Tsahal n’a pas tué Mohammed al-Doura

Un rapport du gouvernement démontre que le montage de France 2 était faux et manipulatoire. Charles Enderlin rejette ces conclusions.

JFR P4 370 (photo credit: Reuters)
JFR P4 370
(photo credit: Reuters)
Cette fois, c’est enfin le gouvernement israélien qui le dit.Tsahal n’a pas tué ou même blessé Mohammed al-Dura, un jeune gazaoui alors âgéde 12 ans devenu une icône palestinienne pendant la seconde Intifada, ni sonpère, Jamal, le 30 septembre 2000, au carrefour de Netzarim. Les conclusionsd’une commission israélienne chargée d’enquêter sur l’incident ont été renduespubliques dimanche 19 mai et présentées au Premier ministre Binyamin Netanyahoudans un rapport de 36 pages.
Selon le reportage de France 2, le jeune garçon aurait été tué par ballesisraéliennes, pendant la seconde Intifada, alors qu’il se cachait en pleurantsous son père. Al-Doura est devenu un symbole pour les Palestiniens et lesimages de sa mort supposée ont fait le tour du monde. Hier, Charles Enderlin,correspondant à Jérusalem et auteur du reportage, a rejeté les conclusions dela commission et s’est dit frustré de ne pas avoir été lui-même contacté parles experts chargés de l’enquête. Et d’ajouter que luimême, Talaal Abou Rahmah,le cameraman qui a filmé l’incident et Jamal al-Doura étaient tous prêts àpasser au détecteur de mensonges.
Selon le rapport, « les principaux arguments de France Télévision ne sont pasétayés par les images dont disposait la chaîne au moment des faits… Il n’est enaucun cas prouvé que Tsahal soit responsable des blessures supposées de Jamalou de son fils ».
La commission ajoute que « contrairement aux allégations affirmant que legarçon a été tué sur le coup, le visionnage des images de rushes, qui n’ont pasété diffusées par France 2, prouve qu’il est vivant, qu’il bouge le bras ettourne la tête ».
Campagne mensongère 
En septembre 2012, Netanyahou a demandé à Moshé Yaalon,alors ministre des Affaires stratégiques et aujourd’hui ministre de la Défense,de nommer une commission pour réexaminer l’incident. Selon le Bureau du Premierministre, « l’objectif de cette commission est d’examiner l’affaire al-Doura àla lumière des graves torts que celle-ci a causé à Israël et de clarifier laposition du gouvernement israélien à son endroit ».
Et de préciser que l’affaire a été utilisée par les adversaires de l’Etat juifafin de « justifier le terrorisme, l’antisémitisme et la délégitimisationd’Israël ».
Le Premier ministre a pleinement appuyé les conclusions du rapport en déclarant: « Il est important de se pencher à nouveau sur cet incident, qui a traîné laréputation d’Israël dans la boue. Ceci est le symbole d’une campagne continueet mensongère pour délégitimer Israël. Il n’y a qu’une seule façon de contrerles mensonges : dévoiler la vérité. Seule la vérité peut l’emporter face auxmensonges. » Le ministre des Relations internationales, Youval Steinitz, qui aofficiellement présenté le rapport au Premier ministre, a qualifié l’affaireal-Doura de « calomnie moderne contre l’Etat d’Israël, du même acabit que lesrumeurs sur le massacre de Djénine. Le reportage de France 2 était totalement dénué de fondements. » 
Aucune ballen’a atteint les al-Doura 
Le rapport révèle également « qu’il n’existe aucunepreuve de blessures de l’enfant ou de Jamal, comme le prétend le reportage.
Les images ne montrent pas de blessure grave de Jamal. Au contraire, selonplusieurs indications le père et le fils n’auraient été atteints par aucuneballe que ce soit ». En outre, continue le rapport, « il est hautementimprobable que les trous de balles montrés aux alentours des deux protagonistesaient été occasionnés par des tirs depuis les positions israéliennes, commel’implique le reportage de France 2 ».
L’enquête critique la chaîne française, affirmant que « le reportage a étémonté et présenté afin de donner le sentiment de prouver ses allégations ».
En réponse, Charles Enderlin a rappelé un communiqué de France 2 : « Depuis ledébut de l’incident jusqu’à aujourd’hui, France 2 s’est montrée prête àparticiper à toute procédure légale qui soit aux normes internationales ». Pourle journaliste, le rapport n’est ni indépendant ni objectif, et il s’est ditprêt à coopérer avec toute enquête « indépendante », selon ses propres termes.
Enderlin rappelle également que l’affaire est toujours en cours face à la courd’appel en France (dans un procès en diffamation contre Philippe Karsenty, quidéfend ouvertement la thèse d’une manipulation). Et d’ajouter que la chaînetélévisée est « prête à aider Jamal al-Doura par tous les moyens afin d’exhumerle corps de son fils et procéder, si nécessaire, à des examens ADN et faire lalumière sur les circonstances de l’incident ». « Il est difficile de croire »,a poursuivi Enderlin, « qu’une commission spéciale nommée par Moshé Yaalon,aujourd’hui ministre de la Défense, n’ait pas contacté France 2 ou encore M.al-Doura, en dépit de sa volonté à exhumer le corps de son fils ».
Pas de preuves 
Le rapport gouvernemental réfute « un petit nombre dedéclarations » faites par des hauts gradés israéliens qui avaient admis avoirblessé les al-Doura par erreur, en les présentant comme prononcées « dans lefeu de l’action », avant que toutes les preuves ne soient réunies. Parailleurs, continue la commission, ce reportage reflète un phénomène trèsrépandu de nonprofessionnels témoignant d’événements complexes dans les médias,ces derniers se précipitant aux conclusions, sans plus de considérationéthique, au nom de l’information.
Le rapport accuse également Talaal Abou Rahmah de s’être contredit dans sonrécit des événements et de n’avoir publié que 55 secondes d’images qui font enréalité 27 minutes.
En outre, le rapport affirme que les lieux de l’incident ont été trafiqués,arguant qu’aucune tache de sang n’était présente juste après les événementsmais que quelqu’un avait ensuite répandu du sang au sol, de façon nonconcordante.
En conclusion, le rapport gouvernemental souligne l’importance cruciale d’unecouverture médiatique prudente dans le cas « d’un conflit armé asymétrique,dans lequel les parties tentent de créer des situations et induire les médiasen erreur par rapport à un contexte factuel ».