Plus jamais ça : la lourde tâche de Yad Vashem

Dès le départ, Yad Vashem a dû surmonter de nombreux obstacles pour atteindre son objectif : honorer les victimes et les survivants de l’Holocauste. Histoire d’un lieu de recueillement et de souvenir

P18192021 JFR 370 (photo credit: Yossi Ben David)
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(photo credit: Yossi Ben David)

Formation, Consolidation, Défis. Tel est le titre du colloque international qui s’est tenu, il y a quelques semaines, à Yad Vashem, pour le 60e anniversaire de l’Institut de l’Holocauste de Jérusalem, connu dans le monde entier. De nombreux dignitaires et professionnels israéliens, français, allemands, polonais et américains figuraient au nombre les intervenants.

Parmi eux le président du Conseil de Yad Vashem et ancien Grand Rabbin d’Israël, Israël Meïr Lau ; l’historienne américaine Deborah Lipstadt, auteure de livres sur la négation de l’holocauste et le procès Eichmann ; le Dr Susanne Heim de l’université de Fribourg en Allemagne ; et le président du directoire de Yad Vashem, Avner Shalev.

Shalev dirige l’institution depuis 1993. C’est lui qui a supervisé les changements fondamentaux d’orientation et de structure du campus du mont Herzl. Son passé d’officier haut gradé dans l’armée israélienne l’a certainement préparé à ses fonctions actuelles. Dans les années 1970, il dirigeait le cabinet du chef d’état-major de l’époque, David Elazar. Il prend ensuite en charge le département de l’éducation à Tsahal. Au cours de ce dernier mandat, il introduit des programmes d’information et de sensibilisation des soldats à la Shoah.

Après avoir quitté l’armée, Shalev est chargé par le gouvernement de fonder et diriger l’Autorité de la culture. Il assure également la présidence du Conseil national des Arts et de la Culture, où il procède à l’affectation de fonds publics à un large éventail de programmes éducatifs, y compris des activités culturelles pour les écoliers.

Dans une boîte à chaussures

Shalev est né à Jérusalem en 1939 et n’a pas de lien familial direct avec la Shoah. Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, les survivants du génocide débarquent dans le pré-Etat de Palestine. Shalev et ses camarades sabra découvrent leurs coreligionnaires d’Europe, qui ont connu une enfance très différente de la leur. « Nous savions peu de chose sur la Shoah, seulement quelques histoires », confie-t-il.

C’est au jeune âge de sept ans qu’il commence à percevoir l’horreur des camps de concentration. « J’avais un ami, qui habitait près de chez moi, dont l’oncle était un survivant. Il avait ramené avec lui toutes sortes de photos d’Europe que quelqu’un, probablement sa mère, avait caché dans une boîte à chaussures. Un jour qu’il n’y avait personne à la maison, nous nous y sommes glissés et – je m’en souviens comme si c’était hier – nous avons retiré la boîte à chaussures de dessous le lit et avons trouvé plein de photos à l’intérieur. C’étaient des images horribles, de celles que nous avons tous apprises à reconnaître depuis, de monceaux de corps émaciés de Dachau et de Buchenwald. L’oncle avait dû se procurer ces photos auprès de soldats américains et britanniques. Ce que j’ai vu m’a traumatisé. »

Peu à peu, Shalev rencontre des survivants de son âge à son école de Ramat Gan. « J’étais en cinquième et nous découvrions le calvaire qu’ils avaient vécu en Europe, par bribes. A l’époque, on les appelait les réfugiés, mais ce n’était pas le mot juste pour leur situation. Ils ne parlaient pas de ce qu’il leur était arrivé. »

Au cours de ces vingt dernières années, la direction de Yad Vashem a veillé à ce que les histoires des survivants de l’Holocauste soient racontées de la manière la plus forte et la plus accessible possible à un public aussi large que possible, issu d’Israël et de l’étranger.

Derrière les chiffres, un nom et un visage

Aujourd’hui, le site tentaculaire de Yad Vashem, ou le Mémorial du souvenir des martyrs et des héros de la Shoah, comprend plus d’une douzaine de bâtiments répartis sur près de 45 hectares.

