Les laïcs aussi sont célibataires

L’époque des entremetteuses semble lointaine et pourtant... aujourd’hui certains ne peuvent plus s’en passer

Celibataires (photo credit: Thinkstock)
Celibataires
(photo credit: Thinkstock)

Elli Shtroul n’estpas religieux. Cet entremetteur d’une quarantaine d’années est laïc. Diplômé del’Institut Adler en Israël, coach et thérapeute, cela fait deux décennies qu’ilaide les Israéliens à se marier. Et, plutôt étonnamment, sa clientèle -célibataires ou divorcés âgés de 20 à 50 ans - est exclusivement composée delaïcs.

De son bureau à Rishon Letsion, Shtroul offre une série de services et deconseils aux non-religieux qui souhaitent fonder un foyer. La mention “pas pourShomer Shabbat” figure un peu partout sur son site. Dans un monde qui considèrele mariage arrangé comme dépassé, Shtroul insiste : ses services sont nonseulement encore d’actualité, mais ils le sont tout autant pour les laïcs quepour les religieux. Ce qui n’a rien de nouveau, assure-t-il : “Je n’ai rien inventé.Il y a toujours eu des services de rencontres pour les laïcs et il continueracertainement d’y en avoir”. Pour Harella Ishaï, c’est au contraire un “come-back”.
Cette mère de six enfants joue les entremetteuses pour les Israéliens de toutestendances et constate une augmentation de la demande laïque. Pour la seuleannée dernière, elle a enregistré une hausse de 30 % chez les hommes nonreligieux. Fondatrice du service de rencontres “Doo-Lev”, fort de quatreagences dans le pays, Ishaï attribue ce regain d’intérêt à une société de plusen plus focalisée sur le travail : “Aujourd’hui, on se concentre avant tout surses études et sa carrière”, explique-t-elle. “Les jeunes font l’armée, voyagentà l’étranger puis commencent immédiatement à étudier et s’attachent à bâtir unecarrière. Ils sont si focalisés sur tout cela qu’ils en oublient l’essentiel :trouver un partenaire et fonder une famille”. La recrudescence de la demanden’est cependant pas limitée au secteur séculier, selon Harella, les religieuxaussi font davantage appel à elle.
Autre facteur : une désillusion croissante par rapport aux promesses de larencontre en ligne. “C’est ironique, mais à l’heure d’Internet, il estjustement de plus en plus difficile de trouver l’amour”, explique-t-elle. “Lesrencontres par Internet ne mènent souvent qu’à des aventures sans lendemain.”Sans parler du risque des fausses informations, ajoute-t-elle : photos datéespour paraître plus jeune, mensonges sur le statut familial, le poste ou lesalaire. Bien que la possibilité de rencontrer sa moitié par le biais d’amis communsexiste toujours, Ishaï pense que son approche est plus productive et moinsdifficile : “Il est préférable de retourner aux services de rencontres. Vous avez alors quelqu’un pour vous proposer des options valables et filtrerles autres. On gagne beaucoup de temps et on évite d’avoir le coeur brisé”.
Les jeunes laïcs sont perdus

