A vos marques, prêtes, partez !

Y aura-t-il une médaillée d’or israélienne aux Jeux olympiques de cet été ? Plusieurs organisations travaillent désormais à développer le sport féminin.

JO (photo credit: Michal Hakoky et Amir Cohen)
JO
(photo credit: Michal Hakoky et Amir Cohen)

Le 27 juillet prochain, s’ouvriront les Jeux olympiques de Londres. Pourreprésenter Israël : des hommes, mais aussi des athlètes israéliennes de hautniveau. Plusieurs d’entre elles, en particulier, comptent bien décrocher unemédaille : Lee Korzits (planche à voile), Alice Schlesinger (judo) et Amit Ivri(natation).

Jusqu’à présent, Israël n’a remporté que sept titres olympiques dans sonhistoire, dont un seul décerné à une femme : Yaël Arad, judo, poids mi-moyen,Barcelone 1992. Depuis 2007, de gros efforts sont déployés pour promouvoir lesport féminin et lui offrir un niveau d’opportunités équivalent à celui dontbénéficient les athlètes masculins.

C’est suite à une décision gouvernementale de 2005 que le Projet Athéna a vu lejour, avec un budget de 80 millions de shekels sur dix ans. Ce “Conseilnational pour la promotion des jeunes filles et des femmes dans le sport” seconcentre sur 8 sports en particulier : volley, basket, football, natation,voile, gymnastique artistique, escrime et taekwondo.
“Le but est de mettre les femmes athlètes sous les feux de la rampe, delégitimer leur participation dans les sports olympiques et d’atteindre uneégalité entre hommes et femmes”, explique Omrit Yanilov Eden, directricetechnique du projet. Car en Israël, la compétition sportive reste un domainesurtout masculin, les femmes ne constituant que 19 % des participants.

Certes, il existe quelques sports où elles sont plus nombreuses que les hommes(le patinage et la gymnastique artistiques, par exemple) et, en équitation,leur nombre est équivalent. Dans tous les autres, elles se retrouvent en netteminorité.

Il fait très beau en ce dimanche après-midi au café du Centre national desSports de Hadar Yossef. Yanilov Eden a pris quelques minutes pour nous parlerdu projet Athéna et de l’état du sport féminin dans un pays où, pour l’homme dela rue, qui dit sport dit football ou basket, c’est-à-dire “hommes”. Elle vientde participer à une présentation organisée dans le cadre du programmeAmbassadrices Athéna, dans un lycée de Kfar Saba. Plusieurs athlètes fémininesde haut niveau étaient venues s’adresser à un auditoire mixte, afin depromouvoir la présence des femmes dans le sport et de mieux faire connaître aupublic le sport féminin.

“Nous voulons générer un changement dans la société”, explique Yanilov Eden.“Aujourd’hui, nous avons distribué des photographies de femmes athlètes dansl’exercice de leur sport, avec leur nom au-dessous.

Danielle Frenkel pour le saut en hauteur, Delila Hatouel pour l’escrime, MoranSamuel, la rameuse handicapée, et beaucoup d’autres. Et toutes ces athlètessont venues signer leur carte postale.”

Parmi ces sportives de haut niveau, c’est la footballeuse Silvi Jan qui aremporté le plus de succès parmi les élèves. Il faut dire qu’elle a marqué sonmillième but en février dernier, un record pour le football féminin.

“Les garçons faisaient tous la queue pour avoir un autographe”, se féliciteYanilov Eden.

Guili Lustig est le directeur sportif du comité olympique israélien et ledirecteur du département Sport d’élite. Il reconnaît que promouvoir laparticipation des femmes dans le sport n’est pas chose facile : “Pour inciterles jeunes filles à entrer dans le monde du sport, nous devons faire un travailqui s’apparente au marketing, en offrant par exemple l’inscription gratuite àcertains clubs, afin de leur faire connaître des disciplines et les placer dansun cadre propice”, dit-il. “Et puis, il faut aussi s’occuper des communautésparticulières, comme les ultra-orthodoxes ou les Arabes israéliens, qui n’ontpratiquement pas d’associations sportives.”

“En fait, Israël est loin d’être à la hauteur. Le sport ne fait pas partie dela culture, des traditions du pays, comme c’est le cas en Europe, par exemple.Dans ces conditions, il est déjà difficile de produire des athlètes masculinsde très haut niveau, alors des femmes ! Pour elles, les conditions sont toutbonnement catastrophiques.”

Les filles : plus sports collectifs qu’individuels

Pour remédier à cette situation, le pays doit investir dans deux grandsdomaines : les infrastructures physiques, comme les centres d’entraînement etles programmes, et les infrastructures humaines, qui permettraient d’entraînernos athlètes pour leur faire atteindre le niveau visé, celui de l’élite.

