SOS : touristes en détresse

Lorsque des Israéliens se trouvent en difficulté à l’étranger, ils appellent la maison. Ou en d’autres termes, le ministère des Affaires étrangères de Jérusalem

secours (photo credit: Liatt Collins)
secours
(photo credit: Liatt Collins)

La majorité des voyageurs israéliens ont deux mères qui se font du souci pour eux pendant leur périple de l’autre côté de l’océan. qu’ils connaissent, et dont ils espèrent qu’elle ne connaîtra jamais leur nom. Cette seconde mère, c’est Ilana Ravid. Son titre officiel : directrice pour les Israéliens à l’étranger, au bureau des Affaires consulaire du ministère des Affaires étrangères. Ce qu’elle doit gérer : des appels au secours. Israël n’est pas le seul pays doté d’un département dédié à aider les “touristes accidentés”, mais la majorité des histoires racontées par Ravid et celle quilui a précédé, Orit Shani, ont une singularité bien propre à Israël.

Les anecdotes survenues durant le séisme de l’an dernier et le tsunami au Japon sont nombreuses et méritent d’être relatées. Mais ne sont pas les seules. La semaine dernière encore, un certain Yaron Deckel se plaignait que l’ambassade d’Israël ne faisait pas suffisamment pour l’aider. Au fil de la conversation, il est apparu évident que l’homme vivait au Japon depuis au moins 10 ans sans aucune intention de revenir en Israël dans un avenir proche. Mais quand il a eu besoin d’être “sauvé”, c’est tout naturellement vers l’Etat hébreu qu’il se tourne pour quémander de l’aide. Une réaction appelée “la mentalité d’Entebbe”.
“Même les gens munis de la double nationalité et qui voyagent avec deux passeports différents nous demandent de l’aide”, explique Ravid, qui travaille avec le ministère depuis près de 30 ans. Si elle n’est affectée à ce poste que depuis quatre mois, certains des cas qu’elle a traités sont déjà célèbres.
Ravid et Shani, désormais à la tête du Centre de gestion des crises qui réceptionne la majorité des premiers appels d’urgence, soulignent que le ministère étudie la façon dont d’autres pays fonctionnent, afin de dresser les limites et les frontières de leur action. Et Ravid d’admettre qu’il est difficile de les appliquer.
“Ce travail nécessite une bonne dose de bon sens, mais aussi l’écoute de votre coeur”, commente-t-elle. Trois membres du ministère reçoivent entre 10 et 20 appels par jour. “Parfois, il n’y a qu’un seul appel, mais il peut alors s’agir d’un cas très important... Notre travail consiste souvent en une enquête de détective”. Et la résolution des problèmes s’opère souvent d’une manière très israélienne. L’expression “Kol Israël arevim zé lazeh”, “Tous les Juifs sont responsables les uns des autres”, prend ici tout son sens.
Les dangers d’une arête de poisson

 

Ravid raconte l’histoire d’une femme qui séjournait dans un endroit isolé d’Europe. Elle a composé le numéro de la police en Israël pour indiquer qu’elle allait se suicider. La police israélienne a immédiatement contacté le ministère des Affaires étrangères et “avec l’aide du consul, nous avons contacté un rabbin local Loubavitch qui lui a parlé, et s’est entretenu avec elle, lui sauvant ainsi la vie”.

Autre pays, autre exemple : un couple de personnes âgées s’est retrouvé en difficulté en où la femme a eu un accident et nécessitait une intervention chirurgicale à la hanche, non couverte par son assurance santé.
Son mari, quant à lui, commençait à montrer des signes de traumatisme. “Dans ce cas, le consul a mobilisé la communauté juive locale qui a les aidés à pourvoir à tout ce dont ils avaient besoin, y compris une infirmière, jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer à la maison. Nous nous sommes assurés, pour notre part, qu’ils reçoivent également l’aide des services sociaux en Israël”, précise Ravid.
Shani se souvient du cas d’une jeune femme qui a appelé le “Hadar Matsav” à Jérusalem pour signaler que son petit ami était en train de s’étouffer avec une arête de poisson et demander ce qu’elle devait faire.
“Pouvez-vous imaginer le citoyen d’un autre pays appeler le ministère des Affaires étrangères dans de telles situations ?”, interroge Shani. L’employé du personnel du ministère qui a pris l’appel a conseillé à la jeune femme de donner du pain à son ami. Et cela a marché.
Dans son bureau, une carte du monde habille un pan entier de mur. Le second est presque entièrement recouvert de photos de ses deux filles. L’une d’elles est en train d’économiser pour un voyage après l’armée et Ravid admet être terrifiée. Généralement, elle gère des situations où les voyageurs se sont évanouis dans la nature.
“Certaines familles semblent penser que je peux appuyer sur un bouton pour traquer les disparus”, gronde Ravid.
Et Shani de renchérir : les familles en Israël vivent dans l’ère technologique et “ne se rendent pas compte combien il est difficile d’entrer en contact avec quelques villages éloignés, sans électricité, au ou ailleurs”.
Le vendredi soir, moment de contact

