Morsi fait son ménage de Printemps

Mohamed Morsi se libère du poids de l’armée et fait entendre la voix de son parti, les Frères musulmans

Mohamed Morsi (photo credit: Amr Abdallah Dalsh / Reuters)
Mohamed Morsi
(photo credit: Amr Abdallah Dalsh / Reuters)

Le président égyptien Mohamed Morsi a congédié le ministre de la DéfenseMohamed Hussein Tantaoui et le chef d’état-major Sami Enan, dimanche 12 août. L’évictiondes hauts responsables militaires associés à l’ancien régime n’est autre quel’achèvement de la révolution égyptienne, a ainsi fait savoir un porte-paroledu président islamiste, à la télévision.

Et d’ajouter que le chef d’Etat a également fait annuler une notification de laConstitution approuvée par le Conseil suprême des Forces Armées (CSFA), quivise à interdire au président de nommer les responsables militaires. Le CSFAavait pris le pouvoir après avoir expulsé Hosni Moubarak et dissous la Chambredes représentants qui comporte une majorité d’élus islamistes. Après avoir étéremerciés, Tantaoui et Enan ont alors été nommés conseillers à titrehonorifique.

Le porte-parole a ensuite annoncé le renvoi des responsables de l’aviation,de la défense aérienne et de la marine. Ils devraient être remplacés par deslaïcs, à leur instar, mais la décision est le signe clair que le pouvoir reposedésormais fermement entre les mains du gouvernement civil islamiste. Et ce,même si on ne sait pas encore précisément jusqu’où iront les mesures qui approuventle renvoi de Tantaoui, ni à quel point elles pourront modifier l’équilibre despouvoirs entre les généraux et les Frères musulmans, longtemps réprimés.

Morsi, un islamiste modéré élu par le peuple en juin dernier, a consultéTantaoui âgé de 76 ans et Enan, 64 ans avant de leur ordonner de démissionner. Cettedécision surprenante, à laquelle s’ajoute l’annulation de la modification de laconstitution, semble indiquer une réorganisation considérable des forcespolitiques en Egypte. Le pays attend toujours une nouvelle constitution aprèssix décennies de commandement militaire inviolé.

L’attaque dans le Sinaï, l’occasion de faire le ménage 

“Feld Marshal HusseinTantaoui a été conduit vers la retraite à partir de ce jour”, a indiqué leporte-parole de la présidence Yasser Ali. Morsi a nommé le général Abdel FattahSisi à son poste de chef des forces armées. Enan, lui, a été remplacé par legénéral Sidki Sobhi.

Les deux retraités ont été affaiblis par l’embarrassante débâcle militairecontre des hommes armés dans le Sinaï, la semaine dernière. “Cette initiativeest souveraine, prise par le président afin d’injecter du sang neuf au sein dela classe militaire. Il en va de l’intérêt du développement d’un Etat neuf etmoderne”, a annoncé Ali. “Cela a été un choix difficile, que les membres duconseil militaire ont compris, car ils sont patriotiques.

Le général Sisi fait partie de la génération de ces nationalistes des forcesarmées C’est un homme responsable et très respecté.” Enan a longtemps été considérécomme particulièrement proche de l’armée américaine, principal soutien desforces armées israéliennes. Tantaoui, ministre de la Défense de Moubarak durantvingt ans, a facilité l’éviction de l’ancien président en février 2011, faceaux manifestations de masse.

“On s’attendait à ce clash entre le nouveau président et le conseil militaire.Mais pas aussi rapidement”, explique l’analyste Gamal Soltan. Les forcesarmées, dotées de vastes ressources économiques en Egypte et d’une forcemilitaire établie en partie par Washington, restent une institution clé du payset revêtent une importance particulière dans la mise en place d’un contrôle dupouvoir démocratique qui vient à peine de débuter.

Morsi, dont la victoire sur Tantaoui a éveillé les craintes israéliennes etoccidentales quant à leur alliance avec l’Egypte, a nommé le juge Mahmoud Mekkycomme vice-président. Le frère du nouveau ministre de la Justice Ahmed Mekky,l’une des voix critiques des fraudes électorales sous Moubarak.

Le nouveau président égyptien s’est engagé à maintenir la responsabilitédémocratique et à respecter les traités du Caire avec Israël et les autresEtats. Suite aux violences dans le Sinaï qui ont agité Israël et la bande deGaza ce mois-ci, il a fait preuve d’impatience envers les forces armées de sonpays. Et mis à la porte le chef des renseignements égyptiens, la semainedernière, juste après l’attaque des terroristes qui ont tué 16 Egyptiens etviolé la frontière israélienne au point de passage Kerem Shalom.