Rue Sésame, version hébreu

Avec quelques changements et une nouvelle campagne multimédia, Rehov Soumsoum, la version israélienne de Rue Sésame, cherche à élargir sa portée

rehov soumsoum (photo credit: avec l aimable autorisation de Tzachi Slinker)
rehov soumsoum
(photo credit: avec l aimable autorisation de Tzachi Slinker)

On ne présente plus Elmo, le bébé monstre au pelage rouge et nez orange de la Rue Sésame. “Un petit rôle peut s’avérer énorme !”, commente d’ailleurs le personnage qui accompagne ses propos d’un rire aigu caractéristique.

Le muppet a tourné aux côtés de l’Oncle Shmouel (Shmouel Vilozny) pour la quatrième saison de Rehov Soumsoum, l’adaptation israélienne du programme à succès. Derrière lui, se cache le comédien Ariel Doron, qui tire les ficelles de la marionnette la plus célèbre du monde.
C’est la chaîne câblée Hop ! qui diffusera le programme en Israël dès le mois d’avril, et fera d’Elmo une star auprès des trois - six ans. “Il se crée une affinité apparemment innée avec le personnage”, explique Danny Labin qui dirige l’exploitation du groupe Hop !, et les partenariats avec Sesame Workshop, l’organisation à but non lucratif qui gère les Rues Sésame de par le monde.
Les responsables du programme cherchent désormais à développer la visibilité des personnages pour permettre aux téléspectateurs de tisser un lien personnel avec eux.
La création d’ateliers et de contenu en hébreu et en arabe en est un moyen. Objectif numéro 1 : augmenter l’impact éducatif de la série. Et faire en sorte que les messages intemporels prônés dépassent les 1,6 million de foyers qui reçoivent la chaîne Hop !

 

S’adapter aux problématiques locales

 

Rehov Soumsoum a d’abord été diffusé en Israël sur le canal éducatif du pays, entre 1983 et 1986. Il est alors géré par le ministère de l’Education. Mais faute de financement public, le programme est interrompu.

Jusqu’en 2006, lorsque Rehov Soumsoum trouve refuge chez Hop ! L’émission qui a fait ses débuts aux Etats-Unis en 1969 a toujours mis l’accent sur le socio-affectif et l’appréciation de la diversité, dans une société multiculturelle en évolution rapide. Et comme il le fait dans d’autres pays, Rehov Soumsoum s’adapte au paysage israélien.
Certains des thèmes de cette saison ont été stimulés par les récentes manifestations pour la Justice sociale qui ont éclaté l’été dernier, et par les questions d’égalité, des droits individuels et de l’identité. Sans entrer dans le débat politique, Rue Sésame vise à inculquer des valeurs qui ne peuvent déplaire aux parents, telles qu’attendre son tour ou ne pas pousser les autres. Le thème de l’équité est également largement exploré.
Dans l’un des épisodes, Sivan (Efrat Gonen), un personnage âgé en fauteuil roulant, remporte la première place aux Jeux olympiques de Rehov Soumsoum. Ses amis marionnettes lui construisent alors une rampe d’accès à la scène pour qu’elle puisse recevoir son prix. Le réseau est en partenariat avec Beit Issie Shapiro, association à but non lucratif basée à Raanana et qui favorise l’insertion des personnes handicapées, et la sensibilisation au problème dans les classes.
Mahboub, la mascotte arabe

 

Cette saison, la diversité est illustrée par des séquences sur la vie des enfants israéliens. Parmi eux : une fillette du Darfour qui étudie à l’école Bialik Rogozi, un garçon qui aime danser et dont les parents sont géorgiens, des enfants ultra-orthodoxes, arabes ou éthiopiens, voire un enfant qui habite dans un moshav organique.

