Iran : en parler, en privé

Selon Steinitz, le débat public sur la question iranienne est mauvais pour la sécurité de la nation

Iran (photo credit: Reuters)
Iran
(photo credit: Reuters)

Le Premier ministre Binyamin Netanyahou est en colère. Dimanche 12 août, ila pointé du doigt une série d’articles sur l’Iran qui font valoir lapossibilité d’une attaque imminente, les réserves de l’establishment de ladéfense devant une telle opération et le manque de préparation du pays face auxconséquences à prévoir. “Un scandale”, s’est-il écrié. Le fruit de plusieursrapports, publiés récemment.

 Lors d’une réunion avec les ministres du Likoud sur la frénésie des médiasà relater l’actualité avec l’Iran ces derniers jours, Netanyahou a estimé quecette multiplication de rapports n’a qu’un seul but : “empêcher Israël de menerdes actions indépendantes”. Le Premier ministre n’a pas précisé qui pourraienten être les auteurs. Mais selon lui, alors qu’il “a peu parlé et toujours demanière mesurée” à propos de l’Iran, d’autres ont créé des problèmes enfournissant des “informations spécifiques et des détails sur les opérations” àl’opinion publique.

Et le ministre des Finances, Youval Steinitz, d’aller plus loin. Pour ceproche de Netanyahou, la discussion publique actuelle, basée sur des fuites etcomportant les détails d’actions, pouvait “ causer du tort à la sécurité dupays”.

La semaine dernière, par exemple, Yediot Aharonot publiait un articleexpliquant que les Saoudiens avaient menacé de détruire les avions israéliensen route vers l’Iran qui survoleraient leur espace aérien. Ce genre d’articlesfavorise les spéculations. Selon certains, il ne s’agit que d’une tentative dugouvernement pour inciter la communauté internationale à prendre des sanctionsplus sévères vis-à-vis de l’Iran.

Celles en cours ont actuellement peu d’effet, et les négociationsdiplomatiques entre la République islamique et les Etats-Unis, la Russie, laChine, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne sont, pour la plupart, aupoint mort.

Les commentaires du vice-ministre des Affaires étrangères, Danny Ayalon,dimanche 12 août sur les ondes israéliennes, renforcent cette théorie. SelonAyalon, la voie diplomatique est un échec. La communauté internationale doit lereconnaître et faire comprendre aux Iraniens que s’ils persévèrent dans leurprogramme nucléaire, “toutes les options sont ouvertes”. Il faut montrer qu’ilne s’agit pas seulement d’une action d’Israël, mais également de l’OTAN, desEtats- Unis et d’autres pays, a ajouté le vice-ministre. Pour d’autres, les rapports sont un moyen de préparer psychologiquement lesIsraéliens à une éventuelle guerre.

Et ce, même si l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert considère qu’Israëln’a aucune raison de lancer une attaque imminente contre le régime des Mollahs.“Cela ne veut pas dire que l’Iran ne pense pas à obtenir des armesnucléaires...Cela veut dire que les actions militaires israéliennes ne sont pasutiles dans un futur proche”, a précisé Olmert.

Le système de défense le plus avancé au monde

Selon lui, “nous ne devons pas êtrehystériques, mais rester calmes”. Et d’ajouter que la relation avec les EtatsUnis est primordiale pour Israël. “Leur mettre la pression ne sert à rien, deuxmois et demi avant les élections”, a-t-il poursuivi. Il a rappelé, en outre,que l’apport américain est énorme tant en matériel (aviation...) qu’en soutiendiplomatique. Plutôt que de préparer le pays à une éventuelle guerre, les débats en coursont un effet démoralisant sur la population.

Les débats ne permettent pas d’améliorer la manière de gérer la menaceiranienne, au contraire, ils compliquent la situation. En attendant, alors quela fièvre de la guerre est dans tous les journaux, Binyamin Netanyahou a faitses adieux au ministre de la Défense intérieure Matan Vilnai, qui part pour unposte d’ambassadeur en Chine. Le Premier ministre devrait nommer son remplaçantdans les prochains jours.

En réaction à l’article du Yediot Aharonot dimanche, expliquant que leministère de l’intérieur n’est pas prêt pour une attaque contre l’Iran et sesconséquences, Netanyahou a affirmé que le pays devait encore faire de grosprogrès dans sa préparation à toute éventuelle attaque.

