Ce que veut Kerry, ce que veut Abbas

Washington et Ramallah ne cessent de répéter qu’elles ne souhaitent pas interférer dans les élections israéliennes, et pourtant, sur le terrain, chacun a déjà choisi son camp

Ce que veut Kerry, ce que veut Abbas (photo credit: REUTERS)
Ce que veut Kerry, ce que veut Abbas
(photo credit: REUTERS)
Un éditorialiste américain a écrit cette semaine : « Tout ce que John Kerry demande pour Noël, c’est un Israël sans Bibi ». Car ce que Kerry souhaite le plus pour la nouvelle année, c’est résoudre enfin le conflit israélo-palestinien. Certains vont plus loin : le secrétaire d’Etat américain souhaiterait le retour de Tzipi Livni, soit au poste de Premier ministre, soit à un poste clé dans le dossier israélo-palestinien. Même si l’administration américaine a répété qu’elle n’interférerait pas dans la campagne électorale israélienne, ces hypothèses ont été presque confirmées cette semaine. Jeudi, après avoir menacé d’imposer le veto américain si une résolution palestinienne était présentée devant le Conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire d’Etat américain aurait déclaré, en petit comité, qu’un tel vote risquait de renforcer Netanyahou et les partis de droite. Tollé à Jérusalem. Tzipi Livni affirme avoir soufflé ces conclusions à John Kerry. Au sein du Likoud, on l’accuse de faire passer ses intérêts avant ceux du pays. Quoi qu’il en soit, la préférence de Kerry est confirmée.
Mais qu’en est-il du chef de l’Autorité palestinienne ? Que veut Mahmoud Abbas pour l’Aid Milad un Nabi, qui marque le jour de la naissance du prophète Mahomet et sera célébrée le 3 janvier dans les Territoires palestiniens ? La réponse risque de surprendre : à l’inverse de Kerry, Abbas ne veut pas voir Bibi partir. Ces derniers mois, le leader palestinien met tout en œuvre pour s’assurer que Benjamin Netanyahou reste à la tête du pays. Il clame qu’il faut empêcher les juifs de « contaminer » le mont du Temple, enflamme la situation à Jérusalem, poursuit les actions unilatérales dans l’arène internationale.
Il joue clairement le jeu du chef du Likoud. Pourquoi ? Parce que les Palestiniens veulent un Etat, et ils veulent l’obtenir à moindre coût. La nouvelle tactique palestinienne est de pousser la communauté internationale à imposer un accord à Israël, sans qu’eux n’aient à faire la moindre concession. Et cette stratégie n’aboutira que si Netanyahou reste au pouvoir. Si Itzhak Herzog ou Tzipi Livni, Yaïr Lapid ou Moshé Kahlon se retrouvaient à la tête d’un nouveau gouvernement, la communauté internationale relâcherait instantanément la pression, ne serait-ce que provisoirement, le temps de voir comment les affaires sont gérées. Et c’est la dernière chose que veut Mahmoud Abbas, quand il sent être à deux doigts de voir le monde imposer ses revendications à Israël.
La même stratégie, depuis Yasser Arafat…
Depuis le début du processus d’Oslo en 1993, l’objectif des Palestiniens est resté le même. Obtenir sans rien donner. Seule la tactique a changé. En 1993, Yasser Arafat décide que le meilleur moyen d’atteindre son but est de mettre fin aux détournements d’avions et de négocier. Donc il négocie. Ce sont les accords d’Oslo, qui le mènent sept années plus tard à Camp David, en compagnie d’un Premier ministre de gauche, Ehoud Barak. Et ce qu’Arafat comprend alors, c’est que le maximum qu’il puisse obtenir d’un leader de gauche, ne correspond même pas à ses exigences minimales. Arafat, à Camp David, à l’été 2000, se retrouve devant deux options : faire des concessions, ou changer de tactique.
N’étant pas vraiment un homme de compromis, il change de stratégie. Peu après l’échec de Camp David, éclate la seconde Intifada. La logique est simple : si on ne peut pas obtenir ce que l’on veut des Israéliens par la voie des négociations, faisons couler leur sang, pour l’obtenir de force. Mais ça ne marche pas. Le terrorisme n’a pas rapproché les Palestiniens de leur objectif. Il faut encore une fois changer de stratégie. L’idée : laisser s’impatienter la communauté internationale pour qu’elle impose une solution à Israël. Cette tactique porte aujourd’hui ses fruits. Alors, ce n’est pas le moment pour Abbas de voir celui que le monde blâme pour l’inertie du processus de paix, quitter la scène prématurément.
Mahmoud Abbas a déjà négocié avec Ehoud Olmert et Tzipi Livni, et il sait que – comme dans le cas de Barak et Arafat – la plus généreuse des offres côté israélien ne correspond pas à ses exigences minimales. Si Olmert et Livni ne pouvaient satisfaire ses demandes, il y a peu de chance que Herzog et Livni y parviennent. Seule la communauté internationale semble prête à le faire.
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