La troisième guerre de Gaza

Tzouk Eitan, un conflit « asymétrique » où Tsahal se comporte de manière plus que morale. Décryptage.

Frappe sur Gaza (photo credit: REUTERS)
Frappe sur Gaza
(photo credit: REUTERS)
L’ennemi est extrémiste et pratique le djihad, la guerre sainte islamique se proposant d’annihiler l’Etat juif avec sa population. Sa stratégie : se terrer avec ses missiles au cœur de la population civile de Gaza transformée en « bouclier humain » pour violer, quand bon lui semble, la souveraineté et l’intégrité territoriales d’Israël – qui s’est pourtant totalement retiré de Gaza en août 2005 sous le gouvernement Sharon. Pourtant, face à cet ennemi, Tsahal s’est montrée capable depuis trois semaines, tout comme lors de ses deux opérations précédentes de 2008 et 2012, d’assumer sa responsabilité morale en usant « de manière proportionnée » de sa force, et surtout, en tentant de limiter le nombre des victimes collatérales civiles dans ses répliques au Hamas. Contrairement à ce que prétendent la plupart des médias internationaux.
La complexité des trois conflits ouverts qui ont éclaté depuis 2008 entre Israël et l’entité islamique de Gaza – gouvernée depuis 2007 par le mouvement intégriste religieux du Hamas – est aggravée par le fait qu’il ne s’agit pas d’un type de guerre classique entre deux Etats, disposant chacun d’institutions politiques plus ou moins transparentes et d’armées régulières s’opposant pour régler des contentieux frontaliers, géopolitiques ou économiques, mais d’un genre de conflits très spécifique entre :
– D’une part, l’entité de Gaza gouvernée par le « califat local » du Hamas. Lequel exerce et assure son pouvoir grâce à diverses « forces de sécurité » qui sont en fait des milices, formées et armées pour la plupart par l’Iran. Des milices qui bombardent – soit de manière soit sporadique, soit massive – les localités juives du Néguev, et même, comme depuis trois semaines, l’ensemble du territoire israélien. Chaque roquette tirée violant délibérément l’intégrité et la souveraineté territoriales de l’Etat hébreu.
– Et d’autre part, l’Etat d’Israël, seule démocratie du Moyen-Orient dont l’existence, tout comme le droit d’exister, est nié frontalement à tous les niveaux par le Hamas. Lequel se refuse obstinément à reconnaître l’Etat juif, y compris dans ses frontières d’avant juin 1967 et qui utilise tous ses moyens d’expression et de propagande (médias écrits et audiovisuels, manuels et pièces de théâtre scolaires, grands rassemblements de foules haineuses, etc.) pour prôner la destruction d’Israël et l’annihilation de sa population juive.
L’asymétrie extrême du face-à-face Israël-Hamas
Par essence asymétrique tant aux niveaux militaire qu’institutionnel et sociétal, ce conflit se situe donc aux antipodes d’une guerre classique entre deux ou plusieurs Etats.
Parsemé d’attaques délibérées aux roquettes et aux missiles tirés depuis Gaza, d’attentats anti-civils le long ou au-delà de la frontière israélienne grâce à des dizaines de tunnels creusés par le Hamas, ce conflit peut en effet être décrit comme un face-à-face en « dents de scie » : il oppose un Etat démocratique à une entité noyautée par un leadership intégriste religieux dérivant vers le fanatisme musulman.
Dans ces conditions d’asymétrie flagrante à tous ces niveaux, le conflit Israël-Hamas – et par extension le conflit israélo-palestinien – est devenu de plus en plus difficile à gérer par ses protagonistes. Une situation limite qui, parallèlement, ne fait qu’exacerber les passions et aussi les dérives médiatiques et intellectuelles partisanes que l’on sait dans les pays occidentaux… Notamment dans une Europe située à 4 000 kilomètres du théâtre concret des opérations en proie à une immigration afro-arabo-maghrébine largement non maîtrisée, en train de perdre progressivement ses diverses identités et valeurs nationales.
Au plan du droit international et de sa jurisprudence, l’Etat d’Israël, agressé par les tirs continus des roquettes du Hamas – en 2008 et 2012 tout comme aujourd’hui – avait toute la légitimité pour répliquer comme il l’a fait, car il s’agit d’une situation très claire de « légitime défense ». Et tout Etat agressé de manière flagrante a non seulement le droit, mais aussi l’obligation de recourir à la force pour défendre sa population civile. Tsahal s’est efforcée pendant ces trois conflits de conserver un équilibre entre ses exigences militaires et des considérations humanitaires d’autant plus prégnantes que ces trois guerres se sont déroulées dans des zones urbaines très peuplées et à haute densité d’habitation…
Une « guerre juste » menée de manière juste
Voici les diverses données irréfutables montrant que Tsahal agit à Gaza de manière juste et mesurée.
Des cibles militaires précises et limitées
En bombardant ses objectifs, l’armée israélienne applique toujours – sauf en cas d’erreurs, ce qui arrive dans ce genre de conflit – le principe de « distinction nécessaire » entre combattants armés, et civils non combattants et non armés. Tsahal a ainsi pris toutes les précautions nécessaires pour s’assurer que ses cibles constituaient bien des objectifs militaires.
Ce qui n’est pas le cas du Hamas qui fait constamment un usage abusif des bâtiments publics et civils de Gaza, en transformant par là même les habitants de la Bande en « boucliers humains ». Raison pour laquelle, malgré tous ses efforts, Tsahal n’a pu éviter des dommages collatéraux sur des civils palestiniens.
Les « règles d’engagement » de Tsahal
Les consignes opérationnelles de l’armée, lors de ces trois conflits ont été fondées sur l’observation de plusieurs principes internationalement admis lors des « guerres justes » : la « nécessité militaire » voulant que les objectifs du conflit soient réalisables avec de « sérieuses chances de succès » ; la « proportionnalité » dans l’utilisation des moyens guerriers employés ;
la « distinction » entre les forces ennemies combattantes et les civils ennemis non combattants obligeant les parties à éviter de prendre délibérément pour cibles des civils.
Si bien que, contrairement à toutes les assertions diplomatiques et médiatiques actuelles, on peut affirmer que Tsahal n’a pas fait un « usage disproportionné de la force » lors de ces trois opérations.
Des objectifs militaires légitimes
En 2008, 2012 et aujourd’hui, Tsahal a respecté l’obligation fondamentale du droit des conflits armés : elle a pris des précautions appropriées pour limiter au maximum les dommages infligés aux civils.
Ainsi, lorsque dans le feu des combats, un officier qui commande ses soldats évalue en toute bonne foi que des bâtiments publics civils – une école, une maison privée, un établissement sanitaire ou même un lieu de culte – servent de refuge à des combattants armés, à des activités de renseignements, à stocker ou fabriquer des armes, cet officier a en principe le droit de faire usage légitime de la force contre ce genre de sites.
Par contre, le Hamas a constamment violé ces principes en tirant sur la population civile israélienne et en prenant en otage les civils de Gaza pour en faire de véritables « boucliers humains » afin de s’en protéger contre les ripostes de Tsahal.
Les précautions de Tsahal pour limiter les pertes civiles ennemies
On sait que le droit international oblige chaque partie d’un conflit armé à donner aux populations civiles susceptibles d’être atteintes par les combats « un préavis effectif […] à moins que les circonstances ne le permettent pas ». Et de fait, Tsahal a appliqué toute une série de précautions concernant le ciblage de ses objectifs en actionnant un vaste système d’alertes graduées destinées à prévenir et éloigner les civils de Gaza.
Ainsi, plus de la moitié des « éliminations ciblées » de terroristes en action (sur le point ou en train d’accomplir des tirs de roquettes ou de déplacer des fusées) ont été annulées ou remises à plus tard, malgré « l’extrême urgence militaire » qu’elles incarnaient pour épargner la vie de civils israéliens visés par ces tirs. Des caméras fixées sur les drones militaires montraient que les terroristes se trouvaient au milieu de trop de civils…
Tsahal a donc souvent préféré sacrifier des atouts militaires certains à ses choix moraux pour épargner la vie de nombreux Palestiniens.
La méthode de frappe sur le toit
Avertir les civils de Gaza pour réduire leur exposition
Formellement interdite par le droit international coutumier et considérée comme un « crime de guerre », la tactique du Hamas consistant à se servir des civils de Gaza comme de « boucliers humains » – censés protéger leurs miliciens, QG et autres arsenaux d’armes et de roquettes –  a posé à Tsahal des dilemmes considérables.
Or, lors de ces trois conflits, l’armée israélienne a dûment averti, avec suffisamment de délai et de détails pratiques, les civils qui se trouvaient à proximité des sites de ses actions. Et ce, grâce à plusieurs moyens afin qu’ils puissent s’éloigner et ne pas être pris dans le feu des combats.
Ces avertissements ont été effectués – chaque fois en arabe – par des diffusions radiophoniques, par des appels téléphoniques (100 000 appels en moyenne), par des messages SMS, par des millions de tracts, et aussi par des annonces par haut-parleurs avant les attaques.
Ces messages comprenaient des informations suffisantes pour les temps d’évacuation et les itinéraires de dégagement sécurisés – afin de permettre aux civils de s’éloigner des lieux ciblés et de se rendre dans des zones sûres, ce que nombre d’entre eux ont pu faire, malgré les consignes du Hamas…
Dans les cas où Tsahal ignore si une cible est habitée ou non, elle envoie d’abord un projectile inoffensif ne faisant que du bruit et de la fumée, afin de provoquer une évacuation du bâtiment visé. Ce n’est qu’ensuite que le site peut être attaqué : une méthode surnommée « frappe sur le toit ».
« L’ennemi a choisi de combattre en se fondant au sein d’une population dense et en se cachant dans des mosquées, des écoles et des hôpitaux », explique le général Shefer qui commandait l’aviation israélienne en 2012. « Le dilemme auquel nous devons faire face est le suivant : si l’ennemi installe des rampes de lancement de roquettes dans des mosquées, il y a deux possibilités : ne pas attaquer et le laisser continuer à nous tirer dessus, ou bien éliminer les tireurs de roquettes en risquant de toucher des civils. »
Et d’ajouter : « Tout cela semble totalement surréaliste ! Car je ne connais aucune autre armée dans le monde qui prend toutes ces précautions pour s’assurer que des innocents ne soient pas victimes de ses attaques. »
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