Syrie : les craintes israéliennes

Tandis que la situation dégénère à Damas, Jérusalem redoute que les armes chimiques syriennes ne tombent entre des mains terroristes

syrie (photo credit: Umit Bektas/ Reuters)
syrie
(photo credit: Umit Bektas/ Reuters)

Les combats fontrage dans la capitale syrienne. Ces derniers jours, les forces du régimeredoublaient d’efforts pour repousser les rebelles, déployaient un gigantesquearsenal dans l’opération “Volcan à Damas”. La plupart des magasins étaientfermés, ainsi que les stations à essence, restées sans carburant.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, plus de 550 personnes onttrouvé la mort au cours du weekend du 22 juillet, ce qui en fait les 48 heuresles plus sanglantes de la révolte civile qui s’est emparée du pays voilà 16mois.
Mercredi 18 juillet, une explosion a tué 4 membres du clan Bashar, dont leministre de la Défense Daoud Rajha et son vice-ministre, Assef Shawkat,puissant beau-frère d’Assad lui-même. Le président n’est pas apparu auxfunérailles de ses lieutenants et n’a pas fait d’intervention publique depuis.Selon Tsahal, il reste à Damas par loyauté envers son armée.
Des pans entiers de la capitale sont désertés, tandis que les Syriens fuientpar milliers les violences. Plus de 20 000 réfugiés ont ainsi franchi lafrontière libanaise vendredi 20 juillet. La plupart étaient des travailleurs,mais une source libanaise a déclaré que des diplomates étrangers et dessecouristes internationaux s’y trouvaient également. Des bâtiments publicsdevraient être mis à leur disposition par les autorités.
En Israël, on surveille attentivement le cours des événements. Dès jeudi 19, Tsahal a augmenté son niveau d’alerte et annulé les permissionsdu week-end de nombreuses unités. Le ministère de la Défense craint en effetque, dos au mur, Assad ne veuille emmener Israël avec lui dans sa chute et nelance une offensive désespérée contre l’Etat juif.
Jeudi, le ministre de la Défense Ehoud Barak s’est donc rendu à la frontièresyrienne pour évaluer le déploiement des troupes. Au cours de sa visite, desbruits de mortier se sont fait entendre à quelques kilomètres de là. Plus tard,15 civils syriens se sont approchés de la frontière, faisant craindre à l’arméequ’ils ne pénètrent à l’intérieur du territoire. Ils ont fini par retournerdans leur village mais Tsahal a rappelé qu’elle était préparée en cas d’arrivéemassive de réfugiés.
Le plan prévoit de maintenir les civils à l’intérieur d’un no man’s land entreles deux pays. L’armée s’est dite également prête à distribuer de l’eau et dela nourriture aux demandeurs d’asile et même de les protéger face aux forcessyriennes en cas d’attaques de civils.
Un arsenal à haut risque

 

Mais plus que lesréfugiés, c’est la question des armes chimiques syriennes qui inquiète Israël.En cause ? La peur que suite à la chute imminente d’Assad, elles ne tombententre les mains du Hezbollah ou d’autres organisations terroristes. Le sujetattire également toute l’attention des Américains, qui coopèrent plus quejamais avec Jérusalem sur ce dossier à haut risque. L’establishment militaire ad’ailleurs réfuté les rumeurs prétendant que Tsahal était sous la pression deWashington pour éviter une action unilatérale afin de détruire les armes chimiques.“Nous travaillons main dans la main, en toute coordination”, a indiqué unesource à la Défense, ajoutant que la situation en Syrie se trouvait au coeurd’échanges avec les ténors de l’administration américaine, dont la secrétaired’Etat Hillary Clinton et le conseiller national à la sécurité, Tom Donilon.
Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a quant à lui déclaré dans un entretienavec la chaîne télévisée américaine Fox News dimanche que sa plus grandeinquiétude en Syrie n’était pas de savoir qui allait remplacer Assad, maisconcernait bien le sort réservé à l’arsenal d’armes chimiques, “dans le chaos”d’une période sans gouvernement.
“C’est un vrai problème”, a dit le chef du gouvernement. “Pouvez-vous imaginerle Hezbollah - qui, avec l’Iran, conduit des attaques terroristes partout dansle monde - avec des armes chimiques ?” Un scénario inacceptable pour Israël,tout comme pour les Etats-Unis, a affirmé Netanyahou.
Et d’ajouter : “Je pense que nous devrons y mettre le holà si le régime s’effondreet qu’aucun gouvernement stable n’est mis en place. Ce sera alors le chaos etles divers sites demeureront sans surveillance. Le Hezbollah, ou tout autreorganisation terroriste, pourrait venir en prendre possession”. Quant à savoirsi Jérusalem agirait seule ou attendrait le feu vert de son allié américain, lePremier ministre a répondu : “Nous devrons réfléchir à notre action. Est-ce queje la recherche ? Non. Est-ce que je l’exclus ? Non plus”.
Des milliers de missiles et d’ogives

 

Même son de cloche chez Ehoud Barak, qui a déclaré dimanche qu’Israël nepouvait “tolérer” que les armes chimiques syriennes ne tombent entre demauvaises mains. “Nous nous attendons à ce que le Hezbollah essaie de déroberdes armements sophistiqués”, a affirmé le ministre au cours d’une visite aucentre de recrutement militaire de Tel Hashomer pour rencontrer les nouveauxcadets de la Brigade Golani. “Nous n’en savons pas davantage pour l’instant”.
Barak a prédit la chute imminente d’Assad, mais a insisté : cela se fera sansintervention israélienne. “C’est le peuple syrien qui le renversera. Les seulsà l’aider aujourd’hui sont le Hezbollah et l’Iran. Mais même avec ce soutien,il tombera”. Le commandant réserviste Amos Guilad, bras-droit de Barak, adéclaré dimanche que les forces du président syrien contrôlaient toujours lesarsenaux chimiques. Le ministre a néanmoins confié à Aroutz 2 et Aroutz 10avoir ordonné à Tsahal de préparer des plans d’urgence pour empêcher laprolifération de ces armes.
Selon les estimations, la Syrie possède l’un des plus grands arsenaux d’armeschimiques au monde, avec des milliers de missiles et des milliers d’ogivespouvant être montées sur des Scuds. De plus, à la fin des années 1990, lesEtats-Unis avaient averti que Damas était en train de développer des ogivescapables d’exploser en plein vol et de se diviser en plusieurs “bombettes”contenant des agents neurotoxiques.
Plusieurs possibilités sont à envisager pour Israël. Parmi elles : attaquerdepuis les airs des convois d’armes ou encore les bases elles-mêmes. Maisl’establishment craint qu’une telle frappe ne conduise à une guerre ouverteavec une Syrie chancelante, l’Iran et le Hezbollah.