Prenant l’exemple de la première guerre du Golfe, il a montré à quel pointIsraël a su s’adapter à la nouvelle ère des missiles. Se dotant de Dôme de Fer,des missiles Arrow... D’après le Premier ministre, le pays a sans aucun doutedéveloppé le système de défense le plus avancé du monde. Toutefois, il estimpossible de dire qu’il n’y a aucun problème dans la défense “parce qu’il y ena toujours”, at- il ajouté. “Toutes les menaces actuellement contre Israël sontde différentes portées, différentes natures. Je maintiens que l’Iran ne doitpas se doter de l’arme nucléaire.”

Une attaque israélienne pourrait agir comme catalyseur en faveur de l’oppositioniranienne. Ou au contraire, booster le régime en place Les experts sont diviséssur les conséquences d’une attaque israélienne pour le maintien du régime desMollahs. Pour certains, elle renforcerait le gouvernement au pouvoir enentraînant un soutien populaire. Pour d’autres, une telle attaque favoriseraitle mouvement d’opposition en cours depuis les violentes répressions de 2009,suites aux élections présidentielles. Le Dr Soli Shahvar, à la tête du CentreEzri pour l’étude de l’Iran et du Golfe à l’université de Haïfa, estime que laréponse iranienne dépendra de nombreux facteurs, notamment des pertes civiles.

Selon lui, la population pourrait être nombreuse à développer un sentiment desolidarité à l’encontre de l’agresseur étranger, y compris parmi les Iranienspourtant opposés au régime. Cependant, selon Shavar, si les frappesisraéliennes sont ciblées sur les installations nucléaires, entraînant la mortde peu de civils, les Iraniens pourraient voir dans l’attaque préventive uneaide pour faire tomber le régime. Pour l’heure, les sanctions occidentales,ainsi que l’embargo contre le pétrole, n’ont que peu d’effet. L’Iran continue d’exporter un million de barils de brut par jour. Les acheteurssont principalement des pays d’Asie, comme la Chine, le Japon, l’Inde...

Meir Javedanfar, conférencier sur la politique iranienne contemporaine àl’institut d’Herzliya, est de ceux qui pensent que l’attaque sera un catalyseurpour le régime, au moins sur le court terme. “Une grande majorité de la populationest opposée au régime, mais également à une attaque sur le sol iranien par uneforce étrangère”. Devid Menashri, expert de l’Iran, prend en considération letype d’attaque et son niveau de réussite. Et ajoute que le problème ne concernepas seulement Israël mais également les Etats-Unis et l’Europe. Enfin, au vu dela une dans le journal Kayhan (contrôlé par le leader Ali Khomeini) lesIraniens ne semblent pas effrayés par une éventuelle attaque. Car selon letitre du quotidien iranien : “ Netanyahou est seul contre l’Iran, même au seinde son cabinet”

Les médias israéliens continuent d’être dominés par des rapports sur unesupposée attaque de l’Iran La République islamique a beau faire la forte tête,la menace venant d’Israël sur une attaque éventuelle ne la laisse pasindifférente. Les derniers jours ont été marqués par les unes des journauxévoquant une possible action, exposant des rapports qui révèlent qu’ellepourrait avoir lieu dans les prochaines semaines.

Et, discrètement, l’Iran s’est occupé à renforcer sa défense aérienne. Lepays a déplacé ses programmes d’enrichissement nucléaire dans des souterrainsafin de les protéger de tout éventuel bombardement.La République islamique a mis en garde. Quiconque tenterait de s’en prendreà ses installations échouerait et la riposte serait très dure. Un expertinterrogé précise que Téhéran commence à prendre sérieusement en considérationune attaque israélienne.

Mais lorsqu’on lui demande si cette menace pourrait inciter le Régime à stopperson programme, sa réponse est négative : “Je ne pense pas qu’ils vont y mettreun terme. S’ils le voulaient, il y aurait déjà eu un changement de leurpolitique. Mais ils continuent toujours de développer le programme”. Aucontraire, cette menace pourrait les entraîner à mettre au point le programmeen avance. L’ancien chef du Mossad, Shabtai Shavit, ne croit pas en l’aideaméricaine et considère qu’Israël ne doit compter que sur lui-même pourdéfendre son propre destin.

Le journal Yediot Aharonot rapportait vendredi qu’une discussion est encours entre le Premier ministre et le ministre de la Défense Ehoud Barak, pourla mise place d’une attaque à l’automne prochain. Mais les deux hommesrencontreraient encore de nombreuses résistances au sein de l’armée et des chefsdes renseignements.