Femmes à la barre

La discipline a déjà envahi les milieux religieux aux Etats-Unis. La pole dance débarque désormais en Israël, un sport sensuel réservé aux femmes

La pole dance a séduit les jeunes femmes orthodoxes (photo credit: © Yossi Zamir)
La pole dance a séduit les jeunes femmes orthodoxes
(photo credit: © Yossi Zamir)

Ayelet Finkelstein a 25 ans. Née dans une famille de huitenfants, elle a grandi entre sionisme et pratique religieuse, dans uneimplantation non loin de Ramallah. Après avoir étudié le hassidisme lors d’unséminaire à Safed, elle s’est essayée en tant que maquilleuse artistique avantd’abandonner ses pinceaux et autres fards pour se lancer dans la pole dance.

Voir sa fille devenir danseuse à la barre verticale pourrait être le cauchemarde chaque mère juive. Mais pas dans le cas de la famille de Finkelstein. Laraison : elle ne se produit ni dans des clubs de striptease, ni devant deshommes. Au lieu de cela, elle a ouvert à Jérusalem, dans le quartier de MahaneYehouda, le premier studio de pole dance, exclusivement réservé aux femmes. Etl’a nommé à juste titre : Pole et Fitness de Jérusalem.
La pole dance comme forme d’exercice est à la mode, notamment aux Etats-Unis oùil a fait surface ces dernières années via Sarah Jessica Parker ou LindsayLohan ferventes adeptes de ce sport. Les cours de Finkelstein accueillent desparticuliers et des groupes entiers. Ils mêlent différentes disciplines tellesque yoga, danse, aérobic, et aussi, mouvements sensuels. La pole dance est lemeilleur exercice pour tonifier les muscles, raffermir le corps et augmenter saflexibilité.

En Israël, comme dans d’autres pays, le concept comportetoujours une connotation pornographique, même si l’apparition d’écoles de poledance à Tel-Aviv permet de redresser son image. “Quand les gens me demandent ceque je fais, je me présente comme une coache personnelle”, confie Finkelstein.“Qu’est ce que je peux faire ? Il y a des stigmates attachés à la pole dance,et quand les gens rencontrent la jeune fille religieuse que je suis, ils necomprennent pas”.

Ironie du sort, d’après Finkelstein les réactions les plus négativesproviennent de la communauté laïque. “Lorsque je parle de ce que je fais avecdes religieuses, elles haussent les épaules, mais l’acceptent.
Or, les laïques font des commentaires du genre : Oh, tu veux devenirstripteaseuse, c’est ça ?” La mission de Finkelstein est donc de modifier laperception de la pole dance pour la présenter comme une discipline artistique.
Glorifier le corps

La danse ne semble pas une priorité pour les habitants desimplantations.

Comment donc une jeune femme issue des contrées pastorales de Judée s’est-elleengagée dans cette activité ? “J’ai toujours été concernée par le problème dela maigreur”, admet-elle. “J’étais obsédée par l’idée de ressembler à unmannequin. Je me suis pourtant rendue compte que ce n’était pas l’approche laplus saine. J’ai découvert la pole dance et tout à coup j’ai réalisé que vouspouvez ressembler à un être humain normal... et vous sentir bien dans votrecorps. A vrai dire, une fois que j’ai commencé à m’entraîner, j’ai perdul’envie de devenir mince. Être frêle et maigre n’est simplement pas favorable àla maîtrise du pole. Vous voulez donc prendre du poids et vous muscler”.
Finkelstein a reçu son diplôme officiel après s’être entraînée à New York, la capitale dela pole dance, sur la côte est. A Brooklyn, ladiscipline a déjà semé un vent de tempête sur le monde orthodoxe : desmarieuses aux vendeuses de perruques...toutes s’inscrivent aux leçons.
Parmi les aspects attrayants de ce sport : ses nombreuses facettes. “C’estdifférent pour chaque femme que j’entraîne”, affirme Finkelstein. “Certainesveulent apprendre des gestes techniques, les rotations, les acrobaties, tandisque d’autres veulent se sentir bien dans leur corps et se familiariser avec ladanse. D’autres encore souhaitent perdre du poids, en gagner, ou augmenter leurmasse musculaire.”
“La pole dance répond à tous ces besoins et permet aux femmes de vaincre leurscomplexes. Elles se sentent fortes, élégantes, sexy, puissantes et pleines degrâce, parce que ce sport glorifie les courbes féminines. Vous cessez de voussoucier de votre silhouette parce que vous avez toujours l’air formidablecontre une barre verticale.”
Thérapie dansante

Quand Finkelstein a ouvert son studio, elle a entraînéune jeune fille souffrant de grave anorexie. Les premiers cours ont été undésastre, car elle était trop faible pour bouger comme il faut, et même pouragripper fermement la barre. En plein été, la jeune fille portait des pantalonslarges et des sweat-shirts parce qu’elle avait constamment froid.

Après plusieurs mois de leçons, la conscience qu’elle avait de son corps s’estbrutalement transformée. Un revirement qui lui a permis d’adopter une attitudebien plus saine. Elle a commencé à prendre du poids et a compris que si ellevoulait réussir dans le domaine de la pole dance, elle devait commencer paravaler un petit-déjeuner, chose qu’elle n’avait jamais faite avant de commencerles leçons. Selon Finkelstein, la transformation frôle le miracle. “Elle arepris des couleurs et porte désormais des shorts ! Elle est devenue bien plusfière de son corps et de cellequ’elle est.”
Hadas Erez, 29 ans, a de son côté souffert d’obésité pendant de nombreusesannées. Depuis qu’elle a commencé les leçons de pole dance, il y a 3 mois,l’image qu’elle avait d’elle-même s’est considérablement améliorée. “Pour lapremière fois de ma vie, je me sens bien dans mon corps.
Cela m’a aidé à avoir confiance en moi”, déclare-t-elle.
Erez, également issue d’une famille religieuse assure que les gens trouventamusante sa toute nouvelle occupation.
“Au début, ils étaient sceptiques, mais depuis qu’ils me voient aussi heureuse,cela ne leur pose aucun problème”.
Pour la jeune femme, la pole dance est un sport avant tout. Mais un sport quil’autorise à être une femme. Et d’attribuer ce mérite à Finkelstein. “Ayeletcroit en moi quand je n’en suis pas capable. Elle m’a appris à renouer avec maféminité”.
Peut-être parce que c’est un sport qui mêle tant de processus différents aussibien physiques que psychologiques, Finkelstein a été témoin de plus de dramesdans son studio que dans la clinique d’amaigrissement la plus sévère.
“Des élèves se sont effondrées et ont pleuré jusqu’à la limite de l’hystériesuite à une prouesse difficile. D’autres tournent autour de la barre et medisent que jamais dans leurs rêves les plus fous, elles auraient pensé êtrecapables de faire cela. C’est incroyable de les voir.
Pour moi, regarder ces femmes progresser sur elles-mêmes, corps et esprit à lafois, et les voir devenir de plus en plus à l’aise avec ce qu’elles sont, c’estla satisfaction ultime.”