Un accord simple en apparence, mais chargé de sens

Le ministre des Finances Youval Steinitz et le Premier ministre Salam Fayyad signent un accord peu glamour. D’ailleurs, tout le monde semble s’en désintéresser. A tort !

accord (photo credit: Moshe Milner/GPO)
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(photo credit: Moshe Milner/GPO)

C’était un fait minime noyé dans une semaine riche en activités, dominéepar la hausse des impôts décidée par le gouvernement israélien, la visitepleine de promesses de Mitt Romney, candidat républicain à la présidence desEtats-Unis, les déclarations sur l’Iran du secrétaire d’Etat américain à laDéfense Léon Panetta, et bien sûr, l’ouverture et le déroulement des Jeuxolympiques.

Mais l’accord économique entre Israël et l’Autorité palestinienne signé àJérusalem en présence du ministre des Finances Youval Steinitz et du Premierministre de l’Autorité palestinienne Salam Fayyad n’est pas sans importance.

Du moins, sans doute est-il plus important que ce que la presse israélienne, etsurtout la presse internationale, a bien voulu relater. Car il s’agit de lareprise des pourparlers directs à un niveau ministériel entre les deux parties.

Pendant un an, les officiels des deux camps ont patiemment travaillé à cetaccord qui vise à réguler les taxes à un niveau bilatéral. Et améliore saversion précédente signée en 1994, sous la forme de Protocole de Paris, quigouvernait depuis les relations économiques entre Israël et l’Autoritépalestinienne afin de lutter contre l’évasion fiscale, la contrebande, etfaciliter les échanges commerciaux entre les deux parties.

Important encore, car signé par Steinitz lui-même, lui qui dans le passés’était posé en héraut des sanctions économiques contre l’Autoritépalestinienne lorsque celle-ci menait inlassablement sa guerre diplomatiquecontre Israël, ou cherchait une reconnaissance internationale comme en novembredernier auprès de l’Unesco. Mais, ceci est sans intérêt. La réalité l’emporteparfois sur la rhétorique.

Selon le ministère des Finances, ces accords à partir du 1er janvier “vontintroduire des mécanismes pour faciliter les échanges de biens, entre Israël etl’Autorité palestinienne. Mais aussi encourager les deux parties à réduirel’évasion fiscale et les échanges illégaux. Ils vont également soutenir lesystème fiscal palestinien, et ainsi, consolider l’économie de l’Autoritépalestinienne.”

Le porte-parole de l’Autorité palestinienne, Ghassan al-Khatib, va dans le mêmesens. Cet accord permettra aux Palestiniens, selon lui, d’établir des entrepôtsde marchandises, de favoriser les échanges, et ainsi de lutter contre le traficillégal et l’évasion fiscale.

Une déclaration palestinienne pleine de portée puisqu’elle ne cherche pas àminimiser ou passer sous silence les conclusions de l’accord. Au contraire :l’événement sera même immortalisé sur la pellicule.

Un accord pétri de pragmatisme

Selon les termes du contrat, la TVA et les taxes sur l’import-export serontbasées sur ledit accord qui régule les échanges entre Israël et l’Autoritépalestinienne, remplaçant les pratiques actuelles qui calculent l’acquittementde l’impôt sur les plusvalues gagnées après le transfert des biens. Les deuxparties se sont également mises d’accord sur l’établissement d’un pipeline pourl’aider à acheminer le pétrole”, d’Israël vers l’Autorité palestinienne. Certes,rien de bien révolutionnaire.

Nous sommes loin d’une poignée de main entre le Premier ministre BinyaminNetanyahou et le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas qui ferait laune des médias. Ou d’une résolution des “points de désaccords” légendaires commeJérusalem, les implantations, le retour des réfugiés, les questions desécurité, de frontières.

Mais l’accord encourage la coopération, et c’est cela qu’il a de la valeur.

Du côté de l’Union européenne, la Haute représentante pour les Affaires étrangères,Catherine Ashton, a vite applaudi des deux mains. Et de féliciter“chaleureusement” le traité par voie de communiqué, stipulant qu’il s’agit-là“d’un pas important pour la promotion de l’économie palestinienne, et lerenforcement des relations entre Israël et l’Autorité palestinienne.”

Il est vrai que cet accord, de même que la décision prise le mois dernier parIsraël d’avancer 180 millions de shekels pour la collecte des impôts àl’Autorité palestinienne afin de l’aider à payer les salaires, fait état d’uncertain pragmatisme des deux côtés.