Cette formation de championnes figure parmi les objectifs du comité olympiqueisraélien pour Londres 2012, qui espère bien une médaille féminine. Depuis lajudoka Yaël Arad en 1992, Israël en a manqué deux, de très peu : la première àSydney, en 2000, où le dériveur double 470 d’Anat Fabrikant et Shani Kedmi estarrivé en quatrième position, et la seconde à Pékin en 2008 avec, dans la mêmecatégorie, Vered Buskila et Nike Kornecki en quatrième position également.

Selon le porte-parole du ministère de la Culture et des Sports, la promotion dusport féminin est l’un des grands chevaux de bataille de la ministre LimorLivnat.

Aussi travaille-t-elle, elle aussi, à accroître le nombre d’athlètes féminines,que ce soit au niveau amateur ou dans les circuits professionnels.

Dans le cadre de cet effort, le ministère a apporté son soutien auxassociations sportives qui emploient un certain nombre de femmes aux postes àresponsabilité, nombre qui doit être proportionnel à celui des sportivesinscrites à l’association. Il a également contribué à la promotion du ProjetAthéna, que Limor Livnat a officiellement inauguré en 2008.

Le projet Athéna fait intervenir d’anciennes athlètes de haut niveau, quiservent de coordinatrices entre Athéna et les associations sportives du pays.Certaines travaillent aussi comme coordinatrices au sein des associationselles-mêmes, contrôlant les activités et les objectifs spécifiques du projetAthéna pour chaque sport.

Parmi ces projets : la Ligue d’été de l’Association féminine de basketisraélien, créée pour permettre aux athlètes du pays de jouer davantage. Ou lacollaboration entre les Associations de water-polo et de natation pourencourager les jeunes filles à pratiquer le waterpolo.

Une initiative née du constat, tiré d’une enquête de 2010, que les fillespréfèrent les sports collectifs aux sports individuels. Plusieurs projets sontpar ailleurs menés dans des villages arabes en vue d’inciter les filles à jouerau basket et au tennis de table dans la “capitale de la Galilée” qu’estKarmiel, et au basket en Galilée occidentale.

Le financement, le nerf du sport 

Le Projet Athéna possède aussi son Equipe des meilleures, qui vise leniveau olympique. Ses membres bénéficient d’un soutien financier, psychologiqueet médical et d’un entraînement intensif. On attend d’elles plusieurs médaillesaux Jeux olympiques de 2012 et l’on espère qu’elles seront nombreuses àparvenir en finale. Pour elles, des camps spéciaux d’entraînement sontorganisés à l’étranger grâce au budget du Centre.

“Pour les athlètes qui ne font pas encore partie de l’équipe olympique, lesfrais de ces séjours auraient dû, en temps normal, être pris en charge par lesfamilles”, explique la directrice technique d’Athéna. “Et même dans l’équipeolympique, il existe une hiérarchie, ce qui fait qu’il n’y a pas si longtemps,les filles qui se trouvaient le plus bas dans le classement devaient se fairesubventionner à la fois par leur famille et par leur club de sport.”

Yaël Arad ne doute pas de la motivation des athlètes. “A mon époque”, explique la judoka médaillée, “nous n’avions pas d’équipe médicalepour nous accompagner. Nous devions nous débrouiller seules pour trouver un médecin ou un kiné, ce quiétait difficile non seulement pour moi, mais aussi pour ma famille, qui devaitpayer les honoraires.” Les choses ont commencé à s’améliorer en 1991, soit un an avant les Jeuxolympiques de Barcelone.

Cependant, Yaël s’empresse de souligner que le problème n’était pas tant d’êtreune femme que d’être un athlète en général. “Les difficultés que j’ai dûaffronter ne se sont pas posées parce que j’étais une femme.

Non, nous étions tous logés à la même enseigne, les hommes comme lesfemmes. Il n’y a aucune comparaison entre l’assistance que j’ai reçue et lafaçon dont l’Etat prend aujourd’hui en charge ses meilleurs athlètes, dès leurplus jeune âge.”

Pour elle, Athéna a été le principal moteur de cette évolution. Pourtant, ilreste encore des athlètes de niveau international qui ne sont pas beaucoupsoutenues. Ainsi Hagar Finer détentrice du titre WIBF (Fédérationinternationale de boxe féminine) des poids coq, doit assumer seule la plupartdes dépenses pour son entraînement, ses déplacements, ses frais médicaux etautres choses essentielles. “Tout est à ma charge”, affirme-t-elle. “Je paieles billets d’avion pour mon entraîneur et pour moi-même, même quand il s’agitd’aller disputer les championnats du monde !” Développer le sponsoringd’athlètes Il y a peu, la compagnie de transports routiers Iveco est devenueson sponsor à la suite d’une interview de la championne au journal télévisé.

