knesset est-elle vraiment capablede discuter de sujets d’une telle importance lorsque le ton du débat est aussienflammé ?
Il nous faut aborder ces sujets. A mes yeux, il faut changer larelation entre la religion, l’Etat et le Rabbinat, mais comme vous voyez, jeporte une kippa et je pense que ces changements doivent se faire dans le cadrede la Halakha. Cela dit, au regard de l’ambiance actuelle, je recommande auxuns et autres de se calmer. Cet état d’esprit est dangereux et peu propice auchangement. Sur la question de l’enrôlement, les harédim sont dressés sur leursergots. Vouloir réformer, ce n’est pas chercher à écraser son rival. Ce genred’attitude ne fait pas montre de respect envers la Knesset.
A propos de rivalité,l’opposition est aujourd’hui vent debout contre la réforme électoraleactuellement à l’étude au sein de la commission de la Constitution, de la Loiet de la Justice. Que pensez-vous de la proposition de minimiser ou annuler lesmotions de défiance hebdomadaires, proposition que l’opposition qualifie de nondémocratique ?
Je pense que la réforme sur les motions de défiance doit passerpar le dialogue. Même l’opposition comprend que dans son état actuel, il s’agitd’une farce. Les députés qui soumettent la motion ne sont même pas présentspour voter ou prendre la parole à la tribune. En même temps, nous ne pouvonspas nous en passer. Peut-être peut-on en réduire la fréquence à une fois tousles 15 jours ou une fois par mois, mais il faut absolument que l’oppositionpuisse s’exprimer. Supprimer les motions de défiance, ce serait vider laKnesset de sons sens et rendre inutile le travail de l’opposition, qui est desuperviser les actions du gouvernement.
Et que pensez-vous de laproposition consistant à doubler le seuil parlementaire ?
Je ne suis pas trèsenthousiaste à l’idée d’augmenter radicalement le seuil parlementaire. Je suisen faveur d’une hausse d’0,5 à 1 %, mais 4 % nuirait à la Knesset et à ladémocratie. Par ailleurs, aucune proposition n’a été faite pour empêcher lespartis de faire scission après l’élection. A mes yeux, cette pratique nerespecte pas le choix des électeurs, c’est un tour de passe-passe frauduleux.Si rien n’est fait de ce côté-là, la réforme électorale ne changera rien.
Le mois dernier, la Coursuprême a annulé la loi anti-migratoire votée par la Knesset. Que pensez-vousde l’activisme judiciaire ? Que doit faire la Knesset à présent ?
Je n’aime pasl’idée que la Cour suprême puisse casser des lois. Nous devons réfléchirdavantage pour préserver le rôle et la dignité de la Knesset. Mais je ne mesuis pas opposé à cette décision en particulier. Je n’étais pas d’accord, maisles magistrats étaient dans leur droit. La mesure entre en contradiction avecune Loi fondamentale. Nous allons donc procéder à des ajustements mineurs pourla rendre constitutionnelle. Il est urgent que la Knesset adopte une loi que laCour suprême acceptera et qui répondra à l’impossible situation dans laquellese retrouvent aujourd’hui les habitants du sud de Tel-Aviv, d’Eilat et d’autresrégions.
La Knesset prépare sa plusgrande délégation jamais envoyée à Auschwitz pour la Journée internationaledédiée à la mémoire des victimes de la Shoah en janvier prochain. Quelles sontvos attentes ?
De nombreux députés m’ont d’ores et déjà répondu. Ils sont trèsenthousiastes. J’espère vraiment que cela va se concrétiser. Nous devonssérieusement réfléchir pour en faire un événement digne, mais égalementéchanger autour de la situation présente. Nous voulons avoir de profondesdiscussions avec des élus du monde entier.
La semaine dernière, lesdéputés Méïr Chétrit (Hatnoua) et Aliza Lavie (Yesh Atid) ont réussi à freinerune motion déposée par des représentants palestiniens à l’Unioninterparlementaire à Genève pour boycotter Israël et condamner lesimplantations. Mais, en dehors de cela, les voyages parlementaires ont souventmauvaise réputation. Qu’en pensez-vous ?
Tout d’abord, je salue le travail desdéputés Chétrit et Lavie, qui ont réussi à torpiller cette mention. Il estregrettable qu’au lieu de parler de la paix, la délégation palestinienne aitdécidé de boycotter Israël. Plus généralement, il est temps que les éluschangent d’attitude face aux congrès interparlementaires. Le problème, c’estque quand ils partent à l’étranger, la presse se plaint qu’ils passent leurstemps à voyager, alors ils ne veulent plus partir pour ne pas dégrader leurimage. Parfois, ce sont carrément les chefs de factions qui les retiennent(NDLR. : la leader de l’opposition Shelly Yachimovich a interdit à ses élus derater les séances de votes sur le budget en juillet dernier).
Mais il est très important de continuer à se déplacer. Par exemple, je me suisentretenu la semaine dernière avec le président de la délégation italienne àl’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au sujet de la motionanti-circoncision et il m’a dit qu’aucun Italien n’y était favorable. Lacommunication interparlementaire est très importante. Si nous ne faisons pasacte de présence, nous ne pouvons qu’être surpris lorsque le boycott oul’illégalité de circoncision sont votés. Lorsqu’on se parle, il y a toujours unpotentiel de changement. Et lorsqu’on ne le fait pas, on subit un affront.
Et que se passe-t-illorsque les délégations n’expriment pas la même opinion que le gouvernement ?Cela a été votre cas cette semaine en rencontrant les députés italiens, vousvous être montrés en faveur d’une ligne très dure sur les implantations.
La plupart du temps, les élus étrangers ne savent pas vraiment ce qui se passeen Israël. Ils se contentent de répéter des slogans comme « les implantationssont un obstacle à la paix ». Il faut leur faire entendre une analysedifférente. Nous sommes en démocratie : certains Israéliens sont d’accord avecmoi, d’autres non. Les élus internationaux doivent le comprendre. Et il existecertaines questions légitimes que l’on peut poser sans pour autant devenir undangereux extrémiste, de droite comme de gauche.