Ce même pragmatisme qui dit : “Certes, rien ne bouge sur le plan diplomatique,et rien ne bougera avant les élections américaines en novembre, si tant est. Certes,l’Autorité palestinienne menace toujours de faire reconnaître son Etat auprèsde l’ONU, et le Fatah continue son flirt avec le Hamas pour former ungouvernement d’union nationale. Gouvernement avec qui il serait impossible pourIsraël de négocier quoi que ce soit. Mais dans le même temps, personne ne s’intéresseau sort économique de l’Autorité palestinienne et n’essaie de l’aider à s’ensortir.”

Tout au long de ces années, Fayyad s’est évertué à édifier un cadreinstitutionnel et économique pour légitimer la création d’un Etat palestinien. Unrapport de la Banque mondiale spécifie pourtant que l’économie palestiniennen’est pas prête pour un Etat. Comme un léger parfum de désenchantement aprèstous ces efforts.

“Bien que l’Autorité palestinienne ait considérablement augmenté ses effortspour encadrer institutionnellement son futur Etat, elle fait preuve de moins deréussite pour permettre des bases économiques solides”, souligne le rapport de181 pages. Fayyad doit donc prendre quelques décisions dans ce sens, et cesaccords signés avec Israël en sont un bon exemple.

Le pouvoir de l’argent

De son côté, Israël est intéressé par l’intensification d’une coopération,car selon la politique menée par Netanyahou, ces avancées économiques sont lesprémices d’une stabilisation du conflit. Autrement dit, une économie forteaffaiblit les sirènes du terrorisme.

Il y a tout juste un an à la même époque, Jérusalem luttait contre le coup depoker de l’Autorité palestinienne pour une reconnaissance internationale auprèsde l’ONU. Et s’inquiétait à juste titre de l’imminence d’une troisièmeIntifada.

Mais septembre 2011 allait vite passer, sans éclosion d’un Etat palestinien, nireconnaissance auprès de l’ONU. Et les rues palestiniennes gardèrent leurcalme. Beaucoup à Jérusalem ont attribué cette situation à l’économie. Car uneéconomie forte incitait à privilégier la stabilité plutôt que la guerre. Ramallahconnaissait la prospérité, Djénine, un renouveau, et Bethléem accueillait sestouristes en nombre. Les Palestiniens, de retour à la raison, ne désirent pasque tout cela s’envole en fumée avec la reprise des attentats suicides.

Mais l’économie n’est pas le seul domaine où les deux parties semblent avoirtrouvé matière à coopération. Les officiels de la sécurité israéliens etpalestiniens reconnaissent travailler ensemble, étroitement et efficacement.

Les services secrets s’échangent des informations et avouent une assistancemutuelle. Des réunions régulières ont lieu à divers niveaux, entre lesofficiers de sécurité.

Le Hamas étant une menace autant pour Israël que pour l’Autorité palestinienne,tous deux prêts à s’unir pour le combattre.

Alors, cet accord économique signé cette semaine et l’évolution de lacoopération sur les questions de sécurité entre les deux parties montrentqu’elles sont capables de collaborer pour leur intérêt commun.

Netanyahou a fait preuve de beaucoup de courage politique durant sa campagnequand il a plaidé pour l’idée de “paix économique”, arguant qu’une telleavancée favoriserait les intérêts communs et créerait un espace pour les avancéesdiplomatiques. Impossible, s’offusquent ses détracteurs. C’est juste un moyende contourner les vrais problèmes et de les reporter aux calendes grecques. Seloneux, aucun espoir d’attendre un traité de paix si l’on se base uniquement surdes projets économiques et les échanges commerciaux.

De fait, juste après son élection en 2009, les officiels de l’Autoritépalestinienne, Fayyad inclus, ont refusé de rencontrer Netanyahou, ou d’autresresponsables du gouvernement pour discuter des intérêts économiques mutuels. Leurraison : s’ils négociaient sur l’économie, Israël serait moins enclin à aborderles questions politiques.

Mais l’accord de cette semaine montre que Fayyad privilégie désormais une autreapproche. Même si le débat sur les questions politiques reste encore absent,les questions économiques peuvent faire avancer la situation et bénéficier auxdeux camps.
Appelez-le le “modèle turc”. Les relations entre Jérusalem et Ankaraconnaissent un froid jamais atteint jusqu’alors. Pourtant, les échangeséconomiques entre les deux pays prospèrent comme jamais. Si la politiquepouvait désormais suivre les impératifs de l’argent...