Le nouveau musée de l’histoire de l’Holocauste, inauguré en 2005, abrite neuf galeries souterraines qui racontent l’histoire de la Shoah suivant un récit chronologique et thématique.
Les expositions comprennent une grande variété d’objets originaux, de témoignages, de photos, de documentation, d’art et de présentations multimédia. Sans oublier le Hall du souvenir, le Jardin des Justes parmi les Nations, le bâtiment des archives et de la bibliothèque, le centre pédagogique, la synagogue et le centre visuel.

Derrière l’austérité cruelle des chiffres qui dénombrent les victimes de l’Holocauste, souligne Shalev, l’institut investit énormément pour raconter les histoires des gens et des familles dont la vie a été dévastée, sinon brisée par les événements d’avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. La salle des noms de Yad Vashem contribue largement à traduire l’ampleur de la tragédie sur un plan personnel et individuel, et se nourrit de la recherche et de pages de témoignages complétées par des survivants avec des informations sur leurs proches disparus.

Aujourd’hui, Yad Vashem est le centre le plus important de l’Holocauste dans le monde, mais les choses n’ont pas toujours été simples. « En 1988, le site était menacé de fermeture en raison de difficultés financières », explique Shalev. Si l’on considère la place centrale de la Shoah dans l’existence même de l’Etat d’Israël, et le nombre de survivants ou enfants de survivants de seconde, troisième et désormais quatrième générations qui résident en Israël, l’absence d’un mémorial du souvenir est difficile à imaginer. Et pourtant.

Une maison du renouveau

Le coup d’envoi de l’institut a été donné officiellement en 1953, lorsque la Knesset adopte la Loi du Souvenir des martyrs et des héros (Yad Vashem) qui ouvre la voie à la création du Mémorial. Cependant, le concept de commémoration des victimes de la Shoah a vu le jour bien avant, alors même que se déroulaient encore les horreurs du massacre en Europe.

« C’est absolument extra­ordinaire », souligne Shalev, « de constater que l’idée a été proposée la première fois en 1942, par un Juif hors du commun. Mordehaï Shinhabi a élaboré le projet d’un recueil de témoignages de la Shoah, qu’il a appelé « la maison du renouveau ». C’était quand les premières nouvelles ont commencé à arriver ici sur l’assassinat des Juifs. »
Shinhabi était apparemment une personne influente, capable de faire bouger les choses sur tous les fronts. L’homme idéal pour lancer le projet Yad Vashem. « Il s’est rendu à Jérusalem pour parler aux dirigeants de l’Agence juive et du Yishouv. Dès la fin de la guerre, il s’est à nouveau adressé à eux. Il envisageait la mise en place d’un centre quelque part en Israël, il ne savait pas où. Finalement, il a été décidé de le construire dans la capitale », poursuit Shalev.
Shinhabi porte l’initiative sur la scène internationale, lors d’un voyage à Londres, pour assister au Congrès sioniste mondial en 1945. Les congressistes prêtent une oreille attentive et favorable à la proposition, mais, comme le souligne Shalev, les dirigeants de l’Etat juif embryonnaire ont à ce moment-là d’autres chats à fouetter. « Toute l’énergie était canalisée vers la lutte pour la création de l’Etat. C’était une époque tumultueuse et très intense pour le Yishouv. »

Un nombre de plus en plus important de survivants arrivent en Israël, la prise de conscience de l’Holocauste s’en retrouve accrue, et, avec elle, l’entreprise de Yad Vashem se développe malgré tout. Le berceau initial de l’institut est plus que modeste, mais les activités liées à la documentation des événements de la Shoah décollent pour de bon peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

« En 1946, un appartement de trois pièces était loué au 27 de l’avenue King George à Jérusalem. Mais c’est surtout à cette époque que les premiers témoignages de survivants, récoltés dans les camps de réfugiés, ont commencé à arriver », explique Shalev.

Les premiers témoignages

A ces derniers s’ajoutent de précieux documents conservés pendant la guerre, et découverts dans des dépôts à la valeur inestimable comme les Archives Ringelblum, tenues par Emanuel Ringelblum, un historien juif polonais, politicien et éducateur. Les archives comprennent une douzaine de boîtes métalliques et de packs de lait contenant des copies de plusieurs journaux clandestins, un compte rendu des déportations du ghetto de Varsovie, et les avis publics du Judenrat – le conseil de dirigeants juifs – ainsi que des papiers de la vie quotidienne, comme des invitations au concert, des coupons de lait et des emballages de chocolat.

