Adloyada, dadi dada

La gigantesque parade de Pourim à Holon fête ses 21 ans cette année. Et promet d’être encore plus réussie que l’année passée.

Planning for the Adloyada begins in Holon (photo credit: Eli Ne’eman)
Planning for the Adloyada begins in Holon
(photo credit: Eli Ne’eman)
Holon a changé. Bâtie au milieu des années 1950,cette ancienne ville austère s’est métamorphosée en une vibrante citéeculturelle et artistique. Celle qui était connue pour être « les sables du sud», accueille aujourd’hui un musée du design réputé – le seul au Moyen-Orient –,une école de design, un musée pour enfants, un musée interactif de la science,un centre des arts digitaux, un musée du dessin animé, parmi l’un des rares aumonde, un musée de l’histoire, un certain nombre de galeries d’art de premierplan et un centre de marionnettes. Oui, vous avez bien lu : un centre demarionnettes, avec un musée, une école de marionnettistes et un festivalinternational.
101 ans de tradition 
Holon accueille également la plus grande parade de Pourimdu pays. Un événement annuel lancé modestement mais devenu aujourd’hui une fêtebruyante, colorée et de plus en plus importante, répondant au nom d’« Adloyada». Tout comme Rio a son Carnaval, la Nouvelle-Orléans son Mardi Gras etl’Ecuador sa Fiesta de la Flores y las Frutas, Israël a ses fêtes de Pourim,célébrées à Tel-Aviv pour la première fois, il y a 101 ans. Tout commence quandAvraham Adelma, acteur et professeur d’art au Gymnasium Herzliya (un lycée deTel-Aviv comme son nom ne l’indique pas), décide que la nouvelle cité juivemérite quelque chose de neuf et de festif pour Pourim. « Au départ, nousl’appelions seulement une procession », écrit-il dans son journal. « J’airegroupé tous les élèves d’Herzliya par trois. A leur tête, un élève déguisé enMordechaï caracolait sur un cheval blanc. Un autre élève, habillé en Aman,guidait le cheval. Il y a avait aussi d’autres personnages : Esther, vêtuerichement, le gros Assuérus, et d’autres héros du livre d’Esther ».
Bien entendu, la ville de Tel-Aviv ayant été fondée seulement 3 ans auparavantsur des dunes de sable, la parade n’a pas pu emprunter une longue route pavée.Il n’y avait en réalité qu’une seule rue centrale à l’époque et la processionn’a parcouru que 350 mètres depuis le lycée Herzliya jusqu’à la rue Herzl. Celan’a pas empêché des centaines d’enfants en costumes colorés de les accompagner,un orchestre de jouer, de rudimentaires poupées géantes de flotter dans lesairs et des résidents de Tel-Aviv de venir assister au spectacle en grandnombre.
Le maire de la ville, Méïr Dizengoff, a vu dans l’événement un succès, etinsisté pour qu’Adelma renouvelle l’opération l’année suivante, assorti d’unbudget plus conséquent. Une tradition était née.
Poura ou Pourimon ? Non : Adloyada ! 
Au fil des ans, les parades menées par unDizengoff à cheval deviennent de plus en plus spectaculaires. Dans les années1930, un thème est lancé chaque année. En 1932, la ville organise un concoursd’idées pour nommer l’événement.
Des centaines de termes sont proposés, parfois par des auteurs de premier plan.Shaoul Tchernichowski propose « Estorat », Chaïm Nahman Bialik « Poura » etAvraham Shlonsky imagine le nom de « Tzahalola », à partir du mot « tzahal »(célébration). D’autres ont pensé à « Pourimon », « Tel Avivon », « Hinga Por »ou « Tahaluhon ».
Mais c’est le célèbre écrivain Isaac Dov Berkowitz qui remportera le concoursavec le terme « Adloyada », composé à partir de l’injonction talmudique à boiredu vin pendant Pourim ad d’lo yada (jusqu’à ce que plus personne ne fasse ladifférence entre les slogans « Béni soit Mordechaï » et « Maudit soit Aman »).L’Adloyada grandit et gagne en notoriété au point d’attirer les touristes etles journalistes étrangers.
Mais la parade est rattrapée par l’Histoire. Entre la persécution des Juifs enAllemagne, la seconde guerre mondiale, la Shoah, la lutte pour l’indépendanceisraélienne et les énormes défis à relever pour bâtir la nation, les habitantsde Tel-Aviv ont d’autres chats à fouetter. L’Adloyada est suspendue à la findes années 1930 et deviendra peu à peu un souvenir lointain. Jusqu’à ce jour de1992, à Holon.
La symphonie des jouets
D’autres villes tiennent également des parades, mais lafête de Holon est aujourd’hui considérée comme le principal événement de Pourimdu pays. L’année dernière, la procession célébrait les 100 ans de l’Adloyada etses 20 ans à Holon. Beaucoup se demandent s’il sera possible de surpasserl’éclat déployé alors par les organisateurs, mais ces derniers promettent uneparade 2013 encore meilleure.