Selon MickiLavin-Pell, thérapeute conjugale et familiale, et coach personnel, les servicesd’entremetteurs dans le secteur non religieux comblent un vide. Pour les laïcs,note-t-elle, les possibilités de faire la connaissance d’un partenaire sontassez limitées, en l’absence d’une communauté organisée et structurée. “Il n’ya tout simplement pas assez de lieux de rencontres pour les laïcs”, dit-elle.“Car ils n’aspirent pas forcément à se retrouver dans un bar ou en boîte denuit, juste parce qu’ils ont un mode de vie libre. B e a u c o u p préféreraient un dispositif plus sophistiqué”. Lavin-Pelle dirige “Beineinou”, la branche israélienne pour célibataires duMouvement de jeunesse international.
Orthodoxe, la structure offre ses services au secteur religieux, principalementanglo-saxon. Une offre trop souvent absente dans le monde laïc, estime lathérapeute. Mais elle se dit néanmoins satisfaite de la résurgence de servicesde rencontres parmi les célibataires non religieux. “Beaucoup d’entre euxsollicitent mon aide. Mais je me bats actuellement pour obtenir davantage defonds pour le secteur religieux. S’occuper d’une autre communauté serait trop lourd”. Liron Cohen, célibatairede 31 ans de Tel-Aviv, se retrouve dans ces propos. “Les bars, c’estprincipalement pour les aventures d’une nuit et cela ne mène à rien desérieux”, explique-t-elle. Déçue des sites de rencontres, la jeune femme severrait bien faire appel à une agence matrimoniale.
“J’ai entendu parler du concept, mais je ne sais pas où en trouver. Ce seraitun grand soulagement que quelqu’un d’autre ‘filtre’ les options pour moi”. L’approche d’Ishaï, à base d’examens graphologiques pour cibler au mieux lacompatibilité, ne varie pas beaucoup d’un client religieux à un client laïc.Cependant, avec les pratiquants, la compatibilité religieuse a son importance. “Chez les laïcs, la religion est moins centrale. Mais parfois certains ontquand même des exigences vis-à-vis du futur partenaire. Ils peuvent vouloirquelqu’un qui jeûne pour Yom Kippour, ou respecte certains critères decashrout.” Selon Sofia Litinsky, entremetteuse à ses heures perdues et professeurd’anglais de métier, contrairement aux religieux, la plupart des laïcs à quielle vient en aide placent l’apparence physique en premier lieu, pour ensuites’intéresser à la stabilité économique, puis aux diplômes et au milieusocioculturel. Les orthodoxes, quant à eux, se focalisent bien davantage sur lacompatibilité religieuse et ne s’intéressent pas seulement au futur partenairemais aussi à sa famille. Tout comme Lavin-Pell et Ishaï, Litinsky met l’accentsur le vide dans le domaine des rencontres ressenti par les laïcs. “Ils ontbien plus tendance à demander de l’aide. Chez les religieux, dans chaquefamille, on trouve une tante entremetteuse”, plaisante-t-elle.
Une aide qui a son prix

Pour répondre àces besoins croissants de la communauté laïque, JRetroMatch.com a été créé en2006. La branche séculaire du site de rencontres orthodoxe SawYouAtSinai.com.Selon sa présidente Danielle Solomon, le service combine tradition ettechnologie avec le fait de f a i r e revivre la science ancienne d’entremetteuse.Il s’agit d’un service personnalisé : les marieurs ont un entretientéléphonique avec les membres inscrits pour les connaître personnellement et seservent ensuite de la base de données pour leur trouver des partenairescompatibles. Les deux parties doivent être d’accord pour se rencontrer afinqu’un contact soit établi.
“Après la création de notre site pour la communauté orthodoxe, nous avons reçuénormément de messages de la part d’amis ou de membres de familles de nosinscrits, moins religieux. Ils étaient déçus des autres sites de rencontres etsouhaitaient une touche plus personnelle, mais également quelque chosed’abordable financièrement et qui ne leur prenne pas tout leur temps”, expliqueSolomon. Selon elle, JRetroMatch compte de nombreux utilisateurs en Israël,essentiellement des Anglo-Saxons et également des Israéliens laïcs vivant auxEtats-Unis. La page de garde est en anglais, mais il est possible de remplir leformulaire en hébreu. Pour la directrice, les “cybermarieuses”, comme on lesqualifie, ont une valeur ajoutée de la plus haute importance : “Lorsqu’uneentremetteuse est impliquée, en général les candidats se comportent mieux et defaçon plus responsable”, dit-elle. “Si un membre se montre mal-élevé oudésagréable, les administrateurs du site sont au courant. Si une photo ou unprofil ne correspondent pas à la réalité, là encore l’information remonte. Lesystème est plus contrôlé et équilibré”.
Les services de JRetroMatch sont facturés entre 13 et 20 dollars par mois,nettement moins que les autres sites Internet, note Salomon. Il existeégalement une option gratuite, sans recours à une offre personnalisée. Pour être aidés d’Ishaï, il faut compter 8 000 shekels sans limite de temps et8 000 autres, si la rencontre devait se conclure sous le dais nuptial. En dépitde ses honoraires élevés, Ishaï ne se dit pas attirée par l’appât du gain,depuis bientôt 20 ans qu’elle offre ses services. “Je vois cela plutôt commeune mission”, précise-t-elle.