Un nouveau leader juif

Moshé Madoi, membre de la tribu Abayudaya établie dans l’est de l’Ouganda, a décidé d’étudier le judaïsme en Israël et de mener une vie conforme à la stricte orthodoxie. Son objectif : une conversion dans les règles de l’art.

Ouganda (photo credit: DR)
Ouganda
(photo credit: DR)

A l’instar de beaucoup de jeunes adultes, Moshé Madoi est ambitieux,intelligent et idéaliste. Il étudie actuellement à la yeshiva Torat Yossef-Hamivtar d’Efrat et passe des heures à déchiffrer les textes sacrés. MaisMadoi, qui vient de fêter ses 25 ans en juin, se distingue de ses camaradesd’étude : il est membre de l’Abayudaya, une tribu de l’est de l’Ougandarespectueuse des pratiques du judaïsme.

Arrivé en janvier dernier, il prévoit de rester en Israël jusqu’en décembre ;avant de s’en retourner vers sa communauté, riche de nouvelles connaissancesqui lui permettront de pratiquer l’abattage rituel et de posséder unecompréhension plus profonde des paroles divines.

La tribu d’Abayudaya dénombre aujourd’hui quelque 1 100 âmes. Contre plus de 3000, avant les persécutions subies sous le dictateur Idi Amin Dada, dans lesannées 1970. Contrairement aux tribus prétendument perdues d’Israël, quirevendiquent d’anciennes racines juives, le mode de vie des Abayudayas remonteau début du 20e siècle.
A la fin des années 1800, sous l’influence des missionnaires britanniques, lechef de file ougandais Semei Kakungulu se convertit au christianisme. En 1913,il rejoint une secte qui mêle éléments du judaïsme et du christianisme.

Pour finir par conclure, au terme d’une étude approfondie des textes, quel’Ancien Testament contient la vérité divine.

Après avoir lui-même circoncis ses fils et les avoir déclarés juifs, ilentreprend alors, avec ses partisans, d’observer les préceptes bibliques, avecautant de précision que possible.

De sources historiques, un Juif du nom de Yossef aurait visité les Abayudayas(littéralement “Le Peuple de Juda”) en 1920 : il aurait alors vécu avec euxprès de six mois, le temps de les familiariser avec le calendrier hébraïque etde leur enseigner les lois alimentaires juives.

Puis, dans les années 1960, la communauté fait la connaissance d’un autre Juif,le diplomate et israélien Arye Oded : un chercheur à l’université Makerere deKampala. Israël prône alors des relations positives avec l’Ouganda et lesautres pays africains. La coopération israélo-ougandaise s’étend à diversdomaines : économique, commercial et militaire.

Jusqu’au coup d’Etat d’Amin Dada, en 1971. Les pays tenteront de retisser desliens en 1994.
Durant les décennies qui suivent, les Abayudayas continuent leur quêtespirituelle juive. Grandement influencés par l’organisation Kulanu du Mouvementconservateur. En 2002, cinq rabbins vont ainsi convertir près de 400 membres dela communauté au judaïsme, selon les normes libérales.

Depuis, le nombre de conversions ne cesse d’augmenter chaque année. Outre soninfluence spirituelle, Kulanu fournit également à la tribu un soutien éducatifet financier.

Sizomou, l’oncle d’Amérique

Environ 130 membres de la communauté Abayudaya, dont Madoi et son frèreEnoch Keki Mainah, ont toutefois refusé de pratiquer une conversion réformée.Connu sous le nom de Sheerit Israël (reste d’Israël), allusion à leur survie auterrorisme d’Idi Amin Dada, ce petit groupe du village de Putti s’efforce ainside mener une vie juive orthodoxe.

Le père de Madoi n’était pas juif, mais sa mère s’est toujours passionnée parle judaïsme, explique-t-il. Elle est décédée quand il était enfant, et c’estson oncle maternel, Guershom Sizomou, qui a pris la relève de son éducation.

Sizomou intégrera par la suite l’Ecole des études rabbiniques Ziegler, del’université juive américaine de Los Angeles. Il y étudiera pendant cinq ans,avant d’être ordonné rabbin conservateur en 2008 et de retourner dans son paysnatal.

