La Torah n’est pas un conte de fées

Va-t-on lentement vers la fin du peuple juif ? L’évolution démographique de notre peuple dans le monde préoccupe les responsables communautaires, et cela ne date pas d’aujourd’hui

La Parasha de la semaine (photo credit: Wikimedia Commons)
La Parasha de la semaine
(photo credit: Wikimedia Commons)

Les chiffres sont en effet inquiétants : la population juive mondiale compterait 13 millions d’individus. Il va de soi qu’il faut toujours avoir présent à l’esprit la catastrophe qu’a constitué le génocide du tiers de notre peuple. Nous continuons aujourd’hui à subir les effets de la Shoah dans bien des domaines. On imagine combien de génies en herbe, combien de sages, de rabbins, de Rachi et de Maïmonide, d’Einstein et de Freud, ont été réduits en cendres.

Aujourd’hui, l’ignorance de nos valeurs millénaires entraîne l’assimilation. Elle affaiblit nos rangs et dessèche une partie essentielle de nos énergies. Ce renoncement identitaire frappe de plein fouet nos communautés un peu partout dans le monde. Un des démographes israéliens les plus connus, Sergio della Pergola, considère que c’est à ce phénomène qu’il faut attribuer la baisse fulgurante de la participation aux activités communautaires.
Selon un autre observateur avisé – le Rav Adin Steinsaltz – à chaque minute qui passe, nous perdons un Juif qui abandonne la communauté.
La lente fin du peuple juif… c’est ce que nous risquons si l’éducation formelle ou informelle ne redevient pas la préoccupation première.
Il fut un temps où la question ne se posait pas. L’étude était la plus importante des vertus. Et l’on sait que depuis les temps anciens il n’y avait pas d’analphabétisme en Israël. Au contraire, il existait un système de scolarité obligatoire pour les enfants et un recyclage permanent pour les parents. Des éléments de réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés se retrouvent dans le Seder de Pessa’h. La fréquentation de l’école juive doit être complétée par le vécu familial à la maison.
Il faut s’adresser à chacun dans le langage qui convient à son âge et à son niveau intellectuel. Cette attitude correspond aux dialogues avec les quatre enfants de la Hagada. Or, actuellement, on présente trop souvent à tout un chacun « une approche enfantine » de la Torah.
On comprend dès lors le sourire que l’on voit flotter sur les lèvres de tel ou tel universitaire lorsqu’il entend le mot « Torah ». En effet, il se souvient des cours puérils rabâchés d’année en année et pendant lesquels on enseignait les mêmes histoires saintes.
Encyclopédie de la vie
Est-ce uniquement une religion ? Plutôt un mode de vie. Une Foi ? Il ne nous est pas demandé de connaître l’Eternel. Le rabbin est-il un intermédiaire, un confesseur ? Non, c’est un maître, un enseignant. Un Talmid ‘Hakham, un élève de la Sagesse et pas quelqu’un qui sait tout. Cette série de négations est symptomatique de la situation actuelle ; nous n’apprécions plus vraiment ce qu’est le judaïsme.
La Torah est un enseignement, une véritable encyclopédie de la vie. Ceux qui traduisirent ce terme par « Loi » voulaient en fait opposer, à tort, l’esprit à la lettre et l’âme au corps.
Le judaïsme ne vise pas à l’ascétisme, mais au contraire la réalisation ici-bas d’une société juste et d’un monde meilleur où s’harmonisent le temporel et le spirituel. Malgré les antinomies qui marquent l’existence humaine, le fidèle tend à surmonter tous les dualismes par la pratique des mitsvot.
La Torah est une doctrine d’unité grâce à laquelle s’harmonisent la raison et la foi, la politique et l’éthique, la justice et la charité. Transgresser les lois bibliques, c’est faire une « avéra ». Ce mot hébreu signifie « transgresser » mais aussi « passer ». C’est-à-dire traverser l’existence sans se poser des questions sur son sens et sans agir de façon véritablement positive.
Le judaïsme est de nature foncièrement optimiste parce qu’il nous enseigne à croire en Dieu et en l’homme. En dépit de l’existence du mal, la volonté de l’homme est plus forte que la fatalité. La recherche de la Justice transforme la société. Les valeurs morales sanctifient le quotidien. Le Bien et l’amour d’autrui nous conduiront à la fraternité universelle.
La Bible se différencie d’ailleurs des autres doctrines religieuses. Le christianisme décrit les êtres humains comme étant écrasés sous le poids du péché originel. L’islam proclame la dépendance de l’homme devant les décrets divins. Dans le bouddhisme, le fidèle semble rester figé dans la contemplation mystique. Le seul moyen de s’affranchir de la souffrance est alors dans le renoncement.
Par contre, seul le judaïsme, avec son dynamisme fécond, met en œuvre toutes les énergies humaines pour triompher du matérialisme et améliorer pleinement la condition humaine.
Comme l’écrivait, Edmond Fleg : « La Parole d’Israël est la plus ancienne et la plus nouvelle ».  u
L’auteur dirige le centre Shorashim pour les étudiants de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Tél. : 054 239 97 91
Chaque mois, vous trouverez dans cette rubrique les réponses aux questions que vous souhaitez poser : french@jpost.com