 

Les deux femmes conseillent aux randonneurs de laisser des indications sur leur itinéraire à leurs familles, de n’utiliser que des guides locaux qui possèdent une licence, de s’inscrire auprès des autorités israéliennes, et de vérifier le site Web du ministère pour obtenir des conseils et des avertissements pour les voyages. “Vous obtiendrez une idée de ce à quoi se préparer, en fonction de l’emplacement, des conditions météorologiques et ainsi de suite”, explique Ravid.

Elle, tout comme Shani qui a occupé ce poste pendant cinq ans, recommande souvent aux familles d’attendre le vendredi soir ou Erev Hag (veille de fête), pour les appeler : “C’est le moment où les Israéliens entrent en contact”, remarque-t-elle. Mais tous les voyageurs qui ont disparu ne veulent pas nécessairement être retrouvés, note Ravid. “Parfois, ils essaient simplement de s’affranchir et d’être indépendants.”
Il y a quelques semaines, le ministère a été averti par le journal télévisé que deux randonneurs disparus en Bolivie avaient été repérés et secourus grâce à leurs compagnies d’assurance israélienne. Le ministère contribue à la coordination, mais ne finance pas les efforts de sauvetage à moins qu’il ne s’agisse d’une catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre ou un tsunami”.
Mais toutes les histoires n’ont pas une fin heureuse : “J’ai vite appris à parler du rapatriement du ‘cercueil’ plutôt que de celui du ‘corps’”, explique Ravid.
Assurance, assurance, assurance

 

Le ministère s’occupe en outre de nombreux Israéliens pour raisons psychiatriques, pour des problèmes parfois liés à la drogue ou qui ont cessé de prendre des médicaments.

Le ministère consacre aussi énormément de temps à aider les Israéliens arrêtés. Il y a, en permanence, environ 500 Israéliens en prison ou détenus à l’étranger. “Nous cherchons à nous assurer qu’ils sont détenus dans des conditions décentes, qu’ils reçoivent de la nourriture casher et des médicaments. Et qu’ils ont des contacts avec leurs familles. Enfin, nous les aidons à trouver un avocat sur place”, explique Ravid.
Véritable casse-tête pour elle : le nombre croissant de jeunes Israéliens arrêtés pour avoir travaillé illégalement aux Etats-Unis ou au . Pour la plupart, ils sont vendeurs dans les centres commerciaux. “Ils ne réalisent pas qu’ils risquent d’être détenus pendant des mois”, explique Ravid. “C’est triste. Ils ne comprennent pas les conséquences à long terme d’avoir un casier judiciaire dans ces pays.”
Les voyageurs oublient aussi qu’ils ont besoin de vérifier la situation politique de certains pays : une guerre au , ou une révolution ailleurs. Tous les dangers ne sont pas liés au fait d’être israélien. Pour les situations d’urgence à grande échelle qui impliquent des Israéliens, comme les attaques terroristes ou les catastrophes naturelles, le travail est transféré au Centre de gestion des crises.
Ravid, “la mère de tous les voyageurs”, a beaucoup de conseils judicieux à administrer, mais sa meilleure recommandation reste la suivante : “Assurance, assurance, assurance.
Souscrivez à une assurance la plus complète possible.” Mère juive typique, elle donne l’impression que les voyageurs devraient se préparer au pire, alors même qu’ils se préparent à passer du bon temps. Et laissent pendant ce temps, à la maison, ceux qui vont se faire du souci pour eux.