Un “trou noir” dans l’Histoire

Le massacre d’Oran a disparu des mémoires

Critique de livre (photo credit: .)
Critique de livre
(photo credit: .)

L’histoire française est faite d’oublis, d’événements passés sous silence. Volontairesou non.La guerre d’Algérie en est l’exemple parfait. Depuis les “mouvements”algériens, requalifiés en guerre, aux révélations sur la torture, les conflitssont passés, l’Algérie a acquis son indépendance, les années ont filé etpourtant tout n’est toujours pas mis en lumière. Ni accepté par tous.

Des historiens, journalistes et intellectuels, français et algériens, ontplanché sur la question. 2012 a vu fleurir les ouvrages à l’occasion des 50 ansde l’Indépendance du pays. Guillaume Zeller a choisi de revenir sur un desdrames de l’époque : le massacre d’Oran. Pour le titre de son livre, lejournaliste et historien reprend l’expression d’Alain-Gérard Slama : “lemassacre oublié”. Au milieu de la liesse populaire, une tragédie a eu lieu pourles Européens d’Oran et certains musulmans.

L’auteur ne se prend pas pour un chercheur. Il reprend des travaux déjàréalisés et les étoffe de témoignages. La combinaison des deux offre uneversion vivante et factuelle. Les sentiments s’entremêlent à la réalitéhistorique.

A la croisée de l’Orient et de l’Occident

Oran est une ville spéciale. Depuis toujours, elle unit Orient et Occident.Réputée paisible, il y fait bon vivre. L’entente entre les Musulmans et lesEuropéens semble bonne. Même si les communautés ne vivent pas ensemble, lesliens existent, des amitiés se créent.

Jusqu’à la fin des années 1950, la cité reste éloignée des “événements”.Des attaques du FLN ont lieu, mais elles ne sont qu’épisodiques. A partir de1961, pourtant, Oran est rattrapé par la réalité. Trois camps s’affrontent dansla ville : FLN (Front de Libération nationale), OAS (Organisation arméesecrète) et forces de l’ordre françaises.

18 mars 1962 : les accords d’Evian sont signés. Et l’Indépendance proclaméele 5 juillet de la même année. Ce jour-là, tout semble calme dans l’Algérienouvellement autonome. Les Européens vaquent à leurs occupations ou sepréparent à assister aux festivités d’Indépendance. Mais un seul coup de feu vaalors déclencher l’une des plus grosses tueries civiles du conflit. Bilan : 2000 morts.

Dans les premiers chapitres de l’ouvrage, Guillaume Zeller revient sur lesétapes importantes de la guerre d’Algérie qui vont mener à l’autonomie. Puisrelate la journée du 5 juillet à travers de nombreux témoignages,principalement d’Européens, et en se basant sur des documents d’archives et derecherches. Des déclarations qui font froid dans le dos : une folie meurtrièresemble s’être emparée des Oranais algériens.

L’auteur évoque les différentes hypothèses pour comprendre l’origine dutir. Membres du FLN, de l’OAS... Personne ne sait vraiment. De la manière laplus neutre possible, Zeller révèle les conséquences de ce massacre surl’Algérie, la France, le gouvernement français. Il met en exergue l’attitudepassive des 18 000 soldats français cantonnés à Oran, qui n’ont eu ordred’intervenir que dans l’après-midi.

Ce massacre reste aujourd’hui un “trou noir”. Il ne fait plus partie del’histoire française, pas encore de l’algérienne. L’auteur a la sensibilitéd’en faire plus qu’un document scientifique : un drame humain.