« La nécessité de recueillir de la documentation sur la Shoah gagnait les esprits », poursuit Shalev. « Immédiatement après la guerre, et même avant, à partir de 1944, lorsque l’armée soviétique a libéré certaines parties de l’Europe, les survivants ont commencé à se préparer à venir ici et de nombreuses démarches pour recueillir des informations sur leurs expériences ont été effectuées. Des milliers de témoignages ont été recueillis dans des camps de réfugiés. »

C’était en grande partie le résultat d’initiatives individuelles. Il paraît d’ailleurs étonnant, considérant les horreurs nazies endurées par les survivants, certains pendant plus de dix ans, qu’ils aient cherché à raconter leur calvaire dès leur libération. « En effet, c’est très surprenant », concède Shalev. « A l’époque ils cherchaient désespérément à retrouver des membres de leurs familles. Ils avaient besoin d’amour et de chaleur humaine, et le monde s’écroulait autour d’eux. Mais malgré tout cela, ils savaient que c’était important de raconter ».
Certains de ces documents sont arrivés jusqu’à Yad Vashem. « Nous avons réuni entre 15 000 et 20 000 témoignages », déclare le président. « Normalement, l’interview d’un survivant produit environ deux à quatre pages de témoignages. C’est un matériau très précieux. »
Mais il y a également de nombreux survivants qui, pour diverses raisons, ne parlent pas de ce qu’ils ont vécu. Pendant la majeure partie de sa vie, Asher Aud, un habitant de Jérusalem âgé de
85 ans, a été de ceux-là. Mais tout a changé il y a 20 ans. « Je suis un témoin à Yad Vashem. Je raconte mon histoire à des groupes de soldats et de touristes étrangers », explique-t-il
L’octogénaire n’a pas toujours été prolixe. « Jusqu’à il a 20 ans, je n’ai jamais dit un seul mot de la Shoah, à personne », déclare-t-il, pas même à sa famille.

L’histoire d’Aud

Aud est originaire de la ville de Zdunska-Wola, près de Lodz en Pologne, où il vivait avec ses parents et ses deux frères. Il note que sa famille et les autres Juifs de sa communauté n’ont pas eu beaucoup de temps pour réagir après l’invasion nazie. « La guerre a éclaté soudainement. Un tiers de la population de notre ville était juive et nous avons commencé à fuir vers Varsovie. Je ne me souviens pas combien de temps nous avons marché – une ou deux semaines – mais les Allemands nous ont rattrapés et nous avons dû rentrer à la maison. »

Bientôt, les Juifs de Zdunska-Wola sont parqués dans un ghetto de trois rues. La situation se détériore rapidement. « Les Allemands nous coupaient la barbe et nous frappaient. Ils nous ont forcés à assister à la pendaison de 10 d’entre nous », se souvient Asher. « Puis il y a eu de plus en plus d’aktziot [rafles] et 10 autres Juifs ont été pendus. Je n’avais que 11 ans à cette époque. »
Qu’Aud ait réussi à survivre, émotionnellement, à toutes ces horreurs est un vrai miracle. « Je suis toujours là et, Dieu merci, je peux encore sourire », affirme-t-il. « Ma victoire, c’est que j’ai pu fonder une famille. J’ai 10 petits-enfants », ajoute-t-il fièrement. Une référence à sa descendance biologique, mais Asher est « menacé » de se voir envahi par une progéniture d’adoption. Notre discussion a été interrompue par un appel téléphonique, puis la visite de Raz, un médecin qui faisait partie d’une délégation de Tsahal en Pologne, dirigée par Aud il y a quelques années. Aud fait trois ou quatre voyages en Pologne chaque année, et partage ses connaissances de première main avec les jeunes et les soldats là-bas. « De nombreux participants qui m’accompagnent dans les délégations en Pologne, y compris des officiers de l’armée, veulent m’adopter comme grand-père », souligne Aud avec un sourire. « Raz est l’un d’entre eux. Il nous aide, ma femme et moi, dans toutes sortes de démarches médicales et autres. »

Ces temps-ci, l’octogénaire, qui vit dans un foyer-logement près du Centre médical de Shaare Zedek à Jérusalem – à un jet de pierre de Yad Vashem – est très occupé par des activités liées à la Shoah. « Chaque fois qu’ils ont besoin de quelqu’un pour parler à un groupe de touristes ou d’Israéliens, à la dernière minute, ils m’appellent et je vais directement à Yad Vashem. Je ne sais pas quelle est ma résidence principale et quelle est ma résidence secondaire – ici ou Yad Vashem », sourit-il.

