Romney en Israël : l’anti-Obama

La visite du candidat républicain à la présidentielle en Israël a réchauffé les coeurs de plus d’un

romney (photo credit: Marc Israel Sellem)
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(photo credit: Marc Israel Sellem)

Une seule et mêmevoix entre Washington et Jérusalem. C’est ce qu’a voulu promettre le candidatrépublicain aux élections américaines, Mitt Romney, lors de sa visite du samedi28 juillet au lundi 30 en Israël. Dans une allusion à peine voilée à sonadversaire démocrate Barack Obama, le millionnaire mormon a déclaré quel’actuel soutien américain à Israël, en matière de sécurité et de renseignements,n’était pas suffisant. Selon lui : aucune distance diplomatique ne doit êtreperçue entre les deux alliés, sous peine d’enhardir les ennemis de l’Etathébreu.

Le candidat républicain a beau avoir répété qu’il ne souhaitait pas critiquerson opposant sur un sol étranger, il n’a pas prononcé une seule fois son nom aucours d’un discours de politique étrangère de 20 minutes, délivré devant laVieille Ville de Jérusalem. Mais il n’a pas eu besoin de le faire : l’allusionétait claire. Au début de son mandat, le président Obama avait en effet déclaréqu’il n’y avait rien mal à laisser paraître au grand jour quelques désaccordsavec Israël. “Soutenir Israël ne signifie pas le faire seulement militairement”, a lancéRomney, se référant à la coopération américano- israélienne plus étroite quejamais sous l’administration Obama. “Nous ne pouvons pas rester silencieuxlorsque des critiques qui visent à saboter Israël se font entendre. Et nousdevons encore moins nous joindre à ces critiques”, a conclu le candidat.
Devant plus de 300 invités triés sur le volet, Romney a eu à coeur de sedistancier autant que possible de son rival. Il a notamment souligné le lienhistorique entre le peuple juif et Israël, ce qu’Obama s’était gardé de fairelors de son discours du Caire, en 2009. “Pénétrer en Israël, c’est pénétrer ausein d’une nation née grâce à une ancienne promesse faite sur cette terre”, acontinué Romney. “Le peuple juif a survécu à l’un des crimes contre l’humanitéle plus monstrueux de l’histoire, et désormais cette nation a pris sa placeparmi les plus impressionnantes démocraties de la planète. La réussite d’Israëlest une des merveilles du monde moderne”. Le candidat a mis l’accent sur sa relation avec le Premier ministre BinyaminNetanyahou, l’appelant “mon ami” et le qualifiant de “l’une des plus fortesvoix” des valeurs communes aux Etats-Unis et à Israël.
Après son discours, Mitt Romney a retrouvé Netanyahou pour la seconde fois dansla journée, autour d’un dîner. Juste avant, le candidat avait ostensiblementqualifié Jerusalem de capitale d’Israël. Une nouvelle façon de se distancier del’administration Obama, dont les porte-parole ont évité de nommer la capitaleisraélienne au cours des dernières semaines. Le négociateur en chef palestinien, Saeb Erekat, a critiqué ces commentaires.“Les paroles de Mitt Romney font du tort à la paix, à la stabilité et à lasécurité”, a déclaré Erekat selon la radio militaire israélienne. “Nous rejetons totalement ces affirmations”.
Haro sur les ayatollahs

L’autre grandsujet de la visite du candidat républicain était bien entendu l’Iran. Dèsdimanche matin, la République islamique était au coeur de la rencontre entreRomney et le président Shimon Peres. Les deux hommes ont semblé se rejoindresur la question. Romney a ainsi déclaré que la menace posée par l’Iran surIsraël, la région et le monde en général, était “incompréhensible etinacceptable”. Tout comme l’Etat hébreu, a-t-il affirmé, les Etats-Unis sont inquiets au plushaut point du développement de la capacité nucléaire de Téhéran et feront toutpour l’empêcher de devenir une puissance atomique. Le président israélien a deson côté réitéré au candidat à l’investiture ce qu’il avait déjà dit auxleaders mondiaux, y compris Barack Obama : “Nous soutenons la coalitioninternationale dans sa politique de sanctions économiques sur l’Iran, tout enmaintenant toutes les options sur la table pour gérer la menace nucléaireiranienne”, a-t-il martelé.

