Enjeux du Tombeau de Joseph

En Samarie, des fidèles juifs se mêlent aux soldats de Tsahal pour effectuer un pèlerinage mensuel et nocturne, sous haute surveillance

Tombeau Yossef (photo credit: Reuters)
Tombeau Yossef
(photo credit: Reuters)

Au coeur de la Samarie, à une soixantaine de kilomètres au nord de Jérusalem, se trouve la ville de Naplouse. La cité et ses alentours sont depuis des dizaines d’années le terrain d’affrontements entre Arabes palestiniens et Juifs, installés dans les implantations suite à la nouvelle donne qui a suivi la guerre de 1967. Comme Itamar et Yitzhar, fondées en 1984, ou l’une des plus anciennes dans la région : Elon Moreh né en 1980.

Considérées comme illégales par la communauté internationale, ces implantations sont essentiellement peuplées de Juifs religieux et sionistes qui revendiquent leur droit légitime à vivre sur la terre de leurs ancêtres.
Naplouse est en effet connu par le peuple juif sous le nom de “Shechem”, première capitale biblique du Royaume d’Israël. Le lieu où reposent Joseph et ses deux fils Ephraim et Manasseh. Aujourd’hui, le tombeau du patriarche symbolise, à sa mesure, le conflit israélo-palestinien : quand la légitimité biblique se confronte à la légitimité issue du droit international. A un détail près : le droit des pèlerins à venir se recueillir sur la tombe de leur ancêtre se heurte aux profanations et à l’animosité de la population palestinienne de Naplouse, au point de les contraindre à venir pèleriner de nuit et sous haute surveillance.
Pour bon nombre des Juifs résidant dans les alentours ne fait aucun doute que Joseph le patriarche représente l’unité du peuple juif. Lors d’une visite du tombeau organisée par le conseil régional de la région d’Elon Moreh, mercredi 15 février, Rav Elyakim Levanon, grand rabbin de la région, a ainsi déclaré : “Le coeur de la Judée, c’est Hebron, le coeur de la Samarie, c’est Shechem.
Pour chaque maison, il y a une clé et sans cette clé on ne peut rentrer. La clé pour rentrer en Israël, c’est Joseph.
C’est pour cette raison que cet endroit est important pour nous. Nous prions tous ici pour un seul peuple et une seule terre, par le mérite de Joseph.”
En revanche, pour la population palestinienne locale, il s’agirait du mausolée du religieux musulman Youssef Dweikat, personnalité éminente de la ville de Balata, à l’est de Naplouse.
Sépulture ou dépotoir ?

 

Malgré des efforts déployés par l’armée israélienne pour maintenir l’ordre dans la région, au fil des années le tombeau s’est détérioré suite aux saccages causés par des graffitis ou autres dégradations. Le tombeau, qui s’est trouvé sous le contrôle palestinien avant que Tsahal n’entreprenne des travaux de rénovation, était utilisé comme dépotoir et lieu où l’on venait uriner.

Le ministre de l’Information et de la Diaspora, Youli Edelstein, présent pour l’occasion, a pour sa part déclaré que “la situation à laquelle nous faisons face est malheureuse.
Dans le cas où Israël est en charge d’un lieu saint, tout se passe bien. Mais quand ce sont les Palestiniens qui en sont en charge, nous devons faire face à de telles situations comme c’est déjà le cas avec les destructions aux bulldozers sur le des Oliviers.”
Le lieu est difficile d’accès à cause de la présence de la population arabe alentour.
Depuis des dizaines d’années, la ville est considérée comme le bastion du terrorisme dans la région. Lors de la seconde Intifada, de nombreux actes terroristes perpétrés dans les grandes villes d’Israël avaient été orchestrés à Naplouse.
D’après Benny Katzover, représentant des habitants de la région et ancien président du Conseil régional, chaque mois, la population juive doit faire face à des centaines de jets de pierres. Et d’ajouter que “des milliers d’attaques ont été lancées contre les localités juives de Judée-Samarie”.
En avril 2011, alors que le tombeau est sous autorité palestinienne, Ben-Yossef Livnat, neveu de la ministre de la Culture Limor Livnat, a été abattu par balle par un policier palestinien après être entré dans le sanctuaire sans autorisation de l’armée israélienne.
Il y a un an, des travaux de rénovations ont débuté afin de remettre en état le site et la sépulture dégradée. Chaque entrée au tombeau nécessite désormais une brigade antiarmes et le pèlerinage ne peut se faire que de nuit, afin d’éviter les conflits entre les deux populations.
Roni Israele, responsable régional de la sécurité, dit vouloir assurer la sécurité des Juifs et des Arabes. Selon lui, l’armée a intensifié dernièrement son travail de collaboration avec la police palestinienne afin de conserver le calme dans la région. Mais aussi pour que “la population qui ne s’adonne pas au terrorisme puisse circuler librement”. Alors que les pèlerins ont le sentiment malgré tout de venir se recueillir “comme des voleurs”, le pèlerinage, organisé seulement une fois par mois, nécessite tout de même la mobilisation de 600 soldats et l’instauration d’un couvre-feu dans toute la région.
Yossef, le symbole du peuple juif

 

Le cas du tombeau de Joseph n’est pas un cas isolé en Judée-Samarie. La ville d’Hebron par exemple renferme le tombeau des patriarches mais aussi les tombes d’Abner le général de Saül et de David, de Jessé le père du roi David et de Ruth, la grand-mère de Jessé. On pense également aux péripéties rencontrées par les pèlerins qui souhaitent se rendre sur la tombe de Rachel.

Le ministre de l’Information a rappelé que “celui qui ne se souvient pas de son passé, n’a pas de futur. Le gouvernement israélien doit prendre exemple sur Joseph, resté juif face aux non-Juifs. Joseph est un symbole du peuple juif sur sa terre. Aussi, ce n’est pas pour rien que les Arabes essaient de détruire cet endroit et qu’ils ne veulent pas qu’on arrive à ce symbole”.
Comme pour le tombeau de Rachel, la judéité du lieu ne fait aucun doute pour le peuple juif. De même que les manoeuvres arabes qui viseraient à déjudaïser la terre d’Israël de son patrimoine historique.
La conservation du patrimoine pourrait donc devenir un enjeu dans le processus de paix. Le 31 octobre 2011, le conseil exécutif de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture approuvait par quarante voix sur cinquante-huit la demande d’adhésion de la comme Etat membre. Une première reconnaissance fondée sur les principes que défend l’Unesco : solidarité, partage et collaboration entre les peuples.
D’après Roni Amelan, responsable du service presse de l’organisation : “Pour l’instant l’Unesco ne peut pas encore avoir de position sur les sites en . La n’a intégré que récemment la liste des Etats membres, mais elle pourra commencer à présenter des sites pour la liste de candidature pour les monuments classés au patrimoine mondial à partir de 2013.”
A la fin de son discours lors du pèlerinage du 15 février 2012, le ministre député Youli Edelstein a ajouté qu’il “espère sincèrement que dans un futur proche, le gouvernement va faire changer cette situation. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un peu de bonne volonté, tout particulièrement du côté palestinien qui ne fait pas la démonstration de cette bonne volonté”.
Alors que le dialogue entre Israël et le président Mahmoud Abbas semble être dans l’impasse, l’Autorité palestinienne pourrait donc dès 2013 avoir la possibilité d’user de ses droits en tant que membre de l’Unesco pour faire la démonstration de sa bonne volonté à l’égard des sites juifs qui se trouvent en Judée-Samarie