Gil Shohat : portrait d’un artiste atypique

Après un petit concert privé, déjeuner en terrasse sur la place du vieux Yaffo. Entrevue inattendue avec un artiste hors du commun

Gil Shohat : portrait d’un artiste atypique (photo credit: DR)
Gil Shohat : portrait d’un artiste atypique
(photo credit: DR)
Auteur-compositeur israélien, né d’une mère polonaise et d’un père irakien, Gil Shohat a baigné dans les musiques classique et arabe. Ce qui a beaucoup influencé sa créativité. Son premier contact avec la musique a lieu à l’âge de 4 ans. Mais c’est à 6 ans qu’il commence officiellement à étudier le piano. Pour lui, tout s’enchaîne alors.
A 11 ans, il donne déjà des récitals, des concerts, et chante dans une chorale. Il commence même à écrire de la musique. Surtout pour les chœurs, dans un premier temps, car c’est alors son univers musical.
A 15 ans, il intègre l’Orchestre de chambre d’Israël. Puis à 18 ans, écrit Le Rossignol et la Rose. L’œuvre, inspirée d’une histoire d’Oscar Wilde, connaîtra un succès mondial.
Mais c’est en 2001, avec Alpha et Omega, qu’il connaîtra une renommée mondiale.
« J’ai vu que cela marchait bien, que le public était réceptif, alors j’ai continué à écrire », confie-t-il.
Après son service militaire, Shohat étudie en Italie, puis à Cambridge en Angleterre. Il passe également quelques années dans la capitale française où il travaille pour l’Ensemble orchestral de Paris. En parallèle, il est chef d’orchestre et pianiste.
Auteur de 5 opéras, 15 concertos, et plus de 200 œuvres pour pianos, il a aussi écrit des musiques de chambre et des morceaux pour chorales. Mais selon lui, sa plus grande création reste la composition de 9 symphonies.
Aujourd’hui, le succès est bel et bien au rendez-vous. Ces six dernières années, Shohat a donné plus de 300 concerts par an, quasiment un tous les jours. Revers de la médaille : l’engouement du public lui laisse beaucoup moins de temps pour écrire, mais il le trouve malgré tout.
Dharma, création nocturne
« Cette dernière année, j’ai trouvé le temps d’écrire Dharma », explique-t-il.
L’œuvre se compose de plusieurs petites pièces pour trois chanteurs accompagnés d’un orchestre. Elle est basée sur des textes qui arrivent d’une variété de sources différentes. Par exemple des textes de poètes israéliens, du poète allemand Rilke, du poète français Arthur Rimbaud, de chansons chinoises, de textes mésopotamiens, ou encore de la Bible chrétienne en latin.
« L’idée de Dharma repose sur les lois de l’univers. C’est la philosophie du chemin de vérité. L’homme peut emprunter plusieurs voies, mais une seule est celle de la vérité, le chemin de Dharma. » Le choix des poèmes a été fait de manière scrupuleuse afin d’exprimer au mieux cette philosophie.
Il lui aura fallu un an et demi pour venir à bout de cette œuvre. Shohat écrivait en général la nuit après les concerts. « La nuit, c’est mieux, car il n’y a pas de bruit. »
Lorsqu’il compose, il collabore en général avec des poètes, pour la plupart israéliens. Une grande chance, considère-t-il. Mais dans le cas de Dharma, tous les textes existaient déjà. Certains datent de 800 ans avant notre ère. Autre particularité pour Shohat : c’est la première fois qu’il n’écrit pas sur commande. « C’est une œuvre très fragile. Il ne s’agit pas de musique classique. Cela s’apparente plutôt à une œuvre de musiques du monde. C’est la première fois que je compose ce genre de pièces. »
Les musiciens et les chanteurs ont été choisis après que l’œuvre soit terminée. Gil Shohat a notamment choisi l’artiste Mira Awad, chanteuse arabe israélienne d’origine chrétienne, qui avait représenté Israël à l’Eurovision en 2009, en duo avec Ahinoam Nini (Noa).
La première mondiale de Dharma aura lieu le 7 octobre prochain à Rehovot, à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle salle de concerts de la ville. Puis l’œuvre sera présentée dans tout Israël.
Musique vs. politique
Parmi les pays où Shohat aimerait jouer Dharma, il y en a un en particulier : la France. « Le public français sera, j’imagine, très ouvert à une œuvre comme celle-là. Il y a beaucoup d’influences mondiales dans ma pièce et la culture française est très ouverte à ça. »
Pour autant, c’est en Italie que Gil Shohat préfère se produire. Le pays compte beaucoup pour lui, car c’est là qu’il a étudié et consacre une bonne part de ses activités. Son nom est donc loin d’être inconnu du grand public italien.
Ces derniers mois, la situation politique en Israël influence l’accueil du public à travers le monde, spécialement en Europe. Moins d’invitations et moins de commandes de concerts, note Shohat. « C’est la première fois que je ressens cela » confie-t-il. « Je ne sais pas si on peut parler de boycott, mais on m’a déjà annulé plusieurs concerts, partout à travers le monde, et aussi en France. C’est très difficile d’être israélien à l’étranger pendant les périodes de guerre. Même au niveau sécuritaire, quand un Israélien se déplace, il faut une sécurité renforcée. Nous ne sommes plus populaires désormais, spécialement en Europe. Mais en Chine, par contre, je me produis tout le temps ! Ils adorent les juifs et pensent que les Israéliens sont des génies. »
Les concerts de Shohat sont la plupart du temps donnés à l’intention des communautés juives de diaspora. Ce n’est cependant pas ce que le compositeur voudrait. « J’aimerais donner mon cœur à tout le monde » déclare-t-il.
Avec Dharma, œuvre multiculturelle, l’objectif de Gil Shohat pourrait bien être atteint. Si sa nationalité israélienne ne fait pas obstacle à son succès, il devrait bientôt se produire dans de nombreux pays.
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