Les deux hommes ont également discuté des autres sujets brûlants du Proche-Orient : la crise en Syrie, le nouveau gouvernement égyptien et lesnégociations avec les Palestiniens. Si Romney s’est dit en faveur d’unesolution à deux Etats, il s’est montré intraitable : ce sera sans le Hamas. L’homme d’affaires a repris la même ligne dure sur l’Iran au cours de sondiscours de politique étrangère. “Lorsque les leaders iraniens nient la Shoahou parlent de rayer Israël de la carte, seuls les naïfs - ou pire encore -feront passer cela pour un excès de rhétorique”, a-t-il lancé. “Ne vous y trompez pas : les ayatollahs de Téhéran sont en train de tester nosdéfenses morales. Ils veulent savoir qui opposera une résistance et qui sedésistera”. Le message de Romney aux Iraniens comme aux Israéliens ? “Les Etats-Unis ne sedésisteront pas”. Affirmant encore que “nous avons le devoir solennel et morald’empêcher les leaders iraniens de poursuivre leurs malveillants desseins”,Romney ne s’est cependant pas aventuré à donner davantage de précisions. “Nousne devons reculer devant aucune mesure pour dissuader le régime iranien dans sacourse au nucléaire et nous espérons ardemment y parvenir par le biais desanctions diplomatiques et économiques.
Mais, en fin de compte, aucune option ne doit être écartée. Nous reconnaissonsle droit d’Israël à se défendre, et il est juste que les Etats-Unis voussoutiennent en cela”, a conclu le candidat. Mais dans l’avion pour Tel-Aviv, Dan Senor, proche conseiller aux affairesétrangères de Romney, a déclaré aux journalistes présents que son candidatsoutiendrait une attaque israélienne sur l’Iran. Interrogé à ce sujet par la chaîne américaine ABC au cours de sa visite àJérusalem, le Républicain a répondu : “J’userais de mes propres termeslà-dessus, à savoir que je reconnais le droit d’Israël à se défendre”.
Israël, passage obligé de la campagne américaine

Le discours de Romney à Jérusalem, prononcéalors que la majorité de l’audience se trouvait dans la 23e heure de jeûne deTisha Beav, était le point d’orgue du déplacement à l’étranger du candidat. Ancien gouverneur, pour un mandat seulement, de l’Etat de Massachusetts, Romneya entrepris cette tournée internationale (Royaume-Uni, Israël, Pologne) pourrenforcer son image en matière de politique étrangère.

Barack Obama s’était également rendu dans l’Etat hébreu lors de sa campagne en2008, et la visite de sa Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, mi-juillet, aprèsdeux ans d’absence, sert sans doute les objectifs de la course électoraleactuelle. Israël est en effet d’une importance capitale pour l’électorat juif américain,mais également évangéliste : un réservoir de voix des plus conséquents. L’Etathébreu est donc devenu un passage obligé de la campagne américaine, tout commele serait une visite en Floride ou un déplacement dans l’Iowa.
Alors que la venue du Républicain le jour de Tisha Beav est considérée parcertains comme une gaffe, Romney a voulu mettre l’accent sur les liensparticuliers l’unissant à Binyamin Netanyahou. En retour, le Premier ministre,nommant le candidat par son prénom, a rappelé qu’ils étaient amis depuis desdizaines d’années et s’est réjoui des remarques fermes de Romney sur l’Iran. Pas de passage par l’Autorité palestinienne pour le rival d’Obama, mais unerencontre avec le chef du gouvernement palestinien Salam Fayad, qu’il a faitvenir jusqu’à son hôtel à Jérusalem.
S’il s’est entretenu avec le (de nouveau) chef de l’opposition, Shaoul Mofaz,en dépit du soutien affiché de ce dernier à Obama, une rencontre prévue avec ladirigeante du parti travailliste Shelly Yahimovich a été annulée au derniermoment, donnant lieu à une polémique intérieure. Romney est en effet latroisième personnalité internationale à ignorer Yahimovich en un peu plus d’unmois. Alors qu’en tant que chef de l’opposition d’alors, le protocole exigeaitqu’elle rencontre le président russe Vladimir Poutine et Hillary Clinton, tousdeux lui ont fait faux-bond au cours de leur visite à Jérusalem. Les députés deson parti lui avaient alors reproché son manque de stature internationale etl’absence d’une ligne diplomatique claire.
Mais cette fois-ci, rien n’obligeait officiellement Romney à maintenir lavisite prévue avec la dirigeante travailliste, repassée au rang de simpledéputée. Pourtant, lorsque son entourage a choisi d’annuler moins de trois heures avantla réunion, les membres d’Avoda ont accusé d’une seule voix Netanyahou d’êtrederrière la manoeuvre, alléguant que le Likoud faisait tout pour minimiserl’influence croissante de Yahimovich au sein du pays. La visite de Romney s’est achevée par une levée de fonds, lundi matin, àl’hôtel King David. A 50 000 dollars par couple, l’événement s’est déroulé enprésence du milliardaire américain Sheldon Adelson, qui a largement contribué àla campagne républicaine jusqu’à présent.