Hagar s’en félicite : “Je suis extrêmement reconnaissante à Iveco ! Maintenant,je peux concentrer tous mes efforts sur le sport et je suis beaucoup plusefficace. A part Iveco, je ne reçois aucune aide.”

Tout en préparant le prochain combat (prévu en juillet), dans lequel elle devradéfendre son titre en Allemagne, elle est employée comme professeur d’artsmartiaux. “Evidemment, quand je travaille, je ne peux pas me concentrer sur monentraînement, mais je n’ai pas le choix : j’ai besoin d’argent pour vivre !” Lesite Internet d’Iveco est très fier de sa protégée. “Hagar incarne dans la vieles valeurs mêmes dans lesquelles nous croyons : l’excellence, la persévérance,l’humanité et l’engagement”, peut-on y lire.

Guili Lustig aimerait voir les entreprises israéliennes suivre cet exemple. Lesponsoring d’athlètes est hélas beaucoup moins développé en Israël qu’ailleurs.“En Israël, les chefs d’entreprises ne se rendent pas compte que les athlètespeuvent apporter beaucoup à leur image”, dit-il. “Les athlètes symbolisentl’excellence, et je pense qu’il est grand temps que les entreprises prennentcela en compte.”

Pour accélérer cette prise de conscience, le Projet Athéna organise, depuis2002, en collaboration avec le ministère de la Culture et des Sports et lamunicipalité de Tel Aviv-Jaffa, un événement annuel qui vise à inciter femmeset jeunes filles à faire du sport. Cette année, il s’est tenu au port de TelAviv, où des milliers de participantes venues du pays entier ont pris part àdes marches (5 ou 8 km, au choix), mais aussi à des séances de spinning et debatterie, en présence de la top-model Ilanit Levy. La chanteuse Ninet Tayeb adonné un concert et deux mannequins, Guili Saar et Adi Noyman, ont tenu le rôlede DJ. Des événements similaires ont également eu lieu à Jérusalem et àBeersheva.

“La compétition sportive n’est pas à la mode de nos jours”

Alice Schlesinger apprécie les valeurs défendues par l’action d’Athéna,surtout quand il s’agit d’inciter les jeunes filles à se lancer dans le sport.La judoka est en grande forme et, tout en se préparant pour les prochains Jeuxolympiques, elle prend le temps de nous accorder une interview téléphonique.

“Il est clair que les femmes israéliennes s’intéressent de plus en plus ausport, mais il y a des considérations sociales qui dissuadent les filles de selancer dans la pratique. J’aimerais voir plus de filles choisir de faire dujudo, par exemple, sans avoir peur d’être considérées comme ‘trop masculines’.”

Yanilov Eden partage ce sentiment. “La compétition sportive n’est pas à la modede nos jours”, estime-t-elle.

“Si, dans une ville, il y a 5 écoles de danse, eh bien, les filles s’inscrirontaux cinq. Et nous, nous nous battons pour que ces fillettes-là nous consacrentun peu de leur temps libre. Mais la compétition ne les attire pas. Ellespréfèrent se promener dans les centres commerciaux, c’est une sorte de nouveausport.”

Yanilov Eden évoque aussi l’image du corps et les idées reçues : “Quand unefille décide de jouer au football, elle se fiche de la connotation masculine dece sport. Et une fille qui fait de la natation n’est pas forcément obsédée parsa large carrure.”

Seulement, la difficulté commence souvent à la maison. Les parents ont rarementenvie de voir leur fille se lancer dans une activité sportive à un haut niveau.

La mission d’Athéna consiste donc aussi à les éduquer, en leur expliquantl’intérêt de pratiquer un sport et les bienfaits que cela peut apporter à leursfilles.

Vu sous un angle plus large, ce n’est pas le sport féminin qui a un problème enIsraël, c’est le sport en général, et la place qu’il tient dans la psychénationale.

Comme dit Yaël Arad : “Je n’ai pas l’habitude de regarder le monde en fonctiondu sexe des gens. Ce que je peux dire, c’est que ma médaille a fait comprendreau sport israélien que tout est possible quand on le veut vraiment. Elle abrisé cette barrière psychologique pour les athlètes, pour les hommes et lesfemmes, pour les garçons et les filles, pour les directeurs de clubs, pour lesjournalistes et pour le grand public.


Julia Glushko : “Je rêve d’une qualification à l’Open d’Australie”

Portrait d’une jeune tenniswoman israélienne, bien décidée à battre laterre des courts mondiaux 

Par Jacques Bisraor

Le tennis israélien a connu, ces vingt dernières années, ses heures degloire avec des joueurs et des joueuses de grand talent tels que Guilad Bloom,61e mondial en 1990, et surtout Amos Mansdorf, qui parvint à se classer 18e en1989, enleva six titres et une victoire historique au Masters de Paris contrel’Américain Brad Gilbert.