“C’est compliqué”, précise Madoi à propos de la situation de sa communauté. Unemésentente a longtemps perduré entre ceux qui ont rejoint le mouvementconservateur et la minorité qui a préféré la voie de l’orthodoxie.

Ces derniers ne souhaitaient toutefois pas offenser leurs coreligionnaires,adeptes d’un judaïsme réformé, insiste Madoi.

“Je suis venu en Israël parce que je veux être orthodoxe”, explique-t-il.“Ensuite, je retournerai enseigner pour que ma communauté puisse vivre selonles principes orthodoxes.”

Il décrit les pénibles conditions de vie auxquelles sont confrontés les siens.“Nous cultivons notre propre nourriture. En cas de sécheresse, beaucoup meurentde faim. Nombreux sont ceux qui vivent dans des maisons de terre. Même notresynagogue est construite ainsi. Nous tentons toutefois d’améliorer les chosesvia l’éducation et l’entreprenariat.”
Avant son arrivée en Israël, Madoi enseignait aux enfants de 8 à 15 ans dessujets liés au judaïsme. Il a également composé des chansons en hébreu et enluganda. La musique fait partie intégrante de la culture des Abayudayas.

Ces dernières années, ses membres ont même ajouté un titre africano-juif surleur CD.

Madoi y a participé en tant que guitariste et chanteur, avant de venir enIsraël. “Je fais de mon mieux pour aider les enfants à qui j’enseigne”, dit-il.“J’aime le judaïsme et je travaille dur pour le transmettre. Les jeunes memanquent beaucoup en ce moment, mais à mon retour, ils pourront découvrirencore davantage. Je suis ici en formation. Ma communauté compte plus d’enfantsque d’adultes, environ 90, qui nous promettent un solide avenir.”

L’objectif de Madoi, à terme : obtenir une conversion orthodoxe et faire sonaliya. “Nous voulons être acceptés en tant que Juifs en Israël et vivre une viepleine de Torah.”

Des agriculteurs en kippa

Le rabbin Shlomo Riskin a fondé l’établissement Ohr Torah Stone desprogrammes d’études supérieurs - le réseau des institutions qui comprend layeshiva Hamivtar, et a visité Putti l’été dernier. En tant qu’éducateurrenommé, conférencier et auteur, Riskin a été invité à un colloque de Nairobi.Sur place, il a longuement entendu parler de la communauté Abayudaya qui l’afasciné. Il a alors a entrepris le voyage jusqu’à Putti.

“J’ai rejoint ce village d’agriculteurs qui semblaient très heureux”,explique-t-il. “Les hommes portent la kippa, ils sont très religieux. Ilsobservent le Shabbat, les fêtes juives, les lois de pureté familiale (taharathamishpaha), la cashrout, et organisent des offices pour les trois prièresquotidiennes.

“J’ai passé un certain temps avec eux, et j’étais absolument stupéfait. Euxaussi avaient entendu parler de moi, parce qu’ils recevaient les traductions demes commentaires de Torah publiés dans le Jerusalem Post. Ils n’étaient pasencore juifs, mais décidés à pratiquer selon leur foi.

Dans la délégation de Riskin : le docteur Ari Greenspan, un dentisted’Efrat, également mohel qualifié et shohet (apte à pratiquer l’abattage ritueldes bêtes). “Ils (les Abayudayas) étaient végétariens, parce qu’ils ne savaientpas comment pratiquer la shehita ; alors Ari a tué des oiseaux et des caillespour eux. Mon petit-fils était avec nous, il avait étudié les lois de cashroutpour sa bar-mitsva, et nous a aidés.” Le rabbin a été particulièrementimpressionné par l’attitude de Madoi et de son ami Tarphone. “Ils font desmerveilles. Ce sont des étudiants extraordinaires !”

Son inspiration, Madoi la puise dans l’histoire de Ruth. Ce passagebiblique est lu pendant la fête de Shavouot., Convertie au judaïsme, Ruth estconnue pour sa loyauté envers sa belle-mère Naomi ; et sa profondedétermination à la suivre jusqu’en terre d’Israël. Elle prouve sa volontéd’embrasser la foi juive ; et sera l’arrière-grandmère du roi David, maillondirect de la chaîne qui mène au Messie. Des traits de caractère que lesAbayudayas méritent aussi.