“Les scènes avec de vrais enfants sont vraiment importantes. Elles permettent d’entrer en contact avec des individus différents”, explique Shira Ackerman Simchovitch, directrice du contenu éducatif de Rehov Soumsoum.
Mahboub, une marionnette arabo-israélienne dont le rôle a été élargi cette saison, est particulièrement importante pour servir cet objectif. Mahboub enseigne des mots, des jeux, des chansons et des traditions culturelles arabes. Il était, en 2009, le premier personnage araboisraélien à apparaître dans une émission de télévision pour enfants israéliens. “Il est curieux de tout. Et le plus important : il est simplement l’un des enfants”, explique Youssef Sweid, le marionnettiste de Mahboub. “Il est adoré par les téléspectateurs juifs.”
“Le muppet vise à mettre en contact des enfants israéliens juifs et arabes”, souligne Labin. “Mais il revêt également un rôle positif auprès des enfants arabes, fiers d’être représentés.”
D’après Ackerman Simchovitch, le réseau cherche à s’étendre à tous les Israéliens, en particulier aux Arabes israéliens, via un message multimédia et une multiplate- forme. Nombre de maisons arabo-israéliennes n’utilisent pas les fournisseurs d’accès Hot ou Yes, remarque-t-elle. Les Arabes israéliens ont, en effet, davantage tendance à se connecter à des réseaux égyptien ou jordanien. “Mais cela ne signifie pas que les enfants doivent passer à côté de Rehov Soumsoum !” Le DVD de la série est distribué gratuitement aux écoles maternelles et jardins d’enfants arabes. La clé pour sensibiliser les salles de classes et atteindre cette population.
La saison dernière, une édition spéciale de DVD de 45 minutes en arabe a été distribuée à chaque éducateur de la petite enfance arabe du pays, par l’intermédiaire du ministère de l’Education, précise Ackerman Simchovitch. “Nous travaillons dur pour obtenir le soutien des enseignants et familles arabes.”
Un partenariat a également été mis en place avec l’institution Merhavim qui promeut le partage de la citoyenneté en Israël.
Le projet “Jouons sur la Rue Sésame”, financé par le département d’Etat américain et piloté avec succès entre 2007 et 2009, cherche à former les enseignants dans cette optique. Il fournit des épisodes de Rehov Soumsoum et des activités à suivre avec parents ou éducateurs. Un kit familial propose d’anciens et nouveaux épisodes, en hébreu et en arabe. L’objectif fixé est d’atteindre 1 200 enseignants au cours des trois prochaines années. Avec le nombre moyen d’enfants dans une classe - 35 - le calcul est simple : 42 000 enfants bénéficieront du programme d’études.
Toucher les plus jeunes

 

Un ambitieux projet national avec la branche israélienne du réseau international Hippy - enseignement à domicile pour les parents et les enfants d’âge préscolaire - Haetgar, a également été repensé. Il propose d’accompagner le contenu pédagogique des épisodes de Rehov Soumsoum jusqu’à domicile, via des rencontres avec les parents. Hippy, développé au Centre de l’Université hébraïque pour l’innovation en matière d’éducation, a été reproduit dans douze pays, dont l’Afrique du Sud, l’Allemagne et l’Australie. La campagne est assurément un succès. Selon Ackerman Simchovitch, le site Hop ! accueille de 500 à 800 visiteurs par mois.

Sur le petit écran, le spectacle vise cette saison à être plus représentatif de l’univers des enfants. Les amateurs remarqueront l’absence de Kippi, le porcépic emblématique, la présence d’un seul acteur adulte, et un ensemble de décors nouveaux avec une salle de spectacles, un parc, des balançoires et un bac à sable, afin de rompre avec la traditionnelle scène de rue.
Au lieu d’être une rue agitée et pleine de personnages adultes, l’ensemble se révèle plus calme et intimiste. Et permet aux téléspectateurs de se concentrer davantage sur le message diffusé. “Il est important de se rappeler que le spectacle s’adresse à un public très jeune”, précise Ackerman Simchovitch. “Notre travail, chaque saison, est de braquer les projecteurs sur une problématique précise et de la simplifier afin qu’elle soit intégrée par les plus jeunes”, souligne-t-elle. Et d’assurer que même les bébés absorbent quelque chose de Rehov Soumsoum en le regardant.