Le tennis féminin israélien non plus n’a pas été en reste. Avec des joueuses degrand talent qui se sont illustrées sur les courts du monde entier : comme AnnaSmasnova, classée 15e en 2006 et vainqueur de 12 titres.

Mais la plus contemporaine, et certainement la plus connue, reste bien sûrShahar Peer, 14e en 2008, vainqueur de l’Orange Bowl en 2004 lors de l’Opend’Australie junior.

Le hasard nous a mis récemment sur le chemin d’une autre joueuse qui vacertainement faire parler d’elle dans très peu de temps : Julia Glushko,superbe jeune fille de 22 ans, 1m75, aux yeux bleus perçants. Née à Donestek enUkraine, elle est arrivée en Israël avec ses parents, le 4 avril 1990. Dèsl’âge de 4 ans, poussée et conseillée, il est vrai, par un père professeur detennis et une mère excellente joueuse, Julia arpente les courts.
Pour elle, le tennis est très vite une véritable passion. Son père estconstamment auprès d’elle pour l’entraîner, sa mère pour la couver etl’encourager à persévérer.

Studieuse, Julia est une très bonne élève, mais elle a déjà choisi sa voie :elle sera joueuse professionnelle de tennis. Pour y parvenir, les parentsconsentent de gros sacrifices. Julia, désormais sous la coupe d’un entraîneur israélien, Assaf Ingber, seretrouve tous les jours sur le court de 8 h à 18 h avec quelques petitsinstants de répit.

“Mes parents croient en moi”, confie Julia “et moi je crois en moi, en mescapacités. J’ai la volonté de réussir dans ce métier extrêmement difficile, jesuis habitée par la gagne”.

“Je cherche avant tout à me faire plaisir”

Les résultats ne se font pas attendre. Julia enlève quelques tournois etparvient à se classer 151e mondiale en 2011. Battue par Shahar Peer, lameilleure joueuse israélienne, elle prend un peu plus tard une éclatanterevanche sur son adversaire en triomphant en deux sets.

Avant de décrocher le titre de championne d’Israël.

A chacune de ses apparitions elle gagne des places, prend davantaged’assurance, de sérénité aussi dans les échanges. Toujours animée du même désir: progresser encore, gagner en puissance, suivre la voie tracée par ses parentset surtout accepter que la route qui mène au sommet est parsemée d’embûches.

Mais au cours de cet entretien qu’elle nous a accordé sur un court de tennis àTel-Aviv, elle ne cesse de répéter : “Il faut maintenant que je gravisse lesplus hautes marches, et pour cela il n’y a qu’un moyen : se frotter auxmeilleures raquettes européennes et mondiales”.

Lorsque je lui demande pourquoi elle ne s’est pas alignée à Roland Garros,Julia répond qu’elle avait chuté au classement et sa place de 220e ne luidonnait pas la possibilité de s’aligner dans le tournoi international de Paris.

Nouvelle déception à Wimbledon où elle ne réussira pas à se qualifier lors despréliminaires. Elle attendait beaucoup de sa participation au tournoi, même sielle savait que cela ne serait pas facile. Peu importe, la jeune athlète nes’embarrasse pas d’états d’âme superflus et pense déjà aux prochains rendez-vous,soutenue par son entraîneur Assad Ingber : “Julia sera prête pour ces nouveauxdéfis, je peux vous l’assurer. Elle est actuellement la meilleure joueuseisraélienne et je lui ai concocté un programme qui va lui permettre de connaîtreson niveau”.

C’est ainsi qu’elle rendra ensuite au Canada en juillet, puis à New York enaoût pour préparer dans les meilleures conditions possibles ces préliminairesde l’Us Open d’Australie qui lui tient tant à coeur.

Qu’est-ce que vous cherchez , Julia, dans le tennis : la gloire, l’argent ?“Non me répond elle, je cherche avant tout à me faire plaisir, à répondre auxsacrifices consentis par mes parents”.

Lorsque je lui demande encore quelle est son idole sur le plan mondial, ellen’hésite pas un seul instant “Non, je n’ai pas d’idole. Je regarde certes lesmeilleures joueuses, mais je veux être moi, tout simplement. Je veux parvenirau plus haut niveau et m’imposer, à l’étranger, comme meilleure représentantedu pays qui m’a adoptée. C’est cela que je veux avant toute chose.”

Elle s’en retourne sur le court chauffé à blanc par un soleil brûlant. Encoresouffrir, mais frapper dans la balle avec toujours cette même hargne, cettemême intensité. Cette joueuse réussira et parviendra là où elle a décidéd’aller : vers le sommet du tennis mondial.