Affaire Merah : ce que la DCRI savait

Alors que Le Parisien a révélé des extraits des notes de service du Renseignement intérieur, la filière islamiste ne fait plus aucun doute

affaire merah (photo credit: Reuters)
affaire merah
(photo credit: Reuters)

Mohammed Merah avait tué sept personnes dans le sud de la France, en marsdernier. Trois militaires et quatre Juifs - un rabbin, le Rav Sander, ses deuxgarçons et une troisième fillette, Myriam Montenegro. Il avait ensuite étéabattu à son tour par le RAID, à l’issue d’un siège de 32 heures à Toulouse.Merah était non seulement surveillé et connu des services secrets françaisdepuis au moins 2009, mais il constituait une “cible privilégiée” de la DCRI(Direction centrale du Renseignement intérieur) pour sa proximité avec desislamistes radicaux toulousains clairement identifiés. Tout comme son frèreAbdelkader.

Voilà ce qui ressort des documents classés secret-défense de la DCRIconcernant Merah, déclassifiés le 3 août dernier par le ministère de l’Intérieur,et transmis à la justice. Ces 23 pages rédigées entre 2007 et 2011, lequotidien Le Parisien en a pris connaissance et publié l’essentiel jeudi 9août.

“Accablant et dérangeant”, c’est en ces mots que le journal qualifie ce querapportent les documents déclassifiés. De quoi écarter définitivement selon luila thèse du “loup solitaire”, soutenue au moment des faits par l’ancien patron dela DCRI, Bernard Squarcini. Alors pourquoi ce djihadiste patenté, susceptiblede “conduire des actions armées”, n’a-t-il alors pas été surveillé de plus près? Retour sur plus de deux ans de rapports de la DCRI.

Décembre 2009

Le nom de Merah apparaît pour la première fois dans une “note de suivi dela mouvance salafiste radicale toulousaine”, datée de décembre 2009. On y faitréférence à Abdelkader Merah. Connu comme un proche du “groupe de Toulouse” -des Salafistes arrêtés en 2007 et condamnés en 2009 pour avoir développé unefilière de candidats au Djihad - il suit au Caire un enseignement religieux“axé sur le djihad”, depuis novembre 2009. Mohammed Merah, sorti de prisontrois mois plutôt, “entretient des contacts téléphoniques réguliers avec sonfrère Abdelkader au Caire” et participe à des “cours religieux du soir,dispensés à son domicile”.

Novembre 2010

Le futur tueur à scooter, qui suit des cours d’arabe, est décrit comme“membre d’une fratrie d’islamo-délinquants”. Il est associé à une “nouvellegénération” d’islamistes toulousains, influencés par les anciens “arrivés enfin de peine avec des convictions intactes et une détermination renforcée”.

Janvier 2011

Compte-rendu de l’arrestation à Kandahar en Afghanistan, quatre mois plustôt, de Mohammed Merah, par les services de contre-terrorisme locaux. Merahdéclare en français être de confession musulmane et exercer la profession decarrossier dans le sud de Paris. Il dit être passé par l’Allemagne, la Turquie,la Syrie, le Liban, Israël, l’Egypte, le Tadjikistan. Son voyage, qui avaitpour but de “visiter les ruines des statues de bouddhas détruites par lestalibans”, “doit nous interpeller”, écrit le DCRI, qui veut “approfondirl’environnement” amical et familial de Mohammed Merah, “un individu au lourdpassé délinquant, en phase de radicalisation”.

 Septembre 2011

Mohammed Merah est décrit comme “uncontact privilégié du leader historique de la mouvance salafiste toulousaine”,Sabri Issid. A son retour d’Afganistan, “il réintègre le noyau salafiste local”et “poursuit ses activités délinquantes”. “Les derniers renseignementsrecueillis laissent penser à un nouveau départ en octobre de Merah vers lePakistan”, un projet faisant de lui “une cible privilégiée du service”, maisrien ne sera fait pour empêcher son départ.

Décembre 2011

Un mois après son retour du Pakistan, en novembre 2011, Merah est entendupar l’antenne locale de la DCRI à Toulouse. Il confirme s’être rendu enAfghanistan et au Pakistan. Pas un mot sur le prétexte touristique. Il déclareêtre revenu en France pour “régler des problèmes avec la justice française”. Cesdéplacements constituent une “menace directe”, souligne le rapport, “car lesjeunes Djihadistes peuvent revenir avec, pour instruction, de conduire desactions armées”. “Glaçante prémonition”, conclut Le Parisien.

Depuis, Abdelkader Merah a été mis en examen pour complicité d’assassinat enlien avec une entreprise terroriste.Présent lors du vol du scooter Yamaha,c’est lui qui achète le blouson S pour son frère, ainsi qu’un talkiewalkie, etdîne la veille de la tuerie d’Otzar Hatorah avec Mohammed et une de leurssoeurs. Dans les disques durs de son ordinateur : des centaines de cours de“préparation au djihad”. Déclaration ambiguë : “je ne suis pas innocent d’êtrele frère de Mohammed”.