La droite s'effrite

La campagne électorale est lancée depuis une semaine à peine. Le bloc de centre droit apparaît divisé et de nouvelles alliances se profilent

La droite s'effrite (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
La droite s'effrite
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Pas de repos pour Benjamin Netanyahou. Depuis qu’il a dissous la Knesset et lancé la course à des élections anticipées, le Premier ministre doit faire face à des rebondissements qui ne présagent rien de bon pour son avenir politique. En une semaine, il a réussi à esquiver la menace Gidon Saar au sein même du Likoud, alors qu’à sa gauche, Livni et Herzog ont uni leurs forces pour le détrôner. Même si le « parti à deux têtes » le talonne dans les sondages, tous les analystes politiques s’accordent encore à dire que Netanayhou restait le plus apte à former un nouveau gouvernement, avec ses alliés du bloc de centre droit : HaBayit HaYehoudi, les partis orthodoxes Shas et Yahadout Hatorah et Israël Beiteinou.
« Je n’exclus ni Bibi, ni Bouji », a affirmé Avigdor Liberman dans un discours à Tel-Aviv. Avant d’attaquer le Premier ministre : « La politique, c’est comme le football, il est primordial de garder l’initiative, de ne pas se laisser imposer. Au cours de l’opération Bordure protectrice, j’ai dit qu’il ne fallait pas se laisser entraîner et pourtant cela a été le cas, nous n’avons pas pris l’initiative. » Des propos qui auraient mis le chef du gouvernement dans une colère noire.
Pourquoi Netanyahou a-t-il réagi si violemment ? Peut-être parce que Liberman a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : les jours de la droite contre la gauche sont révolus. Les blocs se sont désagrégés. Leur date de péremption est dépassée. Aujourd’hui, tout le monde veut être au centre.
Toutes les alliances sont désormais plausibles. Toutes les combinaisons sont concevables. Liberman peut se présenter aux côtés de Yaïr Lapid. Moshé Kahlon peut signer un accord avec Liberman. Tout le monde négocie avec tout le monde.
Avant, il y avait des blocs politiques. La droite contre la gauche. Aujourd’hui, il y a des hommes, et des femmes, à la tête de blocs. On constate plus que jamais l’émergence d’une politique centrée sur la personnalité des leaders au risque de remplacer les anciennes identités politiques fondées sur une idéologie.
Le plan de paix que Liberman a récemment présenté –fidèle aux grandes lignes de ce qui est son programme depuis des décennies – ne semble tout à coup plus si différent de celui défendu par Livni et Herzog, qui ressemble quant à lui à celui de Yaïr Lapid, qui n’est lui-même pas si éloigné des idées de Moshé Kahlon. A noter : Kahlon avait exprimé son soutien à Benjamin Netanayhou avant son discours à l’université de Bar Ilan, dans lequel le Premier ministre s’était engagé pour la solution de deux Etats pour deux peuples. Dans ce contexte, Netanayhou est anxieux. Il a des raisons de l’être. Il s’est déjà mis à dos plusieurs acteurs de la scène politique : il n’y a rien à ajouter sur l’état de sa relation avec Lapid, et c’est lui qui a chassé Kahlon du Likoud il y a quelques mois. Maintenant c’est Liberman qui s’éloigne. Quant à Herzog et Livni ? Ils ne s’opposeront pas à ce que Netanyahou fasse partie du prochain gouvernement, mais dans une position de second rôle.
Le nouveau Liberman
Samedi soir 13 décembre, le chef d’Israël Beiteinou a séduit le public de Tel-Aviv lors de son discours au théâtre Habima. L’édition 2014 d’Avigdor Liberman est plus posée, plus modérée, plus optimiste que le cosaque russe auquel l’électeur est habitué depuis deux décennies. Il a certes répété que les Arabes israéliens devaient choisir leur camp. Mais s’est étonné d’être applaudi. A Tel-Aviv, peu avaient pourtant voté pour lui aux dernières élections.
C’est qu’il a un bon argumentaire de vente. A l’entendre, c’est lui l’adulte responsable. La brute de quartier qui semait la terreur dans le tout le Moyen-Orient en mettant le feu aux relations diplomatiques avec l’Europe et les Etats-Unis s’est transformée en un politicien respectable qui prône la modération et se dit prêt à céder des territoires et à négocier avec l’ensemble du monde arabe. Même si le ton reste agressif quand il parle des députés arabes Hanin Zoabi et Ahmed Tibi.
Alors pourquoi Liberman refuse-t-il de se déclarer candidat au poste de Premier ministre ? Parce qu’il estime qu’Israël n’est pas encore prêt.
Plutôt que de le prendre d’assaut, Liberman se dirige à pas feutrés vers le bureau du Premier ministre. Il fait du ménage au sein de son parti, apporte du sang neuf et espère remporter les 10 ou 15 sièges que les sondages lui prédisent, dans le but de devenir un acteur stratégique au lendemain du scrutin.
Stratégique à quel point ? S’il rejoint la grande famille Herzog-Livni, au vu de la grande générosité d’Herzog, il pourrait être lui aussi Premier ministre par rotation. En se rapprochant progressivement du premier rôle, il ménage l’opinion publique. Ce n’est pas quelque chose qu’il réussira à imposer en un seul tour, mais le temps est son meilleur allié.
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