Tout cela est loin de ressembler à ses premières années dans cette partie du monde et, même aux quatre décennies qui ont suivi. « Quand je suis arrivé ici, on me demandait tout le temps comment j’avais survécu aux camps », explique-t-il. Aud a traversé pas moins de trois camps de concentration, dont Auschwitz, et a perdu toute sa famille, sauf un frère qu’il a retrouvé de nombreuses années plus tard. « C’était comme si je devais me sentir coupable d’être en vie alors que d’autres avaient péri. »

« J’ai survécu pour raconter mon histoire »

Un sentiment qui l’a réduit au silence : il n’a plus jamais reparlé de son vécu de la Shoah. Jusqu’à ce que Mme Aud passe à l’action. « Ma femme m’a joué un tour », raconte-t-il.

L’Organisation des anciens habitants de Zdunska-Wola avait organisé un voyage en Pologne, et son épouse l’a mis devant le fait accompli. « J’ai réservé deux places pour le voyage et j’ai dit à Asher que tout ce qu’il avait à faire, c’était de descendre à l’agence de tourisme et de payer pour les billets », explique-t-elle aujourd’hui. « Il s’est précipité au beau milieu de son dîner. »
« Cela faisait trois ans que nous discutions de poser une plaque à Chelmno [un camp d’extermination] avec l’organisation », se souvient le survivant. « Nous avons commencé à en parler en 1990 et j’étais certain que je n’aurais pas la force émotionnelle d’aller avec eux. Mais ma femme a dit qu’elle avait tout arrangé – le voyage avait lieu juste deux jours plus tard – et le 29 juin 1993, je suis retourné en Pologne pour la première fois. Nous avons posé la plaque à Chelmno, puis nous sommes allés à Zdunska-Wola. Il ne restait plus rien des bâtiments de la communauté juive, à part le cimetière. Il y a une fosse commune avec 219 Juifs enterrés là, parmi lesquels peut-être ma mère et mon frère. Je ne sais pas ».
Depuis lors, il est retourné en Pologne des dizaines de fois et raconte la Shoah à tout le monde, autant qu’il le peut. « Je suis prêt à faire un saut à Yad Vashem, ou à monter dans un avion pour la Pologne, au moindre signe », affirme-t-il. « Je suis également membre du conseil de gestion de divers centres communautaires, et je parle de mes expériences là-bas aussi. Il y a des années, quad on me demandait pourquoi j’avais survécu aux camps je n’avais pas de réponse. Aujourd’hui, je sais que c’est pour pouvoir raconter mon histoire ».

Un lieu de recueillement et de souvenir

La loi de 1953 définit la fonction de Yad Vashem dans les termes les plus clairs possibles, remarque Shalev, et l’intention initiale est encore d’actualité aujourd’hui, 60 ans après. « Contrairement à certaines idées reçues, la loi ne met pas l’accent sur l’héroïsme, en le faisant passer avant la commémoration de l’Holocauste », continue-t-il.

« Si l’on observe le texte de loi attentivement, on s’aperçoit que nous sommes chargés, d’abord et avant tout, de la documentation de l’Holocauste, et aussi de nous intéresser à l’héroïsme pendant cette période et aux Justes parmi les Nations ». Jusqu’à présent, près de 25 000 personnes dans le monde ont reçu ce titre.

L’éducation est un des aspects majeurs de la mission de Yad Vashem. L’Ecole internationale d’études de l’Holocauste sur le campus du mont Herzl assume, en grande partie, ce rôle. Les chiffres sont impressionnants. En 2012, par exemple, plus de 300 000 étudiants, israéliens et étrangers, y compris des soldats de Tsahal, ont participé à des séminaires et des programmes à l’école sur le campus, et à celle de Guivatayim, près de Tel-Aviv.

L’école propose également des cours éducateurs issus du monde entier, avec 71 jours de formation d’enseignants tenus en 2012. Les membres du personnel de l’école diffusent également le message à l’extérieur du campus et à l’étranger, et, à ce jour, ont travaillé dans 30 pays à travers le monde.

Tout est fait en outre pour faciliter l’accès à l’information sur l’Holocauste et les victimes de la Shoah. « Plus de 13 millions d’utilisateurs de 212 pays ont accédé au site l’année dernière », dénombre Shalev. « Environ un tiers des utilisateurs viennent des Etats-Unis, et près de 20 % d’Israël. Le site est en plusieurs langues et nous avons aussi une école en ligne. »

Shalev tient à souligner que Yad Vashem est bien plus qu’un lieu d’exposition. « Il n’y a rien à faire. On nous considère toujours comme un musée, mais nous ne sommes pas un musée. Nous sommes un mémorial doté d’un campus appelé la Colline du souvenir. L’idée était de créer, aussi rapidement que possible, un lieu de recueillement et de souvenir. Cela correspondait à un besoin fondamental pour l’ensemble du Yishouv, y compris les anciens, comme mes parents qui sont arrivés avant la Shoah. En très peu de temps, Yad Vashem s’est retrouvé au cœur de la vie de tous ici. »

Un cimetière virtuel

Shalev décrit le triple mandat de l’institution mémorielle. « Sa fonction est tout d’abord de recueillir des témoignages. Yad Vashem assume la responsabilité de cette tâche énorme et rassemble des témoignages et des informations de partout dans le monde pour documenter cette sombre période de notre histoire. C’est une tâche immense qui va se poursuivre encore pendant de nombreuses années. » A ce jour, les archives de Yad Vashem comptent plus de 150 millions de pages de témoignages. « Nous nous efforçons de réunir les noms de tous les Juifs assassinés durant la Shoah », poursuit Shalev. « C’est d’une importance capitale. Nous étions conscients, dès le départ, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la nécessité de constituer une archive, une sorte de cimetière virtuel, avec les noms de tous les Juifs laissés sans sépulture. C’était l’un des objectifs principaux au début des années 1950. »

Cette tâche a connu des hauts et des bas, mais la situation s’est améliorée à partir du moment où Shalev a pris ses fonctions à Yad Vashem. « Aujourd’hui, nous possédons environ 4,2 millions de noms de victimes de la Shoah. Il y a une quinzaine d’années, je n’aurais pas été optimiste à l’idée d’atteindre les 5 millions de noms, mais nous sommes maintenant sur la bonne voie pour arriver à ce chiffre. »

Vu la propension nazie à tenir des registres de tout, on aurait pu s’attendre à ce que cela facilite le travail de Shalev et de son équipe pour retracer les événements pendant la Shoah et connaître le sort des victimes. Shalev affirme le contraire. « Les Allemands n’étaient finalement pas si ordonnés que ça. En Europe occidentale, il y avait des listes précises des transports, mais il n’y a absolument aucune trace de la plupart des lieux en Europe centrale et orientale. Les Allemands n’avaient pas grand intérêt à noter les noms, ils cherchaient plutôt à comptabiliser des chiffres. »

La recherche est également une des premières priorités de Yad Vashem. Ce travail très important est réalisé par l’Institut international de recherche sur l’Holocauste. « Au départ, il y avait des divergences d’opinion sur la façon de mener la recherche », explique Shalev. « Certains, comme le ministre de l’éducation d’alors, le professeur Ben-Zion Dinur, préféraient une approche plus académique. Mais, dans tous les cas, la portée de la recherche et la publication des résultats ne faisaient aucun doute. »

La bibliothèque de Yad Vashem abrite actuellement 127 000 publications et livres, en plus de 50 langues, mis à la disposition du public.

Aujourd’hui, 60 ans après le début des travaux de construction au mont Herzl, la réputation mondiale de Yad Vashem est incontestable dans le domaine de la commémoration et de l’étude de la Shoah. « Un grand journal a qualifié Yad Vashem « la huitième merveille du monde », souligne Shalev. « Au cours des 20 dernières années, nous avons investi de gros efforts pour améliorer son efficacité et le rendre esthétique, afin d’en faire une source d’information agréable à consulter. Nous faisons de notre mieux pour raconter l’histoire de la Shoah de la manière la plus humaine possible. » 

 

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