Syrie, tentative de trêve “mort-née”

Face aux velléités de cessez-le-feu orchestrées par Lakhdar Brahimi, les deux camps ont dit “non !”, malgré l’Aïd

Syrie treve 521 (photo credit: Reuters)
Syrie treve 521
(photo credit: Reuters)
Dimanche 28 octobre, la trêve syrienne instaurée deux jours plus tôt, vendredi 26, à la demande du médiateur de l’ONU et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, volait définitivement en éclats. L’accalmie n’aura duré que quelques heures à peine. Muhammad Doumany, militant situé à Douma dans la banlieue de Damas, l’affirme : “La trêve a été déclarée, mais personnellement, je n’ai pas vu la moindre différence entre avant et après.” S’accusant mutuellement d’avoir enfreint les règles du cessez-le-feu - réclamé à l’occasion des quatre jours de la fête musulmane de l’Aïd Al-Adha, de vendredi à lundi - régime et rebelles ont bel et bien repris les armes.
Depuis mars 2011, face à la répression sanglante opérée par les troupes du régime, qui tiraient sur des manifestants pacifiques, le soulèvement populaire s’est militarisé au fil des semaines. Après 19 mois de guerre civile, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) fait état de 35 000 victimes et de centaines de milliers d’exilés. Depuis vendredi, l’Observatoire recense près de 300 nouveaux décès à travers le pays : 146 vendredi, 114 samedi et 23 dimanche, à savoir 9 civils, 7 soldats et 7 rebelles, selon un bilan provisoire. S’appuyant sur un réseau de militants et de sources médicales, l’Observatoire, établi au Royaume- Uni, reçoit ses informations de tous les hôpitaux civils et militaires de Syrie.
Quelques heures seulement après l’instauration de la trêve, dans la province de Damas, l’aviation a lancé trois raids sur Erbine, Zamalka et Harasta, au nord-est de la capitale, où sont retranchés de nombreux rebelles. Les insurgés ont, quant à eux, pris le contrôle de trois postes de l’armée à Douma, près de Damas. A Alep, des combats ont eu lieu entre l’armée et des factions islamistes de la rébellion comme le “Bataillon des soldats de Mahomet”, les “Bataillons de l’Islam” ou encore l’influent Front al-Nosra. Ces groupes ne relèvent pas directement de l’Armée syrienne libre (ASL).
L’armée officielle, qui tente de récupérer des bastions rebelles dans les provinces de Damas et d’Idleb (nord-ouest) avec l’aide de raids aériens, s’est justifiée en assurant qu’elle ne faisait que “riposter” aux attaques rebelles. Face aux bombardements en série, l’opposition a qualifié de “mortnée” l’initiative de Lakhdar Brahimi. En avril 2012, son prédécesseur Kofi Annan avait déjà tenté de mettre sur pied un cessez-le-feu, tentative qui s’était soldée par un échec.
Selon un diplomate, membre de l’ONU, “le processus politique ne débutera pas avant qu’Assad et l’opposition se soient tellement battus qu’ils n’aient plus d’autre choix. Ils n’en sont pas encore là, mais Brahimi a quelques idées”. L’émissaire de l’ONU ne s’avoue pas vaincu. Il compte revenir en novembre devant le Conseil de sécurité de l’ONU, muni de “quelques idées d’action” pour mener le président Bashar el-Assad et l’opposition à la table des négociations.
A La Mecque, où des millions de pèlerins effectuaient dimanche les derniers rites du hajj, des Syriens brandissaient le drapeau de la révolution et scandaient des slogans antirégime. “Que Bashar connaisse le même sort que (Mouammar) Kadhafi” : telles étaient les paroles de dizaines de fidèles, en référence au dirigeant libyen mort l’an dernier. La Syrie n’a pas envoyé de ressortissants cette année à La Mecque, mais l’Arabie Saoudite a accordé 10 000 visas de hajj aux réfugiés syriens au Liban, en Turquie et en Jordanie.
L’Arabie Saoudite, très critique vis-à-vis du régime, soutient la rébellion. Vendredi, l’imam de la Grande mosquée de La Mecque a appelé la communauté internationale à prendre des mesures “pratiques et urgentes” pour mettre fin au bain de sang : “Le monde doit assumer sa responsabilité face à la poursuite de cette catastrophe douloureuse”, ajoutant que “la responsabilité est plus grande pour les Arabes et les musulmans qui doivent soutenir d’une seule voix l’opprimé contre l’oppresseur”.
Reste à voir si les propositions présentées par Lakhdar Brahimi le mois prochain répondront aux attentes.