« Ce sera une immense Adloyada, avec 10 poupées géantes et 5 expositionsmobiles », assure Eran Fisher, directeur artistique du show. « Chacune despoupées flottantes aura sa propre scène mobile avec des acteurs et une mise enscène. Au total, nous aurons 5 000 participants, dont la moitié est issue deHolon, avec des compagnies de danse et des gens issus de la chaîne detélévision Nickelodeon.
Les danseurs viennent de tout le pays, de Kiryat Shmona jusqu’à Beersheva, carils savent bien que c’est la plus grande Adloyada d’Israël. C’est un immensefestival qui grandit tous les ans ».
Cette année, l’événement prendra place dimanche 24 février à midi. Son thème :« La Symphonie des jouets ».
Parmi les attractions qui attendent les spectateurs : un gigantesque concertmobile avec danseurs et musiciens ; une locomotive de jouets recouverte de plusde 20 000 fleurs ; un immense « Angry-bird » (popularisé par des jeux surSmartphones), des poupées géantes de Pinocchio et Geppetto, accompagnées par 10marionnettistes, et un immense échiquier inspiré des récentes élections, avecles députés Tzipi Livni, Yaïr Lapid, Arié Deri, Avigdor Liberman, NaftaliBennett et Amir Peretz, tandis que le Premier ministre Binyamin Netanyahou etla présidente du parti travailliste Shelly Yachimovich seront représentés enroi et reine.
Pour accompagner les poupées flottantes, il y a aura des acrobates, desdanseurs, des skateurs, des artistes de rue, des fanfares, des pyrotechnicienset des pourvoyeurs d’effets spéciaux.
Un gigantesque chantier
La responsabilité de concevoir, dessiner et construireles gigantesques poupées repose sur les épaules de Tzipi Yifat, expertenationale en design carnavalesque. « Je travaille sur l’Adloyada de Holondepuis 21 ans. J’étais là depuis le début », raconte-t-elle.
Comment arrive-t-on à son métier si particulier ? Tout a commencé pour Yifat,qui est née et réside toujours dans un mochav près de Kfar Saba, lorsqu’elle aépousé un Israélien qui poursuivait ses études en Italie. Elle, qui avaitétudié l’architecture, décide alors de se mettre à la scénographie – qu’ellesurnomme « l’architecture de la scène » – à l’Accademia dell’Arte, l’une desécoles les plus prestigieuses de la Botte. « J’ai adoré ça, et en revenant enIsraël, je me suis focalisée sur l’art en mouvement, qui est devenu aujourd’huima spécialité ».
La conception de l’Adloyada débute en général le lendemain de la précédenteparade, lorsque la commission dédiée à cet effet par la ville se réunit pourchoisir son thème. Pour Yifat, le travail commence au mois d’août, alorsqu’elle se lance dans les dessins des thèmes flottants. « C’est la partie laplus difficile du travail. Je commence en août et je consacre 3 mois entiers aubrainstorming et aux idées qui me viennent.
Je réfléchis à la façon dont le sujet pourra s’intégrer à la parade, de quoi ilaura l’air en mouvement. Cela ne suffit pas de dessiner la scène et lespoupées. Il faut anticiper sur l’influence du mouvement, sur le fait qu’ellesseront vues de tous les angles. Je dois imaginer comment les enfants, maisaussi les adultes, les percevront. Et par-dessus tout, je dois inventer quelquechose de neuf à chaque fois ».
L’artiste puise son inspiration dans ses visites annuelles aux carnavals de Riode Janeiro, de Venise et de Viareggio.
Yifat tente de se rendre au plus grand nombre de carnavals possibles, enamenant parfois avec elle des groupes de touristes.
L’Adloyada de Holon est-elle du niveau de ces événements de l’étranger ? « Ah,c’est la grande question », réplique-telle.
« Nous avons un problème car nous sommes limités par la hauteur des rues deHolon, je ne peux rien faire qui dépasse les 4 ou 5 mètres. Alors qu’en Italie,ils peuvent aller jusqu’à 20 mètres. Chez nous, il a des fils électriques etbien d’autres obstacles à franchir. Il n’y a éventuellement qu’à Ashdod quel’on pourrait construire plus haut.
« Ensuite, nous avons des contraintes budgétaires.
L’Adloyada exige déjà des fonds conséquents, et les parades étrangères coûtentencore plus cher. Mais je pense malgré tout que la nôtre est très réussie ».
Quant à l’avenir, la ville de Holon peut se rassurer. Yifat ne se voit pasabandonner l’Adloyada. La parade tient une énorme place dans sa vie,confie-t-elle, et elle n’éprouve aucun désir de s’arrêter. D’ailleurs, lorsquel’heure de sa retraite aura sonné, d’autres sont prêts à prendre la relève : lecentre de marionnettes de la ville délivre une formation sur deux ans en artcarnavalesque. Les étudiants s’entraînent à dessiner et à construire lespoupées géantes de la parade. L’Adloyada a encore